Citations sur Les traîtres (9)
Malédiction de la mort ! Mais c'est quoi, ce roi qui se ravale sa parole ? Tu les as envoyés au gibet, eh ben pends-les, non ? Ou bien fais-les fusiller, suffit que tu les butes ! Mais c'est quoi ces repentirs, merde ? y'a que les cornards qui reviennent sur leurs pas. Un roi qui change d'avis, c'est comme un saint qui ne fait plus de miracles, comme une gonzesse qui se met dans la tronche d'étudier pour faire le docteur, comme un demi-sel qui se prend pour le Maestro. O roi devenu bon ! Mais quelle merde ! Un roi bon, c'est contre l'ordre du monde, donc un roi bon, c'est un roi mort.
Maintenant tout ce qui lui reste, c'est le Devoir. Mais le Maestro est le premier à savoir que le Devoir, sans sentiment, est décharné, pâle, n'est rien d'autre que le culte froid d'une idée.
Les coeurs sont gonflés d'espérance tandis que nous mettons le cap sur Sapri. On dit que 2500 hommes nous attendent. On dit que Naples est prête à se soulever. On dit qu'une armée de 12000 patriotes est en train de partir de la Lucanie. La mer alentour est calme. Au coucher du soleil, j'ai vu jouer deux dauphins.
-Certains pratiquent le mal et, sans le savoir, soutiennent, par leurs actions, les desseins du bien et du juste. Et certains autres, qui suivent la juste voie, peuvent involontairement provoquer les pires maux... "
Et il comprit que ce qui l'attendait à l'avenir, c'était une interminable théorie d'ombres çà et là percées de sporadiques lueurs. S'il savait les dominer, ces ombres, ou s'il apprenait au moins à vivre avec elles, il deviendrait un homme meilleur.
Il n'y a pas eu de trahison dans la Société de Salvo Matranga. C'est lui qui place ses hommes dans les deux camps. Un pacte qui ne peut être dissous lie la Société. Le vainqueur fera monter le vaincu à bord de son char. Personne ne pourra dire, quel que soit le vainqueur, que la Société a fait le mauvais choix. La Société est des deux côtés, il est juste qu'elle le soit. La Société se barricade dans le palais du gouverneur et attend les canonnières de Florence, et la Société est sur les barricades avec son peuple.
[...] , je comprends qu'aujourd'hui c'est toi le couteau et moi la chair...Et que, demain, tout peut changer.
Le roi est mort, vive le roi. Ce nouveau souverain est un jeunot, il a étudié, il parle les langues, il est maigre et ascétique autant que son père était gras et jouisseur, la guerre lui répugne, il veut conquérir le coeur de ses sujets par sa douceur et ses bonnes oeuvres. Mais soit il s'est trompé de métier, soit il s'est trompé de sujets. Amnistie. Tout le monde libre, chez les délinquants. Et pour les politiques aussi, quelques miettes de clémence. Non, il n'est pas taillé pour faire le roi, ce Franceschiello! Le règlement est adouci. Les nobles transférés dans des prisons plus dignes, la fosse fermée, les salles rouvertes, les fers abolis. Nouvelle vie, air nouveau: comme ça, ils reprennent des forces, et demain; s'ils doivent faire un coup, soyez sûrs qu'ils ne le rateront plus!
Le jeune homme semble tout à coup vieilli de plusieurs années. Il a les yeux cernés, le regard dans le vague, le visage creux, une grimace presque hébétée déforme ses belles lèvres. Le juge laisse échapper un ricanement de triomphe. Durant ses vingt ans de carrière comme exécuteur des ordres des souverains, il en a rencontré beaucoup des comme lui. Héros de fer-blanc et de carton, impavides dans la chance, vils devant la mort concrète. Oui, vils. Le juge sait lire les âmes, cela fait partie de son métier. Il sait que ce jeune homme naïf, pendant le temps qui le sépare de la fin, a regardé à l'intérieur de lui-même. Et il a lu le dégoût pour les rêves qui se transforment en poussière, la commisération pour son propre destin, il a lu la colère, colère et fureur aveugle contre le Maestro qui envoie les jeunes à la mort et contre ces autres jeunes qui se laissent envoyer à l'abattoir au nom d'une idée abstraite et vaine, il a lu l'horreur de la balle qui lui fendra le crâne, qui effacera les pensées, les souvenirs des femmes qu'il a eues et le désir de celles qu'il n'aura jamais plus. Le jeune homme est prêt, et moi je serai un homme riche, pense le juge, et il répète, d'un ton léger, la proposition de la trahison.
Lorenzo observe l'homme qui lui a donné la vie. Son modèle pendant les premières années, les heureuses années. Comme il lui avait semblé grand et imposant, à cette époque, dans son uniforme de cérémonie. Et quels frissons, quelles émotions il avait éprouvés lorsque, à sept ans, il avait été admis pour la première fois au rite de la montée du drapeau sur la goélette Leopoli. Pendant combien d'années avaient-ils été un corps et une âme? Et Lorenzo, Lorenzo qui frissonnait de fierté et de joie à chacune de ses plus insignifiantes manifestations d'affection, n'aurait jamais pu penser que les choses puissent en arriver là. Va et sois maudit, lui avait-il écrit, lorsque Lorenzo l'avait informé qu'il n'accepterait pas le pardon de l'Empereur et qu'il ne restituerait pas le Leopoli que lui et d'autres braves avaient dérouté vers les îles grecques. Et il ne s'était écoulé qu'une misérable année. Maintenant, son père lui semblait un homme ridicule. Gonflé, dans sa modeste stature, par l'uniforme de parade. L'incarnation des vieilleries. Le symbole de tout ce dont la jeune Italie se débarrasserait un jour.