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Citations sur Les Maia (26)

L'aïeul dont les yeux brillaient maintenant de tendresse devant ses roses, et qui au coin du feu se plaisait à relire son Guizot, avait été pendant quelques temps, selon son père, le plus farouche jacobin du Portugal. Et pourtant la fureur révolutionnaire du pauvre jeune homme avait seulement consisté à lire Rousseau, Volney, Helvétius et l'Encyclopédie, à faire partir des fusées à étoiles en l'honneur de la Constitution et à arborer un chapeau de libéral et une haute cravate bleue en récitant dans les loges maçonniques d'abominables odes au Suprême Architecte de l'Univers. Mais cela avait suffi à indigner son père. Caetano da Maia était un vieux et fidèle Portugais qui se signait au nom de Robespierre et qui, dans son apathie d'aristocrate dévot et valétudinaire, n'avait plus qu'un sentiment vivace : l'horreur, la haine du Jacobin à qui il attribuait tous les malheurs, ceux de la patrie et les siens propres, depuis la perte des colonies jusqu'à ses attaques de goutte. Pour extirper le jacobinisme de la nation, il avait donné son cœur à l'Infant Don Miguel, Messie puissant et restaurateur providentiel… Et avoir justement pour fils un Jacobin lui paraissait une épreuve comparable seulement à celle de Job.
Au début, dans l'espoir que le jeune homme s'amenderait, il se contenta de lui montrer un visage sévère et de l'appeler d'un ton sarcastique "citoyen". Mais quand il sut que ce fils, son héritier, s'était mêlé à la foule qui, en une nuit de fête civique et de lampions, avaient jeté des cailloux dans les vitres éteintes de l'ambassadeur d'Autriche, envoyé de la Sainte-Alliance, il considéra ce garçon comme un Marat, et toute sa colère éclata. La goutte cruelle qui le clouait dans son fauteuil ne lui permit pas de rosser le franc-maçon avec sa canne des Indes, à la façon d'un vrai père portugais. Mais il décida de le chasser de chez lui sans pension ni bénédiction, en le reniant comme un bâtard. Ce franc-maçon ne pouvait être de son sang !


Pages 29 et 30.
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Elle était vraiment comme la déesse qu'il avait imaginée : sans contact antérieur avec la terre, elle était descendue de son nuage d'or pour venir chercher, dans cet appartement meublé de la rue Sao Francisco, son premier tressaillement humain.

Dès la première semaine des visites de Carlos, ils avaient parlé d'affections. Elle croyait candidement qu'il pouvait y avoir, entre une femme et un homme, une amitié pure et immatérielle faite de l'aimable concordance de deux esprits délicats. Carlos jura qu'il avait foi lui aussi en ces belles unions, toutes d'estime et de raison pourvu qu'on y mêlât, si légèrement que ce fût, une pointe de tendresse….. Cela les parfumait d'un grand charme et n'en diminuait pas la sincérité. Et par ces mots un peu vagues, murmurés entre les points de la broderie avec de longs sourires, il avait été subtilement établi qu'il ne devait y avoir entre eux qu'un sentiment semblable, chaste, légitime, plein de douceur et dépourvu de tourments.

Peu importait à Carlos! Pourvu qu'il pût passer cette heure-là dans le fauteuil de cretonne à contempler Maria qui brodait et à causer de choses intéressantes, ou rendues intéressantes par la grâce de sa personne, pourvu qu'il vît son visage, légèrement rougissant, se pencher, avec la lente attraction d'une caresse, sur les fleurs qu'il lui apportait , pourvu que son âme fût bercée par la certitude que la pensée de Maria l'accompagnait avec sympathie à travers sa journée, dès qu'il quittait cet adorable salon de reps rouge, son cœur était merveilleusement satisfait.


Pages 413/414
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Alors tandis qu'ils suivaient ce long Aterro, si triste dans l'obscurité sous les becs de gaz endormis qui brillaient en file comme à l'enterrement, Alencar se mit à parler de la "grande époque" de sa jeunesse et de la jeunesse de Pedro. Et à travers le lyrisme de ses phrases, Carlos sentait monter comme le parfum suranné d'un monde défunt….. C'était le temps où les jeunes gens conservaient encore un peu de l'ardeur des guerres civiles. Pour la calmer, ils allaient en bande écumer les cafés, ils crevaient de méchants chevaux de trait en galopant jusqu'à Sintra. Sintra était alors un nid d'amoureux. Sous ses ombrages romantiques, les nobles dames s'abandonnaient aux bras des poètes. Elles étaient toutes des Elvire ; ils étaient tous des Antony. L'argent abondait. La Cour était gaie. La Régénération, lettrée et galante, allait relever le pays, ce beau jardin de l'Europe. Les bacheliers arrivaient de Coimbra tout frémissants d'éloquence. Les ministres de la couronne chantaient au piano. Le même souffle lyrique gonflait les odes et les projets de loi…

