“Le mur interdit le passage, la frontière le régule. Dire d’une frontière qu’elle est une passoire c’est lui rendre son dû : elle est là pour filtrer (…) les pores font respirer la peau comme les ports, les îles et les ponts, les fleuves.
(…) Gardienne du caractère propre, remède au nombrilisme, école de modestie, aphrodisiaque léger, pousse-au-rêve, une frontière reconnue est le meilleur vaccin possible contre l’épidémie des murs. Opposant l’identité-relation à l’identité racine, refusant de choisir entre l’évaporé et l’enkysté, loin du commun qui dissout et du chauvin qui ossifie, l’anti-mur dont je parle est mieux qu’une provocation au voyage : il appelle à un partage du monde.”
Renoncer à soi-même est un effort assez vain : pour se dépasser, mieux vaut commencer par s’assumer.
Toute frontière, comme le médicament, est remède et poison. Et donc affaire de dosage.
Un peuple, c’est une population, des contours et des conteurs
Le mur interdit le passage ; la frontière le régule. Dire d’une frontière qu’elle est une passoire, c’est lui rendre son dû : elle est là pour filtrer.
C’est en se dotant d’une couche isolante, dont le rôle n’est pas d’interdire, mais de réguler l’échange entre un dedans et un dehors, qu’un être vivant peut se former et croître.
C’est au jointif, aux interfaces, que l’on trouve les plus débrouillards. Les villes frontières font lever la lourde pâte : Tanger, Trieste, Salonique, Alexandrie, Istanbul. Accueillantes aux créateurs et aux entreprenants. Aux passeurs de drogues et d’idées. Aux accélérateurs de flux. Profil du frontalier : loustic, tire-au-flanc inventif, plus éveillé que les engourdis de l’hinterland. Nous avons tous, nous autres les poussifs, une dette à leur égard.
Qui entend se surpasser, commence par se délimiter.
On ne détruit une frontière qu'en la remplaçant par une autre.
Quand on ne sait plus qui l'on est, on est mal avec tout le monde - et d'abord avec soi-même.