Toi mon corps, tu sais
guider en douce
ma vie
qui s'élance sans moi.
Donne-moi
une main où me regarder, un autre corps à caresser
fais-moi mordre
la tartine de vie qui me reste
et penser aux grandes imaginations des métamorphoses
qui
naguère
transfiguraient la vie des hommes.
UNE VILLE AIMÉE LUIT ET CRIE…
Extrait 2
…
Pour aller
contre sa boucle
je caresse une branche
dans toute sa longueur.
J’écris une lettre à je ne sais qui
une lettre pour je ne sais où.
J’annonce qu’à l’automne
il ne faut pas ignorer les branches
qui jouent magnifiquement leur partition de cuivres.
Des nouvelles si importantes, au milieu des guerres,
des catastrophes,
c’est à faire savoir.
Sur l’enveloppe :
Pour X, dans n’importe quel pays triste.
Parcourant, l'hiver, une voie romaine
on rencontre un très haut pavé ancien
tiède au soleil
on s'y assied.
Quand je voyage dans notre commune mémoire
je retrouve cette pierre
soudain devenue capitale
avec le revêtement rugueux d'un pan de mur, en face,
et la minime luisance dans un granit
comme une promesse
d'éclat sans fin.
Aimez l'amour des choses moindres
si dédaignées par nous,
neige ancienne, papier usé.
Vous sentirez la rémanence des jours
vous aurez liaison avec des visages disparus
vous penserez à vous dans une autre lumière.
Vols feutrés d'oiseaux.
Marche prudente.
Petites fatigues prises en compte
mains sur le pelage du chat
tiède, tiède,
et nos regards sur le monde un peu flou
en cocon de neige légère.
Temps passant
Temps passé
qui se fabrique
tout doucement autour de lui, de nous.
On s'aperçoit des amitiés rompues
par la mort ou l'absence.
On dit je ne dirai plus rien
J'écrirai
oui
mais pour les arbres.
Je deviendrai sentence d'écureuil.
La vie s'écoule en force.
J'ai beau tenter de la garder
avec des paroles, des imperméables, des bêtes caressées,
elle s'augmente, chaque année,
de douze mois avides
qui la rongent.
UNE VILLE AIMÉE LUIT ET CRIE…
Extrait 1
Une ville aimée luit et crie
passagère
sa
langue de bruits
nous en voudrions un glossaire
direct, piaffant, gonflé de souvenirs :
appels de marchés, passages de tanks,
sonnettes des autobus autrefois,
couinage des urgences,
le tout traversé par une petite flûte au travail.
Répertoire demeuré seul, une fois notre langue perdue,
les peuples survivants partageraient
notre espéranto d’existence.
Le mot non. J’en inverse les lettres. C’est toujours non.
…
IL Y A DU JEU…
Il y a du jeu
dans l’être d’une femme
qui caresse un livre mince
et pense à l’incertitude de la vie
tout en surveillant au miroir
la bonne tenue de son rouge à lèvres.
LUMIÈRE D'EAU
Lumière d'eau.
Goût des prismes en elle.
Fais la part des dieux. Imagine un soleil
Qui prenne vie dans le tressaillement des sources.
Sens-le
Parcourir ton corps.
L'air se desserre autour de toi. Il devient plumes.
Ta peau d'oiseau va vers un contrepoint de feuilles luisantes.
Au-delà: désert d'Apollon, à l'odeur de poivre
Passage
Pour une bête de midi.