... une phrase qu'elle avait entendue dans je ne sais plus quel film qu'on avait vu ensemble : "Les gens qui n'expriment pas leurs sentiments ne méritent pas d'en avoir." C'était très dur et injuste. Jean ne s'était pas laissé démonter, il avait répondu "Exact. D'ailleurs je n'en ai pas", et la conversation s'était arrêtée là, heureusement, ou malheureusement, je ne sais pas...
J’avais un siècle d’amour à rattraper, dit-il, et tu me donnes envie de prendre un siècle d’avance.
Mes réflexions sont fragmentaires, mes jugements sont subjectifs et mes vérités relatives.
Le bonheur, c'est peut-être se sentir si bien qu'on en oublie, pour un moment ou pour longtemps, qu'on va mourir, demain ou dans trente ans.
Plaisir et puis le plaisir de comprendre, cet autre pas en avant, souvent j'y ai goûté et c'est bien, or c'est trop et je suis devenu écrivain. Parfois, mais sans plus y croire, je maudis encore ce destin: parce que j'écris tout le monde s'enfuit. Bêtises... Je n'ai écrit qu'après avoir perdu le monde et pour le rattraper à ma façon, comme d'autres sont maçons ou médecins, ou tueurs tristes quand la pluie noie les villes et qu'il ne se passe jamais rien.
Alors je me suis planqué: j'ai étudié, j'ai lu. J'ai lu beaucoup, après tout il y avait dans les livres des hommes qui ne paraissaient plus sincères que ceux que je voyais tous les jours. C'est comme ça qu'on se fait une culture, peut-être. C'est comme ça aussi qu'on risque de s'éloigner de la vie...
... écoute cette phrase que je viens de retrouver : "Il est stupide celui qui croit qu'il peut économiser la lumière du jour pour s'en éclairer le soir."
- Je n'arrive plus à m'entendre même superficiellement avec des gens qui jouent un rôle, qui vivent dans des images. Ils me font peur, ils m'angoissent. Ils me fichent une sensation de solitude terrible. L'année passée, j'ai revu l'éditeur de mes poèmes, quand j'ai été le voir avec un recueil de nouvelles que je lui proposais. Une chose qu'il m'a dite alors m'a terriblement frappé : "Vous le verrez en vieillissant, mon cher, la plupart des gens sont des stéréotypes, on leur prête une vie intérieure qu'ils n'ont pas. C'est pour ça qu'on a tellement besoin de la littérature. Si vous avez ce talent, continuez à écrire. Les écrivains offrent aux gens une vie que sans leur livres ils n'auraient pas. Et cette vie-là est plus riche, plus belle, plus variée que ce qu'on appelle la vraie vie. Plus précieuse aussi."