- Lisbonne était bien plus divertissante dit Carlos,
- C'était autre chose, mon petit Carlos! On vivait! On ignorait ces grands airs scientifiques, ce charabia philosophique, ces blancs-becs positivistes! …. Mais on avait du cœur, mon garçon, on avait de la flamme! Même en politique! ….Regarde cette saloperie d'aujourd'hui, cette bande de fripouilles…. En ce temps-là, on allait à la Chambre et on y sentait l'inspiration, on y sentait le trait de génie!.....On voyait de la lumière sur les fronts!..... Et puis, mon garçon, il y avait des femmes rudement jolies.

Pages 208/209
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La mer formait au fond une ligne continue, estompée dans la ténuité diffuse de la brume bleutée. Au-dessus se déployait un grand azur lustré comme un bel émail, avec seulement, là-haut, un petit nuage oublié comme un chiffon, qui dormait pelotonné et suspendu dans la lumière...
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C'était un amour à la Roméo, né soudainement d'un fatal et éblouissant échange de regards, une de ses passions qui font irruption dans une vie, la ravagent comme un ouragan, arrachent la volonté, la raison et le respect humain, et précipitent le tout dans l'abîme.
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Attaqué de la sorte et pris entre deux feux, Ega éclata. Justement, le point faible du Réalisme, c'est d'être encore trop peu scientifique, d'inventer des intrigues, de créer des drames, de s'abandonner à la fantaisie littéraire! La forme pure de l'art naturaliste doit être la monographie, l'étude sèche d'un type, d'une passion, comme s'il s'agissait d'un cas pathologique, sans pittoresque, sans style!... p.193
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Ega dit que l'hymne national est la définition musicale du caractère d'un peuple. Le rythme de l'hymne correspond, dit-il, au mouvement moral de la nation. Voyez les différents hymnes, selon Ega. La Marseillaise avance avec une épée nue. Le God save the Queen marche en laissant traîner un manteau royal...

- Et l'Hymne de la Charte ?

-L'Hymne de la Charte se dandine en veston.
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Dans ce pays béni, tous les politiciens on un "immense talent". L'opposition reconnaît toujours que les ministres qu'elle couvre d'injures ont, en dehors des qu'ils font, "un talent de premier ordre !" Inversement la majorité admet que l'opposition, à qui elle reproche constamment les bêtises qu'elle a faites, est pleine de "très robustes talents !". Mais tout le monde est d'accord pour die que le pays est dans le gâchis. Il en résulte une situation ultra-comique : un pays gouverné par un "immense talent" qui, de tous les pays d'Europe, est, de l'avis unanime, le plus stupidement gouverné ! Je fais une proposition : comme les talents échouent toujours, essayons une fois les imbéciles ! (p619)
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Elle avait un jugement très droit et très juste, avec un fond de tendresse qui l'inclinait vers tout ce qui souffre et tout ce qui est faible. C'est ainsi qu'elle aimait la république parce que c'était le régime qui lui semblait avoir le plus de sollicitude pour les humbles. Carlos lui prouvait en riant qu'elle était socialiste.
- Socialiste, légitimiste, orléaniste, disait-elle : n'importe quoi pourvu que personne n'ait faim !
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- Alors que lui apprendriez-vous, monsieur le curé, si je vous confiais cet enfant? Qu'il ne faut pas voler l'argent dans les poches des autres, ni mentir, ni maltraiter les inférieurs, parce que c'est contraire à ce que prescrit la loi de Dieu et que cela conduit en Enfer? Hein, c'est cela ?
- Il y a autre chose...
- Je sais. Eh bien, tout ce que vous lui apprendriez à ne pas faire parce que c'est un péché qui offense Dieu, il sait déjà qu'il ne faut pas le faire parce que c'est indigne d'un homme bien élevé et d'un homme de bien...
- Mais, monsieur...
- Ecoutez, monsieur le curé, toute la différence est là. Je veux que cet enfant soit vertueux par amour de la vertu, et honnête par amour de l'honneur; et non parce qu'il a peur des chaudières du Diable ou qu'il poursuit l'appât du royaume des Cieux...
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