BALLADE DES PENDUS
Sur ses larges bras étendus,
La forêt où s’éveille Flore,
A des chapelets de pendus
Que le matin caresse et dore.
Ce bois sombre, où le chêne arbore
Des grappes de fruits inouïs
Même chez le Turc et le More,
C’est le verger du roi Louis.
Tous ces pauvres gens morfondus,
Roulant des pensers qu’on ignore,
Dans les tourbillons éperdus
Voltigent, palpitants encore.
Le soleil levant les dévore.
Regardez-les, cieux éblouis,
Danser dans les feux de l’aurore.
C’est le verger du roi Louis.
Ces pendus, du diable entendus,
Appellent des pendus encore.
Tandis qu’aux cieux, d’azur tendus,
Où semble luire un météore,
La rosée en l’air s’évapore,
Un essaim d’oiseaux réjouis
Par-dessus leur tête picore.
C’est le verger du roi Louis.
Envoi
Prince, il est un bois que décore
Un tas de pendus, enfouis
Dans le doux feuillage sonore.
C’est le verger du roi Louis !
Gringoire - Je vais vous dire la "ballade" des pendus". (au roi, avec orgueil et confidentiellement.) Elle est de moi. (naïvement.) C'est une idée que j'ai eue en traversant la forêt du Plessis, où il y avait force gens branchés. On les avait mis là, peut-être, de peur que la rosée du matin ne mouillât leurs semelles !
Nicole
Oui, sire, c'est ainsi que, sous le règne du feu roi, votre père, la demoiselle Godegrand épousa un pendu, que des écoliers avaient décroché par plaisanterie et mis dans la chambre de la vieille fille, pendant qu'elle était à vêpres.
Roi
Veux-tu un soldat ?
Loyse
Non, sire. Rester à la maison quand mon mari subirait les hasards et les dangers de la bataille ! Ne serait-ce pas endurer lâchement un supplice de toutes les minutes ?
Poéasie - Querelle - Théodore de Banville