AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,89

sur 601 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Cet été-là, je revins avec un sentiment familier mais que j'identifiais seulement. Celui de renouer avec un bonheur certain. » Alors que ses vingt ans lui avaient fait mépriser l'univers clos de la sphère familiale pour l'envoyer se frotter au monde, la trentaine toujours célibataire du narrateur lui a, sans qu'il s'explique vraiment pourquoi, donné l'envie d'un retour au bercail. Lui, qui depuis dix ans boudait la grande maison de vacances où, chaque été, en bord de mer à l'extrême pointe de la Bretagne, le clan familial continue invariablement de se rassembler, décide soudain de renouer avec cette tradition estivale qui le renvoie au temps sacré de son enfance.


Là, cruellement soulignées par une décennie d'absence et par l'imperturbable pérennité des lieux, pendant qu'entre le même farniente à la plage et les mêmes réjouissances festives qu'autrefois, il se surprend à observer avec nostalgie un petit cousin de cinq ans, Jean, en qui il se revoit à cet âge, lui sautent à la figure la cruelle mesure du temps passé et de notre éphémère fragilité. Très vite, les jours fuyant, aussi désespérément que le sable entre les doigts, vers la fin de la saison, la dispersion de la vaste tribu et l'hibernation de la grande maison devenue ruche pour quelques semaines, cet homme, jusqu'ici empli du tranquille sentiment d'éternité que confère la jeunesse, ne peut plus s'empêcher de voir en ce fugitif temps des vacances la réplique miniature de l'écoulement de notre vie, depuis l'insouciance et l'impression d'infini du début, puis le sentiment d'urgence lorsque le mitan est passé et, enfin, la triste solitude dans laquelle tout s'achève.


A vrai dire, s'il se retourne avec tant de tristesse sur cet été de retrouvailles dont il décrit au passé les mille insignifiants et monotones bonheurs, ce n'est pas seulement parce que personne ne sait si sa grand-mère centenaire sera toujours là dans un an, ni même parce que, devenu oncle, il se retrouve face à l'enfant qu'il n'est plus, et qu'après ces semaines de vie en groupe, la solitude lui serre la gorge. Si, avec le décalage dans le temps, toute cette période lui insuffle une telle nostalgie, c'est surtout pour l'avoir vécu dans l'ignorance du drame qui devait survenir dans la foulée, précipitant sous le choc une averse de sentiments doux-amers, face à la fugacité de la vie et à la discrétion du bonheur, déjà enfui avant même que l'on ait pris conscience de son existence.


Contrairement au roman Les locataires de l'été de Charles Simmons auquel ce livre m'a beaucoup fait penser, l'auteur ne nous laisse que tardivement entrevoir l'épée de Damoclès qui pèse sur son récit. Aussi, pas de tension ici, menant au terme dramatique annoncé, mais la mélancolique rétrospective d'une saison frappée par une injuste fatalité ressemblant à un coup de tonnerre dans un ciel bleu. D'une sobre et infinie délicatesse, la narration est une merveille ciselée par une plume remarquable de beauté et de profondeur, qui, sur le fond prégnant d'une Bretagne au goût de madeleine de Proust, nous parle de la vie et du bonheur avec l'émotion de celui qui en perçoit l'éphémère fragilité. Un coup de coeur qui grandit encore à la seconde lecture.


Merci à Babelio et aux éditions Gallimard pour cette (magnifique) découverte en avant-première.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          12412
Comment raconter l'histoire d'une famille sans histoire, qui se retrouve chaque été au bout du Finistère, au nord de Brest, dans la maison acquise par le grand-père, officier de marine ayant toujours porté de son vivant costume et cravate ?

Autour de la grand-mère, bientôt centenaire, les enfants désormais retraités gèrent l'intendance et accueillent « ceux qui reviennent de loin » pour partager souvenirs et nouvelles, entourés d'adolescents ou de jeunes adultes, plus ou moins fidèles, comme l'auteur, à ces traditionnelles retrouvailles, pour découvrir les nouvelles « pièces rapportées » et la jeune génération et replonger ainsi dans les souvenirs heureux de l'enfance.

Loin du monde et de ses tracas, dans un microcosme sans télévision, sans ordinateurs, la vie s'écoule sans histoire entre plage et jardin.

