Marie-Verte

De nombreux albums jeunesse traitent de l'acceptation de soi et des différences qui forgent chaque être. En choisissant de raconter la vie d'une enfant à la peau verte, les autrices partent vers une certaine fantaisie tout en gardant un oeil sur la réalité. Marie-Verte est unique, non parce que sa peau est verte, mais parce que sa personnalité ne se trouve pas ailleurs. Emilie Chazerand et Marion Arbona montrent sa vie dans une réalité, plutôt dans deux réalités. Il y a le monde de Monsieur et Madame de Machin-truc et celui des Tikunu, la ville et la forêt. Marie-Verte pense avoir sa place dans un seul monde alors qu'elle a cette particularité de pouvoir être bien dans plusieurs endroits. Doit-elle choisir et donc renoncer ? Là n'est pas la question. Elle doit prendre le temps de ressentir le plaisir d'être au bon endroit. Selon ses envies, cela bougera. Au cours de cet album, on voit une enfant tenter de séduire, d'apprivoiser tout le monde, aller vers les autres et par fatigue, avoir besoin de s'apprivoiser elle-même. Avec des illustrations hautes en couleurs, cette vie de Marie-Verte est pleine d'énergie et de vigueur. Elle fonce, explore la terre et les airs pour franchir ses propres barrières.
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: On reconnait vite le goût de la recette de la fantaisie truculente lorsque Emilie Chazerand est aux commandes. le résultat va être sucré, salé et en général un peu pimenté.
" ... Avant la naissance de Marie-Verte, les Machin-Truc avaient déja quatre garçons et trois filles, calmes et blonds comme des biscuits.
Mais lorsque la dernière pointa son crâne mou, Madame de Machin-Truc fit de grands yeux de hibou..."

L'auteure et l'illustratrice, Marion Arbona, ne joueront pas forcément le jeu des apparences. Avoir la couleur d'une grenouille ne fera pas de Marie une enfant plus laide, pas auprès du jeune public en tous cas. Sans doute, trouvera t-il cela un peu bizarre, évidemment.
Nous connaissons bien la malice d'Émilie Chazerand et peut-être que les grands lecteurs, eux, réagiront sur leur regard plus haut, il faudra bien le reconnaitre, Marie-Verte cumulera un peu: lunettes, choucroute en barbapapa et teint d'épinard.
Nous avons l'impression que Marie-Têtard...pardon, Verte, devra distinguer ses propres qualités d'une autre fille aux cheveux plus disciplinés, au teint de pêche et sans la vue d'une chouette en plein jour. Nous retrouverons tout de même un peu de ce charme en version vanille chez son frère préféré Pierre-Mayeul.

On l'affirme, Marie-Verte est à croquer. Mais viendra un moment où tout de même sa particularité charmante prendra des allures de défaut, si il n'est pas partagé. Voudra t-on un jour la croquer comme une bonne pomme verte ou la rejeter comme un fruit pas mûr? le regard des autres est ce qu'il est, surtout si son oeil ne profite pas d'un catalogue de repères très vaste.

L'aventure et la quête de soi de Marie-Verte sera touchante, aussi tendre qu'une pate d'amande, laissez fondre.
Elle sera en recherche de vérité puisque la nature du coin ne l'aura pas faite comme les autres.
Justement, il parait que quelque part il existe une tribu de gens tous verts, les Tikunu ( un peu de retenu, voyons, jeunes lecteurs, l'instant est dramatique).
Nous penserons évidement à sa famille à cette petite Marie-beurk...pardon, Verte.

Le récit est amusant et bien vu car au fil du récit l'anomalie prendra des atours de métissage et l'insolite exotisme trouvera du sens.
L'illustration est drôle et colorée, s'harmonisant très bien avec l'humour de l'auteure.
Il y a presque un peu de poésie.
Nous nous attendrons aussi à ce que la famille manque à Marie. Mais sa quête s'avérera t-elle complète?

Émilie Chazerand nous réservera une sacrée pirouette de fin.