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3,55

sur 110 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cet écrit est surprenant chez Dostoïevski dont l'oeuvre explore plus souvent des thèmes comme « souffrance et rédemption ».
Ivan Matveïtch venu comme bien des curieux voir le crocodile exposé dans une galerie marchande de Petersburg est avalé par celui-ci sous les yeux hébétés de Elena Ivanovna, sa femme. Commence alors un récit fantastique, comique où la situation burlesque va nous ouvrir des horizons inattendus.

Cet évènement se déroule sous le règne d'Alexandre II dit « le libérateur » car il vient d'abolir le servage et entamer réformes importantes dans tous les domaines, la Russie se libère et devient plus moderne. Ce contexte est important et en Europe c'est le début de l'industrialisation le début du règne du profit.
Dostoïevski nous assène cette phrase « Cette propriété en commun, c'est le poison, la perte de la Russie ! »

Sémionne Semionitch, le seul qui « gardera les pieds sur terre », est le narrateur de ce récit il emprunte un ton journalistique pour narrer l'événement. Selon son habitude, Fiodor dialogue avec son lecteur et le prévient ironiquement : » « J'ai écrit ce premier chapitre du style qui convient au sujet de mon récit. Cependant, je suis décidé à employer par la suite un ton moins élevé, mais plus naturel et j'en préviens loyalement mon lecteur ».

Chaque personnage permet à Dostoïevski de monter ses critiques : des traits de cette société, du système politique, du libéralisme et capitalisme, mais aussi de laisser libre cours à son rejet de l'étranger, et pour cela il va ridiculiser ses personnages.

Matveïtch ce savant fat est dans le crocodile et ne veut pas en sortir : « Tu es comme en prison et la liberté n'est-elle pas le plus grand bien de l'homme ?
Que tu es bête ! Me répondit-il. Certes, les sauvages aiment l'indépendance, mais les vrais sages sont épris d'ordre, avant tout, car, sans ordre... »
Ivan Matveïtch entend profiter de sa situation pour, dit-il, changer la face du monde : « Quoique caché, je vais être fort en vue ; je vais jouer un rôle de tout premier plan. Je vais servir à l'instruction de cette foule oisive. Instruit moi même par l'expérience, j'offrirai un exemple de grandeur d'âme et de résignation au destin. Je vais être une sorte de chaire d'où les grandes paroles descendront sur l'humanité … C'est de ce crocodile que sortiront désormais la vérité et la lumière. »

le montreur de crocodile, Karlchen, un allemand peu soucieux de la vie humaine va déployer « la cupidité et la plus sordide avarice » pour faire prospérer son affaire. L'imagination de Dostoïevski explore la bêtise humaine, il y a du Gogol ici, par exemple dans « les Âmes mortes » ou « le nez ».

Dostoïevski fait d'Elena Ivanovna une sotte, une coquette frivole qui n'aime plus son mari. Il lui fait dire « Oh ! Mon Dieu, que ces gens sont rapaces ! fit Elena Ivanovna en se mirant dans toutes les glaces du Passage où elle reconnut, non sans une visible satisfaction, que cette secousse n'avait fait que l'embellir » ou encore : « Ah ! Me voilà veuve, ou à peu près ! — Et elle eut un sourire enchanteur qui dénotait à quel point sa nouvelle situation lui paraissait intéressante. — Hem ! Je le plains tout de même beaucoup. Ainsi exprimait-elle cette angoisse si naturelle d'une jeune femme dont le mari vient de disparaître. »

Dostoïevski avec Timotheï Semionitc, l'ami loyal, critique aussi la bureaucratie, sa hiérachie et son manque d'initiative : « Avant tout, fit-il tout d'abord, remarquez que je ne suis pas votre chef, mais un subordonné … Puisque vous me demandez un conseil, étouffez cette affaire et n'agissez que de façon strictement privée ».
Voilà un récit bien enlevé que j'ai beaucoup aimé, le comique de situation invraisemblable en fait une critique déguisée et cinglante.
Je termine par cette citation de Doris Lussier : « Et quand la vérité n'ose pas aller toute nue, la robe qui l'habille le mieux, c'est l'humour ».