Mis à part Catherine et François, l'oncle bricoleur, les membre de cette famille restent anonymes. Dans le voisinage Anne revient souvent sous la plume du romancier et, progressivement, Jean, un enfant accapare son attention puis son affection.

Comment me demandez vous, charmer un lecteur sans une histoire (un scénario) et sans héros ?

En lui racontant sa propre histoire, en rafraichissant ses souvenirs, en lui révélant la faune et la flore, en lui faisant entendre le vent, la mer, la pluie, en le laissant écouter les papotages et les médisances qui alimentent les propos quotidiens de toute communauté, car l'écrivain est doté de capteurs sensoriels affutés et une odeur, un frémissement, un murmure, une ombre encrent sa plume et donnent naissance à des phrases superbement écrites, dans une langue riche qui maitrise parfaitement la concordance des temps (ce qui devient rarissime en notre siècle).

Ce sont nos enfances, nos adolescences, nos vacances, qui revivent pour notre plus grand bonheur.

Au fil des chapitres je revis ma jeunesse, je revois nos enfants, je retrouve nos petits enfants assis dans la librairie Dialogues à Brest au rayon BD et je finis par avoir l'impression d'être adopté par cette grande famille.

Merci Pierre Adrian pour cette belle soirée que cet ouvrage offre en nous ramenant dans le pays de Léon.

La Bretagne n'est pas seulement belle, elle est unique. Brest est la porte du Ciel !
Commenter  J’apprécie          11315
Ce n'est pas qu'une maison , cette maison Blanche où , chaque année règne une joyeuse ambiance où chacun se croise où chacun vénère la grand - mère, ultime propriétaire des lieux après le décès du grand - père. Non , ce n'est pas qu'une maison , c'est un phare qui se dresse face à l'océan. On y vient petit , on y vient grand , on s'en éloigne, on y revient . En août. Jusqu'à l'ultime feu d'artifice offert par la commune .
Le narrateur , après une " pause " vient s'y ressourcer et constate combien ce temps si particulier lui avait manqué : des valises qui se font et se défont , des portes qui claquent , s'ouvrent , se ferment, les us et coutumes des uns , des autres , les odeurs matinales des toasts grillés et du café juste fait les cris des enfants ou , plus inquiétants , leurs silences ....les soirées arrosées...
Là est l'histoire familiale , là sont les racines présidées par la présence bienveillante et tutélaire d'une vieille dame qui " passe " peu à peu mais inexorablement .Et qu'arrivera -t-il à la maison lorsqu'elle sera partie?
Faire resurgir des souvenirs , même récents ,voilà.J'adore lire les ouvrages de souvenirs nostalgiques , ceux de Pagnol , par exemple,mais ceux -là évoquent un passe révolu . Ici , ils sont le reflet d'une histoire à faire perdurer un socle pour aller de l'avant .
Ce petit roman ( 180 pages ) est assez lent et se savoure comme le " tortillon " de la fête foraine enroulé autour de son petit bâton . Comme la vie qui s'écoule inexorablement ,chaque enfant reprenant le flambeau lorsqu'arrive son tour , sauf si ...Histoire familiale , stop ou encore ?
Ce jeune auteur est étonnant de lucidité et , surtout , il écrit trés bien . Il est rare , hélas , de trouver maintenant ,des verbes aux temps virevoltants dans de belles phrases ; profitez - en , c'est monnaie - courante ; je pensais même qu'une telle maitrise syntaxique n'existait plus , surtout chez un si jeune auteur .
Je suis tombé sous le charme de cet ouvrage et j'ai même décidé de le relire . Bien entendu , il ne s'agit que d'une décision personnelle qui n'engage que moi , tout comme les 5 étoiles , du reste .
Je tiens à féliciter l'auteur , remercier chaleureusement les éditions Gallimard et toute l'équipe de Babelio pour leur confiance souvent renouvelée pour mon plus grand plaisir .
Commenter  J’apprécie          1138
Parfois, il y a des rencontres avec les livres, des rencontres rares qui résonnent comme une évidence, des histoires qui vous touchent car elles sont un miroir de votre vie.
Lire « Que reviennent ceux qui sont loin » a été comme renouer avec mon enfance. Pierre Adrian est un formidable conteur qui m'a emmenée autant dans son histoire que dans mes souvenirs d'autrefois. J'ai été touchée, dès les premiers mots par la douceur et la nostalgie qui se dégageaient du texte. Je vous en livre les premières lignes :

