Car la plupart des monstres que nous croisions avaient quelque chose d'humain, comme si une divinité sénile les avait créés à partir de corps démembrés, recomposés selon sa fantaisie, ou comme si le Créateur avait choisi cet endroit pour y jeter ses brouillons et ses essais ratés avant d'aboutir au façonnement du premier homme.
Brault m'apprit à cette occasion qu'il était de coutume dans cette partie du pays, à la mort d'un chef particulièrement respecté, de sacrifier ses épouses et ses esclaves pour qu'ils continuent de le servir dans l'au-delà, car pour les autochtones le trépas n'était rien d'autre qu'une migration.
Je savais, plus que je ne le comprenais, que nous étions tous issus de la grande forêt, et, surtout, que nous n'en étions jamais vraiment sortis. Je renouais le pacte primordial qui unissait notre espèce au monde qui l'avait enfantée, et, jour après jour, je découvrais que mes liens avec la communauté des indigènes étaient plus forts et plus vrais que ceux qui me rattachaient aux Belges ou aux Européens. Je devenais païen et je ne m'étais jamais senti plus humain.
Ecris, c’est là que tu trouveras une réponse à tes questions : au bout des mots.
Deux fous ne peuvent-ils pas voir la même chose?
Toutes les espèces composant le règne des vivants étaient en lutte pour la défense et l'accroissement de leur espace vital, et cela valait aussi pour chaque individu au sein de chacune de ces espèces. La vie était donc affaire de survie, et la survie une question de peur et de faim : la peur d'être mangé, la faim qui pousse à tuer.