Je brûle de lui dire que moi, par contre, ça ne va pas du tout, que mon homme à l’instant même me blesse, que je me délite peu à peu, que je suis un asticot, incapable d’ouvrir ses ailes, que je rampe depuis des années et que je n'en peux plus d'avoir les yeux rivés au sol, que je voudrais voir le ciel, que j'ai des envies de carmélite. Mais je souris, jusqu'à quand ?
Chez elle, il y a sa mère et sa haine, mais aussi la liberté. Elle peut s'enfuir, rejoindre les bois, grimper dans les arbres, être seule, rêver, penser, prier. Là, tout est fermé, pas d’échappée possible, des murs, des grilles, des ordres criés, la promiscuité permanente, les murs, les murs, la cour, les murs. Pas un arbre. Même le ciel se dérobe.
Mais le pas vers la liberté me coûte plus que de rester. La liberté m'est si violente
En vérité, quelle heureuse vie ! Quand un mari est si jaloux, qu'il s'oppose à ce que son épouse sorte de chez elle et parle à qui que ce soit Sainte Thérèse d'Avila
Je fais le chemin inverse de Sybille : elle s'est libérée en quittant le couvent, je me libère en y rentrant.
Même si je n'ai pas encore scié tous mes barreaux, je ne suis cette femme. La conscience de ma prison désagrège mon bonheur.
Moments de liberté incroyables ; je suis là, je suis seule et je ne fais rien. Rêve et pensée. Un vide qui emplit et qui vaut toutes les portes ouvertes.
Les murs clos de la pension me protègent de mon père, de David, de moi. Mais sa peau alors, et les cris de mon ventre. Je le désire tant.
Et c'est de ma faute. Je l'ai cherché. Je savais où j'allais. Parfois j'ai juste envie qu'il me détruise.
Vivre avec David est un choix de souffrance. Je souffre, je suis vivante, je suis d'ici, j'aimerais être ailleurs. Il suffirait de peu pour que le ciel me happe, m'engloutisse.