Comme
Arthur H. s'est laissé porter par la musique de Bach, j'ai de mon côté découvert son récit «
Fugues », avec une fébrile impatience, en voulant me laisser porter par les mots de cet artiste que j'aime depuis des années.
Ce n'était pas tant
une autobiographie d'un musicien que je souhaitais lire. Je ne faisais pas la groupie en mal de croustillants devant un personnage people ; le fils d'un père peut-être plus connu que lui, plus exubérant sûrement aussi.
Qui connait un peu
Arthur H. sait qu'il s'agit de tout autre chose avec lui. Il se fait discret, sûrement encore un peu timide, tout en nuance et subtilité, la voix grave et chaude qui sait résonner en moi, il a une classe pudique, si naturelle, qui m'impressionne. Vouloir lire «
Fugues », c'était pour moi comme une quête de musicalité, de poésie et de beauté. C'était souhaiter aller encore plus loin peut-être que les strophes de ses chansons, aller au coeur des sensations, se laisser emporter par la sensibilité de cet artiste bohème, libre et délicat. Et il a sû m'emporter comme je l'espérais.
Pour être tout à fait sincère, j'ai regretté qu'il parle plus de la fugue de sa mère (en Corse) que de la sienne (en Guadeloupe). Même si la sienne était étroitement liée à celle de sa mère. Ils avaient tous deux une même soif de liberté. Et s'il parle principalement d'elle, c'est que c'est avant tout une lettre d'amour à sa mère, forte et courageuse. Une mère pour qui il composera ‘'La boxeuse amoureuse''.
Mais, c'est véritablement lorsqu'il a parlé de lui, de sa propre fugue à l'âge de 15 ans, de son désir de liberté, de vivre sans avoir le dos courbé par la vie et les autres, que j'ai vraiment ressenti le plaisir tel que celui que j'éprouve à l'écoute de certaines de ses chansons – celles que je peux écouter en boucle et que je fredonne ensuite plusieurs jours d'affilée-. J'avais l'impression d'entendre sa voix (une de ces voix qui m'émeuvent à en avoir la chair de poule et qui me rendent un peu dingo –comme celles de Bowie, Bashung, Brassens,
Tom Waits,
Neil Young, Barbara et quelques autres-). Et moi, à ce moment-là, ça agit comme une drogue. C'est ma fugue à moi. Cela me plonge dans un autre monde, un univers tout en coton, rassurant, chaud, et je dois certainement avoir un sourire béat aux lèvres, comme si j'avais bu un verre de trop. Parfois, à l'inverse, j'ai l'alcool triste parce que ça me fout le blues, ces voix un peu écorchées, douloureuses, ces chanteurs à fleur de peau qui parlent souvent d'amour blessé, de fêlures, ces voix qui nous chantent comme s'ils nous parlaient un peu rien qu'à nous. Et je me sens si bien avec eux que je n'ai pas envie de retourner de l'autre côté.
J'ai regretté qu'
Arthur H. ne parle pas plus longuement de lui, qu'il ne me fasse pas entrer encore plus dans son univers afin que je savoure plus longuement ce bonbon sucré salé fondant sur la bouche. Et à avouer cela, comme une de ces confessions nocturnes, je fais peut-être un peu la groupie jalouse finalement, à me dire que même la présence de Bach ne m'aurait pas été indispensable. J'aurais bien aimé qu'il n'y ait que lui,
Arthur Higelin, dans ce livre.
Pourtant, il s'agit pour lui de raconter « l'art de la fugue », la fugue musicale de Bach, la fugue nécessaire de sa mère et de la sienne. Des
fugues à jouer comme des défis à relever, des
fugues à écouter comme on écoute son coeur, des
fugues si impérieuses et vitales, des
fugues pour être plus fort, pour apprendre à vivre, se découvrir, s'accepter et s'épanouir, des
fugues pour fuir le carcan de la ville et ses jugements, des
fugues pour ressentir et être libre, des
fugues pour vivre tout simplement.
Et en finissant ce billet, peut-être aurais-je envie d'entendre quelques notes de piano. Peut-être aurais-je envie de réécouter « L'art de la fugue » de Bach ou plus certainement d'aller voir de ‘'l'autre côté de la lune''.