C'est avec un vrai plaisir que j'ai relu
Tout-Venant de
Jean-Pierre Chambon, un joli recueil publié en 2014 chez Héros-Limite, une maison d'édition genevoise.
Le
Tout-Venant est un ensemble de textes disparates aux sujets divers, une suite de motifs tous saisis sur l'instant, tous restés en retrait du regard, de l'utilité, comme dans un impensé.
« Surprendre
et rêver de suspendre
ce moment de l'aube
où leurs contours à peine différenciés
de la granulation bleue du ciel
et tremblant encore
sous un infime bouillonnement de vapeur
les montagnes réapparaissent
reconquièrent leur masse et leur monumentalité
et dressent dans l'air des songes
la pierre réelle »
Un tableau de Pierre Bonnard, une station-service désaffectée, le frisson d'un vent qui passe, le visage fermé des voyageurs dans un train, un soleil rieur dessiné par une petite fille, le mouvement des arbres dans l'encadrement d'une fenêtre, le ronron du réfrigérateur au creux de la nuit où tout dort, etc. C'est dans cette furtivité, dans cet imprévu de l'instant que s'immisce, légère et intuitive, l'écriture de
Jean-Pierre Chambon.
« de son fauteuil
dans la pénombre du salon
le vieil homme contemple par la fenêtre
les gracieuses mésanges
venues picorer dans le jardin gelé
les filets de grain
suspendus à un fil
et les morceaux de couenne
que le chat convoitait »
C'est dans le peu que se trouve l'essentiel, dans le singulier que se déploie la totalité du poème, sa belle et fragile persistance. Les textes de
Jean-Pierre Chambon délivrent tous une impression, un sentiment au bout duquel le lecteur perçoit une réalité qui lui est étrangement familière, qui effleure sa mémoire. le pressentiment de quelque chose à venir.
« dans le train du soir
un homme regarde le reflet du ciel
ceindre d'un ultime bandeau de lumière
le front d'une voyageuse
abandonnée au sommeil »
.