Me voilà inscrit depuis bientôt six ans sur Babelio, et jamais je ne m'étais interrogé sur la signification du nom de ce site, pas plus que sur son logo.
Bon, je savais qu'il y avait la tour de Babel dans la mythologie, je sais aussi qu'il y a la tour de Pise en Toscane, et ma réflexion n'a pas été plus loin. Peut-être une comparaison avec la taille de nos fameuses “Pile A Lire” ?
Eh bien pas du tout.
Michel Bussi l'expliquera mieux que moi dans son roman mais à l'origine, tous les hommes ne formaient qu'un seul et grand peuple, tout le monde s'aimait et se respectait, tous parlaient la même langue, il n'y avait aucune frontière. Et puis, rassemblés en Mésopotamie, les hommes eurent l'idée de construire une tour jusqu'au ciel.
"En ce temps-là, les hommes dans le monde parlaient tous la même langue, ne formaient qu'un seul et même peuple, et comme symbole de leur union, ils décidèrent de construire une tour, la plus haute possible, dont le sommet toucherait le ciel."
Dieu n'a pas du tout apprécié leur arrogance et il a empêché les hommes de se comprendre en inventant le patois, il a dispersé tout le monde un peu partout sur terre.
Il a pas raté son coup ! A part à New Dehli peut-être.
"Une seule terre, trois cent nations, deux mille peuples, sept mille langues et autant de territoires à défendre."
Babelio est donc tout simplement ce site qui rassemble les êtres de tous les pays francophones autour de leur passion commune : La lecture.
Et si son but n'est pas d'atteindre les cieux via l'architecture, il demeure la construction d'une oeuvre immense faîte de références littéraires, de critiques, citations, participations collectives, interviews d'auteurs, autant de briques apportées par chacun d'entre nous pour participer à l'extension de cet immense monde virtuel du livre.
En ce moment
Michel Bussi est particulièrement prolifique et n'hésite pas à sortir des sentiers battus. A quelques mois d'intervalle il nous a offert un
Code 612 : Qui a tué le Petit Prince ? en faisant un rapprochement inédit entre la disparition de l'auteur et
pilote de guerreAntoine de Saint Exupery et la mort de son plus célèbre personnage. Et pas plus tard qu'il y a deux semaines il a publié
La fabrique du suspense, donnant quelques ficelles aux auteurs de polars amateurs et égratignant notamment au passage
Paula Hawkins et
La fille du train.
Vilain pas beau.
On se souviendra qu'il s'était également essayé au polar ésotérique avec La dernière licorne, initialement publié sous pseudonyme, et qui avait dérouté plus d'un lecteur.
Je peux certifier en tout cas que l'auteur ne se repose pas sur ses lauriers et plutôt que de nous écrire
Nymphéas noirs 2 : La revanche, il explore encore de nouveaux horizons et nous livre cette fois un roman d'anticipation.
Alors non, rassurez-vous, pas d'aliens, pas de vaisseaux spatiaux, pas de conquête spatiale ni de combats intergalactiques. Juste une projection de notre planète telle qu'elle pourrait l'être en 2097.
- Explique leur pourquoi j'ai choisi cette année-là en particulier ! me souffle alors une voix derrière moi. Surpris, je me retourne et j'aperçois
Michel Bussi apparu comme par magie dans mon appartement, comme s'il surveillait que je ne racontais pas trop de bêtises sur son petit dernier.
- Oui oui, c'est prévu, c'est pas ma première critique. Tenez, tant que je vous ai sous la main, pourquoi vous n'avez pas choisi de pseudonyme pour ce thriller futuriste ? Michel Bussimov, Michel K. Dussi, Michel Bradbussi ?
- Parce que ça n'est pas parce que mon dernier livre est un peu futuriste que ça n'est pas mon style, tu n'es pas d'accord ?
- Alors vraiment ça dépend des points de vue ! J'y reviendrai d'ailleurs.
Je disais donc, en 2097 parce que c'est l'année du centenaire de la première téléportation. Ce qui signifie, exactement, que la première téléportation a déjà eu lieu il y a vingt-cinq ans. Juste quelques photons entre deux puces en silicium, mais bon les progrès scientifiques
commencent toujours avec une avancée qui semble presque anodine et aujourd'hui on ne saurait plus vivre sans internet, on envisage un vol jusque mars, des missiles nucléaires sont capables de raser des pays comme la France et à côté les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki font figure de jouets playmobil.
Alors si on parvient jusqu'à la fin de ce siècle, pourquoi ne pas imaginer un monde où chacun serait libre de se téléporter sur n'importe quel endroit du globe ? L'apogée des télécommunications ?
Vous n'en pouvez plus de cette chaleur étouffante ? Direction le Groënland. Vous souhaitez piquer un sprint parmi les fauves ? D'un clic vous voilà dans la savane africaine. Vous avez besoin d'un cocktail après une dure journée de labeur ? Faites un détour par Tahiti avant de rentrer chez vous dans votre ferme au Texas. Vous avez des envies exhibitionnistes ? Projetez vous avenue des champs-Elysées tout nu sous votre imperméable, mais à vos risques et péril : Tous vos déplacements sont enregistrés sur Pangaïa, immense réseau informatique, et le BIC ( Bureau d'Investigation Criminelle ) vous retrouvera facilement.
- C'est bien, insiste bien sur le véritable tour du monde que je fais découvrir à mes lecteurs cette fois-ci !
- Vous savez quoi Michel, ce dont j'ai surtout envie de parler là maintenant c'est de votre retournement de situation. Monsieur l'art du twist au point que cette marque de fabrique figure dans ta bibliographie, qui écrit tout un chapitre là-dessus dans ses secrets d'écriture. Tu sais comment je l'ai trouvé cette fois ?
- Dis-moi ?
- TPC ! Euh non DTC ! répliquais-je en appuyant sur mon TéléPuerto Cuerpo, bracelet de téléportation corporelle si vous préférez.
* * *
J'arrive au Vatican et me reconnecte à Babelio pour poursuivre ma chronique sans être interrompu. Mais il faut bien savoir que dans ce nouveau monde créé par
Michel Bussi, non seulement il n'y a plus de twist ( ou alors je ne l'ai pas vu, ou je ne l'ai pas considéré comme tel ), mais il n'y a plus non plus de religion. Plus de frontières. Plus de problème de densité pour les dix milliards d'individus qui peuplent la planète. Plus de réchauffement climatigue. Une seule monnaie. Un seul
dirigeant pour une démocratie universelle. Quasiment plus aucune criminalité, des urgentistes toujours au taquet qui sont chez vous avant que vous n'ayez pu raccrocher avec les services hospitaliers. Un seul fuseau horaire. Et j'en passe et des meilleures.
Une seule langue pour tous : l'Espagnol. D'où le "TéléPueto Cuerpo" mais ça n'explique pas en revanche tous les autres sigles utilisés ( OMD pour Organisation Mondiale du Déplacement, OMM pour Organisation Militaire Mondiale ) et je reste très dubitatif quant au nom donné à cette urne mondiale recueillant les votes de tous pour chaque question primordiale : l'Ekklesia. Difficile de faire un nom plus croyant ( ecclésiastique ) et d'origine plus latine.
Et puis même si je comprends le choix de l'auteur de nommer chaque pays, chaque région, afin que le lecteur puisse s'y retrouver parfaitement sur le globe tel que nous le connaissons, toutes ces nations qui se sont désormais fondues en une seule sans aucune frontière est toujours subdivisée en pays, et le tour d'horizon accompli pour les personnages et les lecteurs inclue entre autres le Kazakhstan, New York, la Namibie, l'Himalaya, le Sénégal, la Polynésie, Amsterdam, la Corée, le Japon, la Birmanie, les Cyclades, ou encore l'île de Tristan da Cunha ( je ne connaissais pas non plus ) qui est la terre la plus isolée du monde, à 2 400 kilomètres de l'île d'exil bien connue Sainte-Hélène. Enfin je vous dis ça pour que vous puissiez épater vos amis lors d'une future soirée par votre culture.
Par miracle
Michel Bussi, qui n'a pas fait les choses à moitié, ne nous emmène ni en Russie ni en Ukraine, mais on ressent une difficulté à se projeter dans ce futur univers utopique en constatant qu'aucune frontière n'est réellement effacée ( on voit d'ailleurs la carte du monde en arrière-plan de la couverture assez affreuse, soit dit en passant ), et en se référant à l'esprit de conquête de certains dirigeants on ne peut plus d'actualité.
Un siècle environ après la constitution des Droits de l'Homme du 03 juin 1958 est voté la constitution mondiale, le 29 mai 2058, dont les extraits fondamentaux sont indiqués à chaque début de partie : "Une seule terre, un seul peuple, une seule langue", "La terre est la propriété de tous les Terriens", "Il n'existe pas de limite à la libre circulation des individus", "Nul ne peut être déplacé contre son gré."
Je sens alors un souffle chaud derrière moi et j'entends quelqu'un renifler. Michel m'a retrouvé au Palais apostolique et a lu derrière mon dos tout ce que j'avais rédigé.
- T'es quand même gonflé, sanglote-t-il. Quasiment aucun compliment alors que c'est un de mes romans les plus aboutis et plus ambitieux !
- Mais je n'ai jamais dit que c'était mauvais ! Je pense même que ça aurait été excellent au rayon "la géopolitique pour les nuls" ! Mais j'ai quand même le droit de dire ce que j'en ai pensé sans que vous ne me dictiez quoi que ce soit.
Sur ces paroles cinglantes je sélectionne une nouvelle destination sur mon DTC, euh mon TPC pardon ( décidément ) et me projette gare du Nord à Paris. Sans faire attention à la mouche qui venait de se poser sur ma main.
* * *
Désolé
David Cronenberg mais pas de fusion d'ADN et la mouche s'envole à mon arrivée dans la gare fantôme. Ben oui, plus besoin de TGV, d'avions, de voitures depuis l'avènement de la téléportation. Pas besoin de donner 1 € à la dame-pipi pour s'asseoir sur le trône en toute tranquillité pour continuer la rédaction de ma critique sans être interrompu.
On lit bien un roman de Bussi, que les fans se rassurent. La façon de mener des investigations criminelles a changé mais on a bien un roman policier, des victimes, des méchants. Même pour l'omnisciente Pangaïa,impossible de retracer le parcours de l'assassin. Polar mais aussi comme on l'a vu anticipation au service de la réflexion, géopolitique, action, sans oublier la touche de western ou même d'érotisme maladroit ( court passage inutile mais hélas récurrent dans ses romans ).
"Ses seins jaillirent. Lilio les embrassa, lapant l'eau douce perlant à ses tétons. Sa langue s'enhardit, suivit les gouttes qui coulaient, du cou au ventre de Cléo." Et après carré blanc.
Par ailleurs je trouve qu'il manque toujours un petit quelque chose pour donner plus de réalité à ses personnages, autant qu'ils soient, pour qu'ils sortent de leur carcan de papier et deviennent réels. Ou, si vous préférez, je ne ressens aucune émotion si un des principaux personnages meurt, comme s'il leur manquait un peu de substance.
Et pourtant je me suis accroché. Sans trop de difficultés puisqu'on a quand même envie de les résoudre ces crimes mystérieux. Et on veut en savoir plus sur cet univers de 2097 et son véritable fonctionnement. Et on est finalement doublement récompensé. Par une fin en apothéose déjà qui devrait combler tous les lecteurs avec d'ultimes rebondissements très bien pensés. Et parce que je suis finalement sorti très enrichi de ce roman, ne voyant pas immédiatement ce qui sautait pourtant aux yeux :
Le prix à payer en échange de cette terre merveilleuse.
"Tous les monuments, tous les arts, tous les savoirs sur lesquels repose le monde actuel n'auraient pas existé si les peuples, puis les nations, puis les Etats n'avaient pas existé."
"Il n'y a qu'une seule façon pour un peuple, une nation, une religion, de se faire entendre, de se faire respecter, de résister, sinon il disparaît."
Ce sont les guerres qui modifient les frontières, les pays qui agrandissent leur territoire sous des prétextes économiques mais aussi culturels. Ce sont des idéologies qui veulent justifier des génocides.
Je ne me suis jamais caché de ne pas supporter les religions quelles qu'elles soient, l'homme n'a plus aujourd'hui à agir au nom d'une puissance supérieure, ni à imposer sa foi et ses coutumes aux pays voisins sous des prétextes fallacieux. Mais sans parler de guerre, de terrorisme ou de violence, qu'en serait-il des langues ? Toutes réduites à l'état de langues mortes ? Et le patrimoine culturel ? Les traditions ? Les spécialités culinaires ? L'architecture ?
Fini les pissotières à la turque, les bidets japonais auto-lavants, me dis-je en relevant mon postérieur et en tirant la chasse d'eau, moment lors duquel
Michel Bussi se matérialise devant moi.
- Alors tu as quand même un peu aimé mon livre ? me demande-t-il alors que, gêné, je me rhabille en vitesse afin que la situation ne prête pas plus encore à confusion.
- Tout n'a pas fonctionné mais effectivement j'ai apprécié cette question : Vaut-il mieux un monde fade, unique, où tous les auteurs écrivent en espagnol mais où tout le monde vit en harmonie à l'exception de quelques dissidents celtes bretons, ou un monde riche, fragmenté par ses différences, riche de ses multiples cultures, qui font aussi bien ses forces que ses faiblesses ? La réponse se situe probablement quelque part entre les deux.
Mais peut-on tirer un trait sur
L Histoire, la haine, tout en gardant le meilleur de chaque philosophie, l'identité de chaque peuple ?
- Et tu vas me mettre une bonne note ? me demande-t-il, anxieux.
- Tu le découvriras par toi même ! Maintenant tu peux aller embêter un autre chroniqueur ! répliquais-je en cliquant sur publier, afin de téléporter ma critique sur Babelio, ajoutant ma petite pierre au monumental édifice dudit site.