« Je ne revins pas à la grande maison par hasard. On ne retourne jamais à quelque part par hasard. Secrètes sans doute, j'avais mes raisons après tant d'années de revoir la grande maison au mois d'août. Il y avait le temps qui passait et la certitude désormais que rien n'est éternel. Un jour viendrait où ce paysage, tel que je l'avais laissé enfant, n'existerait plus. Il appartiendrait à d'autres. Il serait abattu et reconstruit. D'autres familles s'y retrouveraient en été et les enfants d'autres noms joueraient sous les arbres. Grand-mère allait bientôt mourir. Grand-père était déjà mort. Les oncles et les tantes, les cousins vieillissaient. »

*
L'histoire se passe en Bretagne. Imaginez une petite route qui mène à la mer, puis un portail blanc qui s'ouvre sur un jardin d'hortensias bleus. Et lorsque la maison dissimulée par la végétation apparaît, vous savez que vous êtes arrivés, que vous êtes enfin chez vous.

J'aime ces romans dans lesquels les vieilles demeures sont au coeur du récit. Elles renferment une histoire familiale, avec ses joies et ses drames, ses rires et ses pleurs.
La maison dégage une atmosphère chaleureuse, accueillante. Y séjourner, c'est comme voyager dans le temps, les murs de la bâtisse ayant capturé les souvenirs, ces petits riens, ces détails qui sont autant de repères nécessaires qui mis bout à bout, remplissent nos pensées et nous accompagnent notre vie durant.

*
Un jeune homme revient passer ses vacances d'août dans la maison familiale bretonne, après de longues années à avoir préféré des destinations plus exotiques comme lieu de vacances.
Là se bouscule un monde joyeux, animée et virevoltant de cousins et de cousines, d'oncles et de tantes, de neveux et de nièces, sous le regard doux et généreux de l'aïeule.
Quelques mots suffisent à nous attacher à cette grand-mère coquette et prévenante que tous aiment et respectent.
Un regard suffit à aimer le petit Jean, un mot et nous voilà à bricoler avec François.

Les personnages font l'objet d'une description faite de souvenirs et d'anecdotes au fur et à mesure que le jeune trentenaire se mêle avec discrétion à sa famille. Ces flashbacks sont comme des instantanées, des vieilles photographies sépia qui dévoileraient des impressions fugitives, des odeurs agréables de café et de pain grillé, des senteurs marines, des sensations déplaisantes des grains de sable disséminés dans les draps de lit, des souvenirs de jeunesse où les enfants libres et chahuteurs rythmeraient la vie de la maison.

L'auteur dessine ses personnages avec beaucoup de sincérité, d'authenticité et de générosité. On sent qu'il les aime, qu'il a pris plaisir à nous les rendre vivants et attachants. Chaque personnalité remémorée m'a émue, tant les descriptions sont délicates, douces, pleines de tendresse et d'affection. On ressent la cohésion et la complicité autour de cette famille. C'est beau de les voir vivre en toute simplicité, entremêlant plage et châteaux de sable, jeux d'enfants et disputes, repas et convivialité, baignade et pêche, sorties en mer et balades le long de la grève ou dans l'arrière-pays.
Le lecteur est accueilli comme un ami de la famille, invité à partager ces bonheurs simples avec toute cette tribu : moments essentiels, moments forts, fugaces, chaleureux, conflictuels ou douloureux.

*
Quels sont les moments qui comptent dans une vie ? Quels sont ceux qui resteront superficiels, futiles, creux ?
Ce mois de vacances est comme une parenthèse nécessaire pour le jeune homme, une prise de conscience que le temps court, file, s'échappe, qu'on ne peut le rattraper, et que le temps qui nous reste ne doit pas être rempli de regrets, ni de tristesse.

