Citations sur Suite brésilienne, tome 9 : 12, rue Carioca (21)
Ici, il y a ni dieu, ni maître. C'est la loi du plus fort et le plus fort, c'est moi. Si y en a un qu'est pas d'accord avec ça, qu'il avance et qu'il le dise. Je le tuerai moi-même ou il me tuera, ainsi soit-il...
[...] ces indicateurs le fascinaient. Ils n'hésitaient devant aucune manigance pour ramasser quelques sous, changeaient de convictions avec la même soudaineté que le vent pouvait modifier sa direction, ne s'embarrassaient d'aucun scrupule et se révélaient capables de vendre père et mère pour être, ne serait-ce que l'espace d'un instant, de la grande famille de la justice ou de celle de la pègre.
Ici, les forces de l'ordre n'étaient pas les bienvenues et l'on réglait ses affaires entre soi. La police n'était qu'un mal nécessaire qu'il fallait bien supporter mais personne, dans toute la Petite Afrique, n'aurait risqué de perdre son honneur en aidant les cognes. C'était tout à la fois une question de fierté, mais aussi de crainte des représailles. Dans le ventre de Rio de Janeiro, les balances ne faisaient jamais de vieux os.
Tout comme Rio de Janeiro, Marseille est une ville dont on ne sort pas indemne. Elle vous hypnotise, vous aspire, vous charme et vous irrite, vous endort et vous dévore pour mieux vous digérer. Elle vous rend ensuite à votre existence, tourneboulé et surpris d'avoir pu si vite changer de peau et d'âne, le cœur marqué au fer rouge.
Ils quittent leurs villages et leurs fazendas avec la misère qui colle à leurs pieds. Ils viennent à Rio en se disant qu'ici, tout sera plus simple, qu'ils trouveront du travail et de quoi manger. Mais une ville, même quand elle est grande, même quand c'est la capitale d'un pays, elle peut pas accueillir toute la misère du monde.
Comme la centaine de personnes qui s'agglutinaient là, elle abandonnait Lisbonne, cette terre de malheur qui n'en finissait plus de trembler sur son piédestal et qui hésitait encore entre les fastes passés de l'Empire et les promesses capitalistes alléchantes de la démocratie.
La religion, c'est un peu comme une brosse à dents. C'est un effet personnel.
Les pauvres, ça intéresse personne. Surtout quand ils viennent d'ailleurs. Quand on connait pas les gens, on peut pas avoir de la peine pour eux.
Si le matin était réservé à Dieu et à ses soldats en robe, le dimanche était le jour du peuple, celui de la flemme, du jeu, du plaisir, du vertige, des mauvais garçons et des filles des rues.
Il faut toujours obéir aux anciens. Si on sait pas pourquoi, eux ils savent. Enfin, ils disent qu'ils le savent mais, à mon avis, les anciens savent pas tout. Sinon, ça se saurait...