Sa vie d'avant l'avait quittée à l'instar d'une
peau ancienne, à l'instant où mon maître lui
était apparu, cependant qu'elle en ressentait
plus que jamais le carcan. Ça ne l'empêcha
pas de s'évader. En un clin d'oeil, elle se
transporta de son appartement du septième
arrondissement à la maison sur l'île, qu'elle vit
sitôt qu'elle la pensa assoupie au milieu de son
parc en friche, en sentit les odeurs, l'atmosphère,
l'habita, y prépara sa vie future.
Elle s'appelait Monika, elle l'avait écrit sur
le sable, avec son âge. Elle habitait un village
de pêcheurs avec sa mère, ses frères et ses
sœurs. Son père avait disparu en mer : la
précision de son geste était sans équivoque. La
nuit tombait quand, main dans la main, elles
avaient franchi la barrière de cocotiers royaux
qui marquait la frontière entre l'eau et la terre.
Pour ma maîtresse, la mère de Monika avait
déroulé une natte sur le sol.
Un jour viendra, elle me dira : « Nous partons vers le sud Gatien et tu fais partie du voyage ». Pour l'entendre me murmurer ces mots, car ses lèvres à ce moment-là effleureraient les plumes de mon cou, je suis prêt à tout.