« Au cours de ce voyage, jamais ne me parut aussi évidente la fragilité des miens. Les années passant, avec l'âge et dans la mort, elle se révélait. Mon père et ma mère aussi pouvaient être brisés et il revenait à nous désormais de les serrer dans nos bras. Les plus forts avaient besoin du soutien des faibles. Sans doute était-ce cela une famille, un enchevêtrement, une tour en Kapla dont l'équilibre précaire tient, coûte que coûte, grâce à la solidité des uns et malgré la fébrilité des autres. »

*
Pour conclure, lire ce roman a été un très grand plaisir, un joli moment de lecture qui me laisse un délicieux sentiment de mélancolie.
Un récit nostalgique et doux, qui nous parle de liens familiaux, de souvenirs, d'amour, d'amitié, et de transmission. Un coup de coeur très personnel.
A lire pour tous ceux qui recherchent une histoire émouvante, le temps d'un été.

***
Pour finir, je tiens à remercier très chaleureusement toute l'équipe de Babelio pour leur confiance, les éditions Gallimard pour cette jolie découverte, et Pierre Adrian pour ces jours de lecture où j'ai plongé dans de magnifiques souvenirs d'un temps passé où se mêle un présent encore douloureux.
Commenter  J’apprécie          9452
Un portail blanc que l'auteur referme derrière lui. Un grand jardin désert. La porte de derrière ouverte sur les hortensias bleus, la plage et l'océan pas très loin.
Le voici de retour à la grande maison, la maison de famille au bord de l'océan, celle de ses vacances d'enfants qu'il a cru préférable d'abandonner pendant quelques années pour d'autres rivages, mais dans laquelle il va retrouver au milieu de la tribu, oncles tantes, cousins et enfants de ceux-ci, la génération suivante, ses plaisirs et émotions d'enfant et renouer avec le bonheur tout simple qui y règne.

L'auteur peint avec infiniment de justesse et une douceur emplie de nostalgie l'atmosphère particulière de ces vacances d'été, au bord de l'océan, dans une maison de famille. Et ses souvenirs viennent raviver les nôtres de jours de vacances qui paraissent inépuisables à l'arrivée et qui soudain se sont enfuis sans qu'on les voit passer.

J'ai senti le sable entre mes pieds, la brulure d'un coup de soleil (eh oui, il y a du soleil en Bretagne), le sel sécher sur ma peau, les draps rêches et un peu humides. J'ai revécu ces jours qui se suivent et se ressemblent tous, entre plage, baignades, repas où toute la tribu s'attable, sorties sur le port pour boire un pot.

J'ai été surprise d'y retrouver tant de mes sensations, tant de mes souvenirs. L'auteur nous raconte sa maison de vacances, mais à ses mots se substituent bientôt mes souvenirs, et tout se mêle. Est-ce lui qui a ressenti cela, est-ce moi ? Je vogue entre le livre et les images qui reviennent et une douce mélancolie m'envahit : le livre est fini, la maison endormie jusqu'à l'été prochain, qui saura faire oublier ce dernier jour de ce mois d'aout là.

Un livre au charme certain, que l'on savoure lentement. Il ne se passe pas grand-chose, juste la vie le temps d'un été. Et aussi, une écriture sensible, belle, exprimant si bien la douceur de ces étés.
Commenter  J’apprécie          8739
Le mois d'août amène sa lumière d'été. Les valises embarquées dans le train, je me réfugie pour des vacances en Bretagne. Là-bas un cousin viendra me chercher. Là-bas, il y reste encore quelques vieilles tantes, un peu moins de vieux oncles, et la grand-mère, si fragile posée dans son fauteuil près de l'âtre de la cheminée qu'on ose à peine l'embrasser de peur de la voir se réduire en poussière. Certaines poussières sont contagieuses et se propagent comme la tristesse des types comme moi. Mais oublions tout ça, le début des vacances s'arrose de quelques bières, des retrouvailles, des que deviens-tu, des enfants qui crient, qui rient, qui pleurent. Au petit matin, j'ai toujours été du matin, pour profiter de sa fraîcheur, du silence de son café, je regarde cette vieille bâtisse en pierres, ayant survécu aux vents, aux marées, aux sables, au blitz et à je ne sais quel mouvement lunaire. Cette maison d'enfance, on la quitte un jour, mais on y revient toujours, pour les vacances au mois d'août. Au loin, j'entends le cri des mouettes qui voltigent autour des bateaux de pêches. Au près, le tintement d'une petite cuillère dans la tasse à café, et la tante, toujours la même qui s'active en cuisine, pour laver les verres de la veille ou griller le pain frais du matin.

