Quel bonheur de retrouver l'une des plus grandes poétesses du XXème siècle,
Andrée Chedid, dans cette anthologie particulièrement riche …
Andrée Chedid nous parle de la vie, cette « énigme [qui] frappe à nos portes ensablées », de la fraternité et de la rencontre qui « sacre l'éphémère », du Chant, du doute souhaitable aux dogmes, car « plutôt toujours chercher et ne jamais savoir . »
Elle parle aussi de la vieillesse – pour les fans je conseille d'ailleurs la lecture de son roman «
La femme de Job » – comme dans les très beau poème Creuser :
Creuser la boue
Cueillir l'étincelle
Creuser l'âge
Recueillir l'instant
Creuser la vie
Accueillir sa fin.
Et se souvient aussi de la guerre ,
D'ombres plus denses que le plomb
de regards impassibles
de rivières fourbues
de maisons rongées
de coeurs blanchis
D'hirondelles torpillées […]
Elle n'oublie pas non plus la jeunesse, avec les conseils suivants :
Garde-toi des mots qui se dégradent
Garde-toi du feu qui pâlit
Ne laisse pas découdre tes songes
Ni réduire ton regard
Jeunesse entends-moi
Tu ne rêves pas en vain.
Son style est tout simplement savoureux : loin des envolées lyriques, loin des bavardages, tout intellectualisme ou de toute mièvrerie, Chedid nous touche au coeur par son style si simple et redoutable d'efficacité. Elle assemble ainsi « les fragments du visage dispersé et désigne le mystère qui demeure entier. »
Elle a vraiment le chic pour rapprocher deux mots éloignés dans une association improbable, ce qui pour ma part ouvre la porte à mille rêveries et stimule l'imagination …. le « pain de parole », la « maison sans racine », le «grain des heures, le « solfège du monde », la «pulpe des corps», … me transportent tout simplement.
Avec ces
poèmes, qui vont
au coeur du coeur, Chedid nous aide à entretenir notre « muscle de l'espoir », occupation noble et plus que salutaire.