Un goût d'enfance

La pauvreté, ça vole la dignité des gens. On se sent méprisable. On a l’impression d’être à la fois invisible et montré du doigt. Car la pauvreté ne se voit pas seulement à l’apparence ; on peut la lire dans les yeux, sur le visage, dans la façon de marcher, de regarder les autres avec gêne. Un pauvre, ça se repère facilement.

...les gens qu’on aime, quand ils disparaissent, ils ne partent pas vraiment. Il suffit de penser à eux et ils sont là. Ce sont des invisibles, mais on les sent près de nous. Ils vivent en nous !

Ennemi un jour, ami un autre jour. Ça arrive, les gamins. Ça arrive…

Je feuillette Nous deux sans grande conviction. C’est mon roman-photo préféré, mais aujourd’hui je n’ai pas le cœur à m’intéresser aux histoires d’amour des autres. J’ai assez à faire avec les miennes.

On n’a pas fait l’amour. C’est pas comme ça, faire l’amour. Là, on fait semblant, puisque je mets pas ma quique dans ta fente.

On évacue nos besoins avec un broc d’eau à moitié rouillé et qui fuit. On s’essuie le cul avec des pages du Midi libre coupées en quatre. Quand il n’y a plus de papier, certains gros dégueulasses n’hésitent pas à laisser de drôles d’empreintes digitales sur les murs.

Ce n’est pas lui qui dirige son vélo. C’est le vélo qui connaît le chemin et qui le reconduit à la maison, le Pater, quand il est bourré et qu’il ne tient plus debout. Il est capable de siffler sa bicyclette pour qu’elle le ramène. Ce n’est pas trop compliqué car, du bistrot où il fait sa dernière étape à la maison, c’est tout droit et en pente.

« Dans toute œuvre d’imagination, il y a un récit de soi. Dans toute autobiographie, il y a un remaniement imaginaire. »
Boris Cyrulnik