Van der Goes,déjà rencontré aux côtés de Dieric Bouts, fut comme Roger van der Weyden classé sans hésitation parmi les peintres brugeois par les chroniqueurs des XVIe et XVIIe siècles. Schilder van Brugghe, disent van Mander et Sanderus ; schilder van Genl, sommes-nous en droit de répondre en nous appuyant sur un document contemporain. Mais il s’en fallut de peu sans doute que van der Goes, dès ses débuts, ne s’installât à Bruges. Il travailla pendant dix jours et demi aux décorations du mariage de Charles le Téméraire avec Marguerite d’York et revint pour les fêtes célébrées à l’occasion de la réception solennelle de la femme du Téméraire en qualité de comtesse de Flandre. On aime à croire que, dès ce moment, l’un de ses admirateurs fut Messer Tomaso Portinari. Une grande composition de van der Goes {Crucifiment ou Déposition de Croix, les renseignements des chroniqueurs se contredisent quant au sujet) ornait le maître-autel de Saint-Jacques et était peut-être bien un témoignage de la sûre munificence du Florentin.
Jean Prévost est un héraut de notre baroque primitif. Son Enfer sans vigueur est inspiré de Bosch. Mais on l’a dénaturé. En 1550, le Magistrat de Bruges chargea Pierre Pourbus d’effacer de ce tableau un char menant des ecclésiastiques dans les flammes. Le Jugement dernier de van Orley (musée d’Anvers), contemporain de celui de Prévost, atteste une autre entente du style monumental de Rome; Prévost, malgré tout, reste primitif. Sans doute ne demandait-il qu’à marcher de l’avant. Mais le milieu brugeois n’était pas très propice. L’artiste cependant s’assimila certains genres profanes de l’école d’Anvers, comme en témoigne Le Vieillard et la Mort du musée communal de Bruges.
L’extérieur des retables flamands relève presque toujours d’une esthétique sculpturale. L’oraison finie, l’oeuvre se faisait en quelque sorte de pierre. Point de luxe inutile ; des figures en grisaille d’une plasticité toute décorative. Fermé, le « taveliau » s’incorporait au cadre d’architecture. La prière seule dévoilait les trésors cachés sous les volets. Ouvrait-on ceux-ci, les scènes pieuses s’offraient dans cette harmonie de tons purs qui fut le secret des Flamands du XVe siècle ; et l’esprit du fidèle s’abîmait dans un flot de lumières colorées et de grâces irradiantes. Telle était la vertu de cette peinture mystique.