Les hortensias exposent leurs couleurs à l'ombre de la treille de vigne sauvage. Dans la moiteur de cette journée, au retour de la plage, à contempler des jeunes femmes timides, des femmes mures sans complexe, des crabes qui courent de travers, des mouettes qui crient ô hey, ô hey, des bunkers ensablés, la mélancolie m'enveloppe de son ombre de souvenirs. Les repas de famille qui s'éternisent, les apéros entre cousins sans fin, les retours de discothèque au petit matin, tous ce brouhaha pendant un mois où des valises viennent et partent, des bises, de bonjour ou d'au-revoir à l'année prochaine. Et puis ce petit cousin qui vous fait dire que vous n'êtes plus vraiment un cousin mais un tonton. le temps passe, la poussière s'écoule dans le sablier de la vie, les vagues y lèchent le rivage, le visage se porte vers la lune, d'un bleu brillant et silencieux, le regard sombre vers sa solitude. Un magnifique moment, éloge de la lenteur et du spleen, nostalgie de vos plus jeunes années et pourtant la poussière de sable avance inexorablement. Un jour elle ensevelira totalement ces vieux cubes de bétons qui jonchent encore un peu les rives de la Bretagne, là où des enfants jouent encore dans ces bunkers d'une guerre que les anciens ne veulent pas oublier, là où des adolescents fument leurs premières cigarettes, s'embrassent et se touchent de plaisir et d'interdit. Sur la table, la bouteille de Pastis est toujours de sortie, comme ce vieux chat qui n'a plus de nom ni de poil. Je sers une nouvelle tournée, à ceux qui y sont déjà attablés, sans demander. le Pastis ne se refuse pas, c'est la religion du dimanche, le calice de notre foi.

Sur ce dernier verre, je vous abandonne, ma valise m'attend, fermée, linges pliés parsemés de quelques grains de sable, encore quelques crachins d'iodes, encore quelques rayons de soleil, les volets se ferment jusqu'au mois d'août prochain. A moins que...
Commenter  J’apprécie          617
Cet été-là, le narrateur, parisien trentenaire, revient passer ses vacances dans la maison familiale lovée sur la côte bretonne à la pointe du Finistère. Et, après des années d'absence, il retrouve le goût de ces étés en famille
« Chaque année se rejouaient ici les mystères d'une vie entière résumée en quelques semaines. »
Cette « grande maison qui semblait appartenir à tous et à personne », est envahie chaque été par la tribu d'oncles, de tantes et de cousins. Au milieu de cette agitation, trône « la petite grand-mère », vulnérable et fragile comme une poupée de porcelaine à l'orée de ces cent ans.
Durant cet été breton, le narrateur retrouve ses cousins, croise d'anciens amis de vacances comme Anne, belle et blasée. Il mêle au récit estival les souvenirs d'enfance, moments de bonheur. Et puis, il y a Jean, le petit cousin de six ans qui rappelle au narrateur l'enfant qu'il a été jadis.
L'été brûle ses derniers feux, la fête du 15 août sonne la fin des vacances. On sent aussi, entre les lignes, qu'un drame se prépare.
Au cours de cet été pas tout à fait comme les autres, le narrateur découvre la fragilité d'une famille qui semblait pourtant résister au temps qui passe
« Sans doute était-ce cela, une famille, un enchevêtrement, une tour en Kapla dont l'équilibre précaire tient, coûte que coûte, grâce à la solidarité des uns et malgré la fébrilité des autres. »
Le rythme du roman est lent, tout comme cet été oisif à remuer les souvenirs. On se laisse bercer par l'écriture d'une grande tendresse et parfaitement maîtrisée. J'ai ressenti beaucoup d'émotions à l'évocation de ces souvenirs d'enfance et d'étés en famille. Chacun y retrouvera trace de ses propres souvenirs. Car qui n'a jamais passé ses vacances auprès d'une grand-mère, parmi des cousins ?
Une belle lecture qui m'a emplie de nostalgie.

