Images de la culture

[...] Les besoins-obligations ne sont pas fatalement les plus "importants". Il faut distinguer ici entre priorité et primauté. Donner la priorité aux besoins de denrées alimentaires de base dans un pays sous-alimenté ne veut pas dire qu'on leur donne la primauté dans une hiérarchie des besoins. Si le gouvernement est obligé de les satisfaire d'abord, il doit, dans un plan à longue échéance, les remettre à leur juste place en tenant compte du contexte culturel dans lequel il se trouve et du système de valeurs auquel il est lié.

Une civilisation mondiale ne peut avoir de sens qu'en tenant compte de la libre expression des cultures, de leur respect réciproque et de la recherche des besoins et aspirations de toutes les couches de la population dans tous les pays.

Dans le domaine culturel, plus encore qu'ailleurs, la liaison que nous avons soulignée entre les besoins et les aspirations s'impose, en particulier dans l'étude de l'apparition des besoins nouveaux. Ces besoins et ces aspirations sont liés au système économique et aux conditions matérielles d'existence, mais ils dépendent en même temps de la conception du monde, des représentations, et finalement, des systèmes de valeur des différents milieux composant une société.

Le développement culturel n'accompagne pas automatiquement le développement économique ni même le développement social. Une civilisation technique du confort et du loisir peut très bien se développer avec un niveau culturel médiocre. Le cinéma et la télévision peuvent être des instruments perfectionnés pour gagner le plus d'argent possible ou pour diriger les hommes en leur évitant de penser.

Les besoins-aspirations relatifs à l'instruction, à la culture, à toutes les activités de l'esprit deviennent progressivement des besoins-obligations lorsque le niveau de vie et le niveau culturel augmentent. Le besoin d'instruction jusqu'à 16 ans pour toute la population en France était un besoin-aspiration à y a cinquante ans, et il est devenu une obligation aujourd'hui.