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Citations sur Philippe Sollers (3)

L’essentiel est, cependant, de passer au-delà de ce filet, de se défaire de lui. Les romans de Sollers, considérés dans la perspective juste, ne relatent rien d’autre que les stratégies convergentes mises en œuvre pour atteindre ce but. La « rosace contradictoire » qu’organise autour de lui le narrateur de Femmes, la clandestinité perverse des « scènes » avec Sophie dans Portrait du joueur, la société secrète du plaisir dans Le Cœur absolu, l’inceste dans Les Folies françaises, le jeu d’échecs sexuel dans Le Lys d’or : autant d’expériences qui visent à constituer le narrateur en « exception » définitive, à le soustraire à la règle de l’espèce, à l’emprise du groupe. Il s’agit de s’évader du « moulag » (F. p.353.) », de fausser compagnie à toute compagnie, de « percer l’OEUF » (PDJ. P. 58). Portrait du joueur esquisse la liste des armes nécessaires à cette entreprise, « silence, exil et ruse », mais déclinées cette fois de manière différente. Il n’y a donc pas d’autre attitude juste que celle qui consiste à déserter sans remords le combat collectif – quitte à prendre position ponctuellement sur telle ou telle question, comme le racisme ou la défense du catholicisme. Il ne peut y avoir d’issue qu’individuelle, dans l’exagération même de son individualité.

* L’écrivain se soustrait à l’anonymat pour s’inventer soi-même : ne plus « faire nombre » mais « faire nom » et, passant parfois par le biais d’un jeu pseudonymique, se construire un nom - plus vrai que celui qui nous a été donné – dans le mouvement vocal de notre propre engendrement.

* L’œuvre de Sollers est vivante : elle échappe en cela à toute autopsie déguisée qu’on tenterait d’en réaliser, à toute histoire définitive qu’on voudrait en écrire. Lire Sollers ? S’attacher à saisir la vitalité d’une vision fidèle à elle-même sous la multiplicité des formes qu’elle emprunte. L’une des œuvres les plus vivantes de la littérature contemporaine. L’œuvre de Sollers ne disparaît pas du tout derrière les références contradictoires qu’elle mobilise. D’une curieuse solitude au Lys d’or, les romans de Sollers relatent strictement la même expérience, la plongée mystique vers l’intérieur même de sa propre parole, qui, lui permettant de se soustraire à la mécanique sociale qui le nie – langage pétrifié, ronde sexuelle -, lui ouvre la voie vers une forme de vérité qui est aussi jouissance.
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Dans tous les cas, on est bien en présence d’un récit à la première personne, tout entier centré autour du « je » qui lui donne vie. On est dans l’ordre de ce que Sollers nomme les « IRM », identités rapprochées multiples. Le narrateur est toujours, chez Sollers, cet individu qui, paradoxalement, de se situer à l’extrême périphérie de la comédie sociale en occupe le cœur le plus profond. Cette périphérie est également solitude : solitude sociale, sexuelle, littéraire enfin. A ce glissement de visage en visage nouveau s’ajoute, de texte en texte, un changement calculé de tonalité. Chaque roman se trouve en effet clairement placé sons un signe majeur qui décide en lui de toutes les harmonies culturelles qui vont accompagner et prolonger, de manière plus ou moins explicite, le récit. Si bien que, derrière l’apparent désordre de la chronique que simule chaque roman, le texte se trouve toujours indiscutablement placé sous un signe majeur et singulier qui l’informe tout entier et lui donne une place à part dans l’ensemble. S’il y a bien variations, glissements et déplacements, rien n’interdit cependant de parler d’une esthétique d’ensemble, qu’il convient maintenant d’approcher.
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L’approche individualisée des derniers romans de Sollers, telle qu’elle vient d’être sommairement réalisée, était particulièrement nécessaire en ceci que la critique, se refusant jusqu’ici à véritablement considérer ce qui fait la spécificité de chacun, s’est contentée de les tenir pour purement et simplement interchangeables, trouvant là un prétexte commode pour détourner son regard, avec rapidité et condescendance. Si bien que, en l’état actuel des choses, rien, hors de la chronique littéraire – avec ce que le genre suppose d’inévitablement éphémère et superficiel – n’a pratiquement encore été écrit sur ces livres, que leur vraie légèreté, leur incontestable désinvolture et leur fausse simplicité semblent rendre encore plus impénétrables au lecteur que les plus savantes constructions de la période telquélienne.
D’où la nécessité des analyses qui précèdent : fragmentaires et trop sommaires, elles n’ont pu rendre compte du fonctionnement de chacun des derniers ouvrages de Sollers ; cependant, elles ont, je l’espère, contribué à souligner l’existence d’une matière littéraire dense, complexe, digne d’attention et singulière dans chacun de ces romans trop hâtivement rangés dans la rubrique « littérature commerciale ».
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