Je ne m'étalerai pas sur le contenu du livre puisque cela a été si bien fait déjà par de nombreux lecteurs sur Babelio (lire, entre autres, l'avis de HordeduContrevent).
Alain Damasio. Vu et écouté à la Grande Librairie en avril.
Pour ce qui me concerne, première « rencontre » avec l'auteur. Au cours de laquelle je reçois un uppercut ! Il y a mieux pour un premier contact, et pourtant, il fallait ça.
Pour la faire courte et simple, lors de l'émission, l'auteur explique comment les géants de la Tech, concepteurs d'appli, de plateformes, de réseaux, etc, s‘entourent de spécialistes en psychologie cognitive pour rendre l'utilisateur lambda addict, et le scotcher à ses écrans de manière durable et répétitive.
Damasio lanceur d'alerte.
Et là, je me vois, moi, Lambda, en train d'apprendre l'anglais sur mon smartphone, avec Duolingo. Devant l'écran de télévision la plupart du temps. Ou dans la voiture. Presque un an de pratique. 🥇🥇🥇
J'ai arrêté tout net le soir même. Car je me suis reconnue dans ce qu'
Alain Damasio dénonçait, j'ai reconnu le piège qu'il décrivait et qui se refermait sur moi.
Depuis quelque temps, je sentais bien, de manière assez confuse néanmoins, qu'il y avait quelque chose de pas très net dans ce rendez-vous quotidien. « Attends, j'ai pas fait mon anglais, j'arrive ! ». C'est respectable de réviser son anglais, de l'enrichir, de le pratiquer. Une activité irréprochable.
Et puis quoi, je suis assidue, constante, persévérante, c'est plutôt pas mal tout ça !
Oui, sauf que le fonctionnement de l'application, avec l'attribution de points, des classements, des challenges, des défis, des récompenses et des « relégations » oui, oui, des relégations, la honte !, ce fonctionnement donc active des leviers de motivation qui ne sont pas que bons. On se retrouve en compétition, en devoir de faire mieux que le jour précédent, mieux que l' « ami » qui vient vous féliciter ou que celui qui vous a coiffé au poteau, bref.
D'ailleurs, dans la même veine de pensée, ne pourrait-on pas soupçonner Babelio d'utiliser un peu le même genre de ficelle (insignes, gratifications, premiers pas, niveau expert…) ? Bon, ok, a priori, on est entre gens qui lisent, entre gens « bien », entre gens qui réfléchissent. « Se faire avoir » en conscience est un moindre mal… Et Babelio, franchement, c'est autre chose, c'est quelque chose…
Bref, en gros, majoritairement, une apparence vertueuse pour mieux déguiser des intentions de captation hégémoniques et sans concession.
Alors voilà, il aurait suffi de l'uppercut envoyé par
Alain Damasio pour que je me procure son livre. Mais ses interventions pertinentes, ses analyses convaincantes, sa proximité, et son esprit manifestement brillant ont fini de me décider. Moi qui ne suis pourtant pas adepte de la science-fiction.
Et ça tombe bien car
Vallée du silicium n'est pas un livre de science fiction. C'est un livre de 𝒔𝒄𝒊𝒆𝒏𝒄𝒆-𝒇𝒓𝒊𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏. Ça gratte, ça démange, ça griffe, ça pique, ça brûle et ça ronge. Alors à force, on prend le problème de santé au sérieux.
Mon bouquin est corné toutes les deux pages, car en plus des idées fortes, des démonstrations imparables, des réflexions et des interpellations salvatrices, il y a dans ce texte de la poésie, une langue incroyablement riche, de l'érudition, de l'inventivité, et du jeu, beaucoup de jeu, qui s'allient parfaitement avec l'humour pour servir un propos indispensable.
Même si j'ai pu être gênée parfois par un peu de trop… Trop d'anglicismes et trop de sophistication. Trop de … profusion…
Mais globalement, c'est un livre à mettre entre toutes les mains. Un livre d'utilité publique qui devrait être remboursé par la sécurité Sociale.
Je me suis amusée, j'ai beaucoup appris, compris beaucoup.
Le mérite de l'auteur est de nous interroger. D'élargir, d'ouvrir et de nous ramener à un peu plus de conscience, un peu plus de raison. Lire
Vallée du silicium pour nous augmenter, ou plutôt retrouver ce que nous perdons progressivement : ce qui fait de nous notre singularité, notre nature profonde, notre humanité, c'est-à-dire notre 𝒑𝒆𝒕𝒊𝒕𝒆𝒔𝒔𝒆, qu'on oublie souvent de reconnaître.
Retrouver cette humilité nécessaire à notre grandeur…