L'hôtel Pachkov

Un livre un peu étrange, à l'atmosphère autobiographique alors qu'il n'en est rien. L'auteur est connu comme économiste, surtout pour son bilan de l'économie de l'URSS lors de la Perstroika, et aussi comme ex-époux de la petite fille de Khroutchev. Et en 1987, soudain, surprise, le public découvre qu'il écrivait depuis des décennies sans jamais avoir cherché à être publié. Dans ce roman, premier ouvrage qu'il publie, le héros, Gort, professeur d'Université, spécialiste du Moyen-Age chinois se rend à l'Hôtel Pachkov, la grande bibliothèque de Moscou, comme il en a l'habitude tous les soirs depuis des décennies, depuis 1948 précisément. Il a très rarement dérogé à son habitude car cette bibliothèque joue un rôle central et essentiel dans sa vie Dans ce roman il y a peu d'actions, et beaucoup de souvenirs, d'abord géographiques, centrés sur les alentours de la bibliothèque et sur leur transformation au fil du temps. Il se souvient de son premier amour, Lélia, deux fois perdue et deux fois retrouvée, alors qu'il a finalement épousé Tatiana. Tout cela crée l'atmosphère. La bibliothèque est une sorte de lieu immuable avec son calme et ses lampes de burau vertes même si le lecteur y suit l'évolution des lectures de Gort, des livres introuvables quand il était enfant aux livres pour ses recherches, avec en vieillissant un retour aux lectures pour le plaisir. Mais l'essentiel est ailleurs, dans les réflexions de Gort et son attitude, sa perception de l'époque, ses prises de position à différents moments clés : d'abord dans sa jeunesse dans l'après-guerre, puis à la mort de Staline, lors du dégel et puis dans les années 70. Chacun de ces moments est autant d'occasion de s'interroger sur la place d'un intellectuel dans l'Histoire, avec des réflexions fort intéressantes, à lire entre les lignes. C'est un roman qui a fait grand bruit à sa sortie vu toutes les questions qu'il soulève, tout en douceur et en délicatesse. Il n'y a pas d'action dans ce roman, mais on y sent terriblement l'action du temps et de l'Histoire.