Il faudrait attendre les textes masculins pour apprécier cet ouvrage collectif, c'est exactement les critiques plus haut qui m'ont donné envie de lire ce livre. Des textes de niveau variable, certains confondant erotique et sale, c'est dommage, d'autres très réussis. Dommage que cet ouvrage ne soit pas demeurer une idée originale consistant de n'y éditer que des femmes, on perçoit une incohérence à y insérer des hommes. C'est dommage car on perçoit que ce n'est pas dans un souci d'harmonie mais dans un souci d'équilibre, et l'équilibre n'y est plus.
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Du voyage de Mérimée en Corse, durant l'été 1839, on connaît ses Notes d'un voyage en Corse sur l'état du patrimoine architectural de l'île. On ne méconnaît pas non plus la fascination qu'il conçut pour les moeurs farouches de villageois belliqueux dont il fit la trame de Colomba, son chef-d'oeuvre. Ce que l'on sait moins, c'est qu'il se prit de passion pour la fille de son héroïne dont il dit dans une lettre qu'elle était "belle comme les amours, avec des cheveux qui tombent à terre, trente-deux perles dans la bouche... On la nomme la Morgana et elle est vraiment fée, car je suis ensorcelé..." Dominique Giudicelli - photographies de Jonathan Robertson "Psyché"
Il ne suffit pas d’être laide pour perdurer dans le métier de caboulotte, savoir travailler le mépris d’un homme pour mieux le dépouiller est un talent précieux.
Le client qui vient dans mes murs tuer l’ennui avant d’aller dormir esquisse un sourire rapide dès qu’il découvre mon allure négligée : tenues vaguement échancrées aux couleurs lasses, boucles d’oreille à trois anneaux, cheveux décolorés ; il se sent maître des lieux. Ma totale disponibilité ne lui coûtera qu’un verre ou deux tout au plus calcule-t-il. Qui s’attarde sur un paillasson ?
Chacun d’eux paye pour imposer une virilité dédouanée du devoir de bander. Ils ne le savent pas encore. Pas à ce stade. Le stade auquel je fais allusion est délimité par le comptoir, les tabourets inconfortables, le portemanteau, le tableau d’un ton rose où se découpe la silhouette en ombre chinoise d’une danseuse nue.
Chacun justifie sa présence par l’expression « passer par là ». Mais c’est où ce là ? La Corse ? Bastia ? L’angle de la place du marché, ventre de la ville entre port de commerce où grincent les cargos et vieux port où claquent les drisses ?
Passer, la nuit, par là, et faire mine d’ignorer ce que signifie la lanterne jaune posée au-dessus des trois mots : « Aux Trois Anneaux », enseigne craquelée qui coiffe le porche. Drôle de hasard sensible à l’invite de la porte ouverte comme aux promesses de la tenture qu’il faut écarter.
Non, tout le monde le sait : on ne passe jamais par inadvertance ; on vient à moi…
Attends il n'est pas l'heure encore
D'inventer nos nuits
Je te veux au grand jour
Je te veux à corps perdu.
Patrizia Gattaceca, adaptation française Dumenica Verdoni
Illustrations : Jeanne de Petriconi "Jardin des délices"