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À lire par tous les fonctionnaires qui aiment s'engouffrer dans des corps étrangers à défaut de pouvoir, au bureau, s'insérer des trombones dans le nez. Cette nouvelle s'intitule le crocodile mais elle parle d'un fonctionnaire qui est tombé dans un crocodile. Cette nouvelle ne s'appelle pas "Le fonctionnaire" mais elle s'intitule "Le crocodile" alors c'est tout comme, n'est-ce pas ? Ils ne font plus qu'un après tout.
Dosto n'envoie pas son fonctionnaire à l'hosto après sa malencontreuse aventure dans le corps du croco, non, car le fonctionnaire se porte à merveille voyez-vous ! D'après les dernières nouvelles, il serait, toujours, d'ailleurs, dans le corps du crocodile, où il reçoit quotidiennement les dernières nouvelles où il découvre, tiens, justement, aujourd'hui, qu'un fonctionnaire est tombé (ou qu'un fonctionnaire s'est jeté, selon les ouï-dires) dans un crocodile. Notre regretté fonctionnaire est bien vivant mais le crocodile l'est-il ?
Pas facile de digérer les fonctionnaires paraît-il. Notre crocodile bien-aimé est peut-être mort des suites d'une indigestion à défaut d'être mort de faim. Ou bien il était déjà mort avant même d'avoir mangé le fonctionnaire qui ne se serait véritablement jeté que dans un crocodile empaillé ce qui lui ferait un chouette costume pour les soirées déguisées. Possible. Ne dit-il pas que le crocodile est tout vide à l'intérieur ? Il est certain que le crocodile dirait que c'est le fonctionnaire qui est tout vide à l'intérieur ...
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Fiodor Dostoïevski, qu'on ne peut pas qualifier d'auteur léger nous livre là une fable humoristique et politique, un "Récit véridique, sur la façon dont un monsieur, d'âge et d'aspect certain, fut avalé vivant par le crocodile du Passage, tout entier, de la tête jusqu'aux pieds, et ce qui s'ensuivit", comme le mentionne l'incipit de ce petit livre.
Ivan Matvéïtch, doit se rendre à l'étranger, en Europe, mais avant de partir, il se rend avec son épouse chez un bateleur, un allemand qui présente dans la Galerie le Passage de Saint-Petersbourg, un crocodile placé dans une baignoire remplie de 20 cm d'eau..
Nous sommes en janvier 1865
Ivan, trouve là l'occasion de "faire connaissance encore sur place avec les aborigènes qui la peuplent". Alors, un peu taquin il agace le crocodile avec son gant. Ni une, ni deux, le crocodile "commença par retourner le pauvre Ivan Matvéïtch entre ses mâchoires terribles, les jambes tournées dans sa direction, et avala d'abord ces jambes en question ; puis, régurgitant quelque peu Ivan Matvéïtch qui s'efforçait de bondir au-dehors et s'accrochait à la caisse de toute la force de ses mains, il l'avala une nouvelle fois, cette fois jusqu'à la taille"...et l'ingurgita entier...
Ivan se retrouve dans un crocodile vide de tout organe, une grande poche ressemblant à du caoutchouc, une poche qui lui permet de bouger de prendre ses aises..Et Ivan commença à parler, à communiquer avec le monde extérieur...alors que son épouse ne songe qu'à l'éventrer! On ne sait si elle parle du crocodile ou de l'allemand, le bateleur dont Dostoïevski se moque.
Et notre homme commence à s'entretenir avec le narrateur.
Une communication un peu loufoque, toujours légère, en apparence seulement, une communication peine d'humour. Mais venant de Dostoïevski, on ne doit pas s'attendre à une pochade. L'humour pour parler de la situation de la Russie, du danger allemand, de l'humanité en général....Cette fable prend très vite une tournure politique, surtout qu'Ivan n'a rien d'autre à faire en attendant sa libération qu'à penser et partager ses réflexions.
Les propos d'Ivan aborderont de nombreux sujets, depuis l'importation des toiles anglaises, en passant par le développement de la Russie, l'apports de capitaux, l'ordre, les idées communistes naissantes, la censure, la société russe....
D'autant plus que notre homme se souvient de conversations entendues : "Il nous faut une industrie, disait-il, notre industrie n'existe pour ainsi dire pas. Il faut donc la créer et dans ce but, créer une bourgeoisie. Et, comme nous n'avons pas de capitaux, il est nécessaire de les faire venir de l'étranger. Nous devons donc, premièrement, donner aux compagnies étrangères la possibilité d'acheter nos terres par parcelles, ainsi qu'il se pratique partout à l'étranger. Cette propriété en commun, c'est le poison, la perte de la Russie !"
Dostoïevski va ainsi, tour à tour, brocarder le capitalisme, le socialisme, le système politique russe, les étrangers avides de se gaver sur le dos des Russes, et s'inquiéter de la perte d'indépendance de la Russie...
Sans oublier les tribuns, sortis d'on ne sait où, qui se découvrent une vocation : "Quoique caché, je vais être fort en vue ; je vais jouer un rôle de tout premier plan. Je vais servir à l'instruction de cette foule oisive. Instruit moi-même par l'expérience, j'offrirai un exemple de grandeur d'âme et de résignation au destin. Je vais être une sorte de chaire d'où les grandes paroles descendront sur l'humanité."
Ni, non plus, les fonctionnaires qui veulent profiter des situations
70 pages dans lesquelles l'absurde et le burlesque nous proposent une réflexion et un retour en arrière sur la situation politique de l'Europe et de la Russie en cette fin du 19ème siècle.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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