Citations sur Journal 1942-1944 - Suivi de Hélène Berr, une vie confi.. (100)
Plus on a d'attachements,de personnes qui dépendent de vous parce qu'on les aime, ou simplement parce qu'on les connaît, plus la souffrance est multipliée.
Souffrir pour soi n'est rien...
Qu' on soit arrivé à concevoir le devoir comme une chose indépendante de la conscience, indépendante de la justice, de la bonté, de la charité, c'est la preuve de l'inanité de notre prétendue civilisation
Cela m'est un bonheur de penser que si je suis prise, Andrée aura gardé ces pages, quelque chose de moi, ce qui m'est le plus précieux, car maintenant je ne tiens plus à rien d'autre qui soit matériel; ce qu'il faut sauvegarder, c'est son âme et sa mémoire.
Penser que Jean les lira peut-être. Je reviendrai, Jean, tu sais, je reviendrai.
Lundi 8 juin 1942.
J'ai eu beaucoup de courage toute la journée.J'ai porté la tête haute, et j'ai si bien regardé les gens en face qu'ils détournaient les yeux.Mais c'est dur.
D'ailleurs, la majorité des gens ne regarde pas.Le plus pénible, c'est de regarder d'autres gens qui l'ont.Ce matin,je suis partie avec Maman.Deux gosses dans la rue nous ont montrées du doigt en disant: " Hein ? T'as vu ? Juif."
Samedi 11 avril 1942.
Ce matin, je me suis sauvée au jardin, sûre de la joie qui m'attendait.J'ai retrouvé les sensations de l'été dernier, fraîches et neuves.Le foudroiement de la lumière qui émane du potager,l'allégresse qui accompagne la montée triomphale du soleil matinal,(...)le parfum subtil des buis en fleurs, le bourdonnement des abeilles, l'apparition soudaine d'un papillon au vol hésitant et un peu ivre.
Une fois que l'on commence à verser le sang, il n'y a plus de limites. Comme la morale et le respect de l'humanité disparaissent vite lorsqu'une certaine limite est dépassée. En un bond, on revient au stade animal.
Ils ne pensent pas, c'est la base du mal; et la force sur laquelle s'appuie ce régime. Annihiler la pensée personnelle, la réaction de la conscience individuelle, tel est le premier pas du nazisme
Je n'arrive pas à concevoir comment d'hommes libres ayant une âme et une conscience et un jugement, on arrive à faire des fanatiques et des automates
Qu'on en soit arrivé à concevoir le devoir comme une chose indépendante de la conscience (en l'occurence arrêter des bébés de deux ans), de la justice et de la bonté, de la charité, c'est la preuve de l'inanité de notre prétendue civilisation.
La seule expérience de l'immortalité de l'âme que nous puissions avoir avec sûreté, c'est cette immortalité qui consiste en la persistance du souvenir des morts parmi les vivants.