Qu'importe que ce soit absurde ou pas, qu'importe où l'on aille, allons-y, ne réfléchissons pas trop, ne cessons pas de nous écrire, ne cessons pas de commencer à nous aimer comme nous le faisons si bien, ne cessons pas de nous manquer.
Tout ça me replonge a chaque fois dans Romanze, dans cette lumière de fin d'après-midi dans le square, dans l'exceptionnelle douceur de ce début septembre, dans la pénombre de sa chambre d'étudiante fenêtrés ouvertes, a nos ombres sur le lit dans la nuit, tout ça me renvoie sans cesse au visage et au sourire d'Alice. Et ces images sont pour moi autant un refuge qu'elle attisent une terrible sensation d'absence, un peu comme une drogue délicieuse, mais aux effets trop évanescents et a la descente sévère.
J'ai d'ailleurs bien pigé que, ce que les autres attendent de toi, ce n'est pas que tu leur épargnes tes problèmes et que tu ailles bien, bien au contraire. Ce que les autres attendent de toi, c'est que tu finisses par tomber les masques et admettre que tu es exactement de la même essence qu'eux, que tu es dans la même merde qu'eux. C'est ça, le vrai partage, c'est ça, l'humanité.
(...) j'ai vachement appris à m'écouter, avec toutes ces histoires, tu sais, j'ai appris à être égoïste lorsqu'il faut.
… je me sentais chaque jour vidé de mon sang, j’avais jour et nuit une boule à l’estomac, tu sais, la boule que t’as là et qui te lâche plus, le mal-être mental directement transformé en douleur physique objective, tu vois ce que je veux dire ? Le genre de truc contre lequel on te prescrit des antidépresseurs, du Prozac, des trucs comme ça. Avant de vivre ça, je ne comprenais pas, le Prozac. Avant, je mettais un point d’honneur à ne jamais reconnaître que ça n’allait pas…
…Les gens qui me parlaient de dépression et de mal-être, ça me semblait complètement abstrait, je pensais que tous ces médocs, tous ces psys et tous ces discours, c’était pour les faibles. J’en devenais dédaigneux, méprisant, carrément intolérant. Je ne comprenais pas qu’on puisse être malheureux sans réagir, je ne comprenais pas qu’on puisse faire la gueule, prendre dix ans d’un coup, qu’on puisse un beau jour cesser d’avoir envie de sourire pour la galerie. Je pensais que ceux qui allaient mal se résignaient à aller mal et que, au bout du compte, ils ne devaient pas s’y trouver si mal dans leur mal-être, tu vois le genre ?
…j’ai compris que s’ils en sont là, c’est qu’ils doivent drôlement morfler.
Je note que mon existence est désormais partagée entre les jours où ça va, et les jours où ça va pas. Ou, pour être plus précis, entres les jours où ce ne va pas et ceux où je parviens à oublier pendant quelques heures que ça ne va pas.
J'ai du mal à imaginer qu'on puisse faire l'amour avec quelqu'un, même d'inconnu, même une unique nuit, sans qu'un lien fort en résulte. Deux corps qui se sont pénétrés, deux peaux qui se sont frottées l'une contre l'autre, deux salives qui se sont échangées, se doivent des comptes, on ne peut pas s'en tirer comme ça, même si chez la plupart des gens, de fait, ça n'engage à rien.
Je pense à la phrase de Nietzsche: "Tout ce qui ne tue pas rend fort."
Le bonheur, l'avenir est une parfaite et perpétuelle inconnue, dans tous les sens du terme.
On peut s'aveugler pendant des années comme ça,en refusant l'évidence.Et se contenter de miettes en disant merci.