Citations sur J'étais derrière toi (99)
Pour découvrir que je pouvais souffrir comme tout le monde et que ma soi-disant force mentale, mon soi-disant élégant détachement, ma soi-disant distance en toute circonstance, purement théorique, purement idéaliste, purement littéraire, que tout ça ne faisait pas le poids face à un vrai coup dans la gueule bien banal, franc et massif.
J'étais un pauvre petit Blanc de taille et de poids trop moyens, coupable et cocu sur le carrelage de la salle à manger, et je continuais à danser quand même ,
en slip, exactement comme la poule décapitée dans sa basse-cour, idem.
"Mais il y a une boue putride permanente qui englue nos rapports. Entre nous, ça moisit, ça pourrit de jour en jour. Les rancoeurs et al haine sourde d'uncôté, la revanche et l'angoisse tenace de l'autre".
"je me sens noyé dans une confusion commode, paroxystique, je me sens devenir potentiellement machiavélique, je me dis qu'il est facile de devenir un salaud, je commence à comprendre les criminels et les dictateurs".
Là, j'ai réalisé brusquement que, lorsque l'on avait souffert comme j'avais souffert, tromper sa femme était la chose la plus naturelle du monde. Et, d'un coup, ça m'a libéré, d'un coup ça m'a rendu plus léger, d'un coup j'ai compris des générations d'hommes et de femmes adultères, d'un coup je me suis senti pris comme tout le monde dans l'engrenage d'une banalité triste et rassurante, avec un fatalisme dénué de toute culpabilité. Mon premier réflexe, d'ailleurs, comme tous les maris adultères, a été de chercher avec pragmatisme à effacer toute trace d'élément compromettant. Dans ma poche, il restait quelques préservatifs que j'ai déposés, avec la boîte, sur le couvercle d'une poubelle fixée au montant du feu rouge, par connivence au cas où, à l'intention, qui sait, d'un autre mari adultère de mon espèce qui n'aurait pas la chance de trouver une pharmacie de garde au bon moment.
Je m'encombre sans cesse l'esprit de mes obligations et de mes scrupules, impossible de savoir si je ressens davantage de malaise ou de bonheur. Si c'est du bonheur, il est clandestin, coupable, donc incomplet. Si c'est du malaise, il n'a pas une incidence négative suffisante sur ma détermination pour me faire lâcher les hanches d'Alice et lui dire : "Excuse-moi, je suis en train de faire une connerie, merci pour tout et bonne vie à toi, je me casse." Je me dis qu'il faut que j'arrête de me prendre la tête, qu'il y a, à ce moment même sur terre, des millions d'autres pères de famille que moi qui sont en train de tromper leur femme, que c'est dans l'ordre des choses.
Les gens qui me parlaient de dépression et de mal-être, ça me semblait complètement abstrait, je pensais que tous ces médocs, tous ces psys et tous ces discours, c'était pour les faibles. J'en devenais dédaigneux, méprisant, carrément intolérant. Je ne comprenais pas qu'on puisse être malheureux sans réagir, je ne comprenais pas qu'on puisse faire la gueule, prendre dix ans d'un coup, qu'on puisse un beau jour cesser d'avoir envie de sourire pour la galerie. Je pensais que ceux qui allaient mal se résignaient à aller mal et que, au bout du compte, ils ne devaient pas s'y trouver si mal que ça, dans leur mal-être, tu vois le genre?
"Écoute, si j'apprends un jour qu'il s'est passé un truc à Romanze et que tu ne me l'as pas dit, là, je te garantis que tu vas vraiment découvrir ma face B. Alors, si tu as quelque chose à me dire, vas-y, c'est le moment, profites-en, c'est tout de suite ou jamais, il n'y aura pas de deuxième chance."
Les souvenirs recommencent à avoir de l'avenir
Un jour, je lui dis : "Ça fait mal mais c'est si bon", le lendemain : "C'est bon mais ça fait si mal."