Commenter  J’apprécie          570
"Je ne revins pas à la grande maison par hasard. On ne retourne jamais quelque part par hasard. Secrètes sans doute, j'avais mes raisons après tant d'années de revoir la grande maison au mois d'Août. "
Le narrateur est un jeune trentenaire, la grande maison est la maison de Famille en pays de Léon où, chaque mois d'Août, ils se retrouvent tous autour de l'aïeule bientôt centenaire. Parents, frères et soeurs, oncles et tantes, nièces et neveux, amis proches, ceux que les locaux depuis plus de 100 ans appellent encore les parisiens... Il avait fui ces journées de farniente en Bretagne rythmées autour des enfants, de la plage, des repas en commun, des soirées au bar du port... Mais il est revenu et enfin il est chez lui :

"Mais en Bretagne, dans cette terre que j'avais laissée vivre sans moi, qui n'avait pas changé, où de vieux parents se faisaient enterrer, un sentiment beau et douloureux d'appartenance émergeait désormais. Si notre pays est celui où l'on a les plus grands souvenirs, alors j'étais d'ici. Alors j'étais de cette terre entre dunes, champs et bruyères, de cette presqu'île lovée entre deux bras de mer."
Et l'été de son retour sera aussi celui où...

Un livre qui résonne en moi de façon surprenante quoique ...un livre écrit par un trentenaire , un livre que transcende une écriture de toute beauté qui projette sur nos rétines mille et une images de notre passé que l'on pensait oubliées mais qui sont là fidèles attentives au fin fond de notre mémoire.
Un roman à mes yeux incontournable à découvrir absolument.
Commenter  J’apprécie          460
En ce milieu d'automne, les vacances d'été sont déjà loin... Pierre Adrian nous propose un retour en Bretagne, en plein été, sur les pas d'un narrateur jamais nommé mais qui lui ressemble beaucoup. Roman en partie autobiographique, ce que l'auteur a confirmé dans les interviews, celui-ci explore le monde de l'enfance à la période charnière de la vie où on doit se résoudre à passer à l'âge adulte.

Petite présentation de l'histoire : après de longues années d'absence, un jeune homme revient dans la grande maison familiale où tous se retrouvent chaque année au mois d'août. le décor, les meubles, les objets ne changent jamais alors que vont et viennent oncles, tantes, cousins, neveux, amis de la famille... Il avait déserté le lieu pour des terres exotiques, des mers plus chaudes. Alors qu'il est encore célibataire et aurait l'âge d'être père, il veut renouer avec son enfance, retrouver sa famille. J'ai beaucoup aimé les mots qu'il met sur les anciens, traduisant le regard chargé d'amour et de bienveillance qu'il porte sur le vieillissement de sa grand-mère, ce qui donne des pages d'une grande justesse :

Jean, le neveu de notre personnage a six ans. Il voit, à travers lui, comme dans un miroir, l'enfant qu'il a été. Les enfants se construisent à toute vitesse pendant cette période de vacances où les nouvelles expériences sont nombreuses dans cette famille là.

Mornes après-midis à la plage, descentes au café du port pour les cousins(es) pendant que les tantes étendent le linge. L'organisation respecte la norme d'une tradition qui se voudrait répétition mais se heurte au mouvement du temps, aux cycles de la vie. Que reviennent ceux qui sont loin résonne comme le reflet d'une nostalgie, d'une tristesse. Les moments heureux en préparent d'autres où il faudra faire face, comme on peut, au drame qu'on pressent.

Littérature de mémoire, l'auteur s'essaie avec talent à cet exercice, dans un style bien différent de celui de notre prix Nobel de littérature Annie Ernaux et pourtant on le lit en superposant, en comparant notre propre expérience de l'enfance, de la famille, des vacances... Annie Ernaux avait un témoignage à écrire afin d'exorciser ses frustrations, elle avait senti que son milieu d'origine était coupé de ce pour quoi elle se destinait, le monde de la culture, l'enseignement, l'écriture. Nulle chose de ce genre ici, Pierre Adrian revendique un bonheur familial. Il ne souhaite nulle coupure, voudrait que ceux qui sont loin reviennent. Ayant déjà beaucoup il rêve d'immortalité ? Il donne d'emblée cette citation de Cesare Pavese. « Pour que la gloire soit agréable, il faudrait que les morts ressuscitent, que les vieux rajeunissent, que reviennent ceux qui sont loin. » Mais la mer a ses flux et reflux, ses tempêtes, la vie s'impose à tous sans exception, sauf à verser dans l'illusion, la croyance magique des désirs enfantins.

L'interrogation sur la finitude de l'homme, sur la transmission entre les générations est bien traitée et intéressante. le jeune homme apprend pendant ce mois d'août le lent rétrécissement des choses, lui qui rêvait d'absolu « …que toute la vie, il serait possible de courir partout et de revenir. »

A sa façon, ce récit montre un monde en train de changer. Anne, présente dans la grande maison – la fille d'amis de la famille ?, ne répond pas immédiatement aux avances du jeune homme et en cela il en ressent une blessure d'orgueil. le personnage du récit est plutôt un traditionnel, comme semble l'être sa famille… Mais il est en pleine introspection et en passe d'évoluer ! le roman peut avoir ce pouvoir particulier de créer une zone incertaine où l'auteur et le lecteur sortent changés de l'expérience d'écriture ou de lecture.

J'ai beaucoup aimé l'originalité du récit et cette indéniable facilité de plume de Pierre Adrian lui permettant de peindre des tableaux de Bretagne si vivants qu'ils s'animent devant les yeux du lecteur. J'ai eu l'impression qu'il serait facile pour lui de rédiger dix pages sur une feuille tombant d'un arbre à l'automne sans perdre le lecteur... Sa belle écriture ciselée m'a impressionné. A trente ans passés, avec ce nouveau livre très personnel, il déploie un énorme talent.

Pierre Adrian est né en 1991. Après des études de journalisme, il part à 23 ans pour l'Italie sur les traces du grand poète et cinéaste Pier Paolo Pasolini, publiant alors La piste Pasolini (prix des Deux Magots et prix François-Mauriac) . Il s'intéresse ensuite à un curé de village dans la vallée d'Aspe, écrivant Des âmes simples (prix Roger Nimier). le livre suivant, Les bons garçons, s'inspire d'un fait divers en Italie, la mortelle aventure de deux amies. Avec ce nouveau livre, en écrivant avec ce « je », il parvient à parler de chacun de nous et cela m'a plu.

Je découvre un jeune auteur très prometteur. Avez-vous déjà ressenti cette impression de changer de regard sur la famille, le temps qui passe... après une lecture ?
*****
Toutes mes chroniques avec illustrations sur Bibliophile ou page Facebook clesbibliofeel. Lien direct avec l'article ci-dessous.
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
Commenter  J’apprécie          451
À son arrivée, la mer se retirait. « le jusant donnait à la plage une amplitude infinie. »

Pour quelle raison, arrivé au seuil de la trentaine, et après huit années à prendre ses congés ailleurs, notre narrateur revient-il passer ses jours de vacances dans la grande maison ?
Il fut un âge où il a voulu élargir son horizon, vivre des mois d'août différents. Un âge avec l'envie de fuir la famille. Pressentant que ces vacances familiales étaient menacées par le vieillissement inévitable des uns et des autres, il souhaite y retrouver le mois d'août de son enfance inscrit dans sa mémoire.
Nous le suivons en pays breton, dans un coin des abers. Côté mer, le décor oscille au gré des marées. Les bras de mer qui se remplissent à chaque marée montante cèdent la place à la vase au jusant. Côté terre, le gris du granit et la teinte plus chaleureuse des ajoncs.
Un vent continu, les nuages qui arrivent au galop dans un ciel si changeant. Une Bretagne à prendre comme elle est, avec ses journées dégagées ou capricieuses, sans désirer un beau temps uniforme.

La grande maison, c'est ce portail blanc, sa décoration intérieure d'antan, figée, qui en fait tout son charme. Mais les éléments qui évoluent chaque été entre ses murs changent et portent tous, un jour ou l'autre, la marque du temps qui fuit.
La grande maison, c'est aussi son placard en formica abritant le chocolat et les galettes bretonnes, son penty où gisent les vieux vélos et plus loin le vieux lavoir abandonné aux têtards.
Cette maison résonne encore du bruit des pas du grand-père disparu, là où les marches craquaient avant qu'il atteigne la cuisine afin de faire griller les tartines du petit-déjeuner.
Notre vacancier va retrouver le cercle familial, les enfants ont grandi, d'autres sont nés pendant son absence. C'est le cas de Jean qui a six ans et dont il se sentira proche. Ce dernier l'aