Rok à souvent des idées curieuses en matière de punition. Une fois qu'il avait capturé un chevalier chrétien, il l'a fait attacher à une broche, sans le sortir de son armure, et l'a mis à rôtir comme s'il s'agissait d'un sanglier. Quand le métal est devenu rouge, on a vu la graisse du pauvre bougre couler par les interstices du métal. Je crois qu'il a passé un sale moment. J'espère que cela ne t'arrivera pas.
Ils avaient coutume de dire que la forêt récupérait ce qu'on lui avait volé dès qu'on cessait de la surveiller. Il en allait de même ici, au cœur des solitudes glacées de l'éternel hiver. Tout se passait comme si la nature refusait la présence de l'homme, où qu'il s'avisât de poser le pied.
Elle ne voyait rien mais percevait le bruit sourd des haches broyant les os, fendant les chairs. Les Vikings détestaient les chrétiens, et plus particulièrement les prêtres qui se prosternaient devant un dieu mis en croix, une victime clouée sur un instrument de torture. Cette religion relevait pour eux de l'aberration pure. Leur panthéon peuplé de divinités guerrières, féroces, excluait ce type de vénération. Les faibles n'y avaient pas de place. Pour cette raison, ils prenaient toujours un plaisir mauvais à massacrer ces moines qui refusaient de se défendre et préféraient mourir en marmonant de stupides prières.
Les hommes n'aimaient pas la paix, ils s'y ennuyaient vite. La paix ne leur apporterait pas la gloire, La paix ne ferait pas d'eux des guerriers célèbres. La paix ne plaisait pas aux dieux. Odin, Thor n'appréciaient que la vaillance, la témérité… Voilà pourquoi il était important de partir en guerre au plus vite, avant d'être trop vieux, avant que l'âge ne les rende trop faibles pour soulever une épée!
Ils n'avaient qu'une idée en tête: mourir jeunes pour ne pas encourir la honte de s'être montrés trop prudents.
Une femme empoisonnée, une morte en sursis à qui la fièvre ouvrait les portes mystérieuses des choses écrites sur le livre de l'avenir. Une demi-déesse qui acceptait de mourir à petit feu pour sauver ses semblables...
Elle aimait ce travail solitaire, difficile. Le tap-tap du ciseau écaillant le bloc, creusant son sillon dans la résistance de la pierre. Elle adorait déployer des stratégies : ne jamais lutter contre le matériau, mais utiliser les obstacles pour générer de nouvelles formes. Ruser, contourner, rester souple.
-Que veut-il? s'impatienta l'ymagière.
-C'est assez flatteur pour toi, ricana la vieille. Il dit que si tes mains pourrissent, il se charge de t'amputer lui-même, très proprement. Il a déjà fait ça. Il te prie de croire qu'il sait s'y prendre... Quand tu seras manchote, il s'occupera de toi. Tu n'auras pas à redouter d'être abandonnée aux loups. Il te prendra pour femme, même sans mains. Il dit que ça n'a pas d'importance... et même qu'il préfère ça, car sinon il n'aura jamais aucune chance d'être ton maître. Il te veut. Il dit encore qu'il 'est réjoui quannd il t'a vue plonger les mains dans la neige glacée du matin, car il a pensé que tu te perdais. Il connaît le pouvoir du froid. Il est persuadé que tes doigts vont pourrir dans les jours qui viennent. Il te supplie de ne pas tarder à faire appel à lui pour l'amputation. Il ne faut surtout pas attendre, sinon la gangrène remonte au cœur, et tout est perdu. Il te coupera les poignets avec un sabre bien tranchant et te cautérisera à l'huile bouillante. Il assure que c'est la meilleure méthode. Après, quand tu auras cicatrisé, il te donnera des bracelets d'argent pour cacher tes moignons. Un vrai Viking n'est pas rebuté par les mutilations. Il remercie les dieux de lui avoir donné cette chance de t'avoir.
Svénia cligna de l'oeil.
-En fait, je crois que c'est une déclaration d'amour, caqueta-t-elle.
Les Vikings n'avaient aucune compassion pour les malades et les blessés, mais ils respectaient la folie car ils pensaient que les aliénés véhiculaient, parfois, les paroles des dieux.
Ici commençait le pays de l'éternel hiver où le printemps ne pénétrait jamais.
Ces titans aux pouvoirs fabuleux semblaient, par certains côtés, étrangement humain... et par là même plus sympathiques que bien des saints chrétiens au comportement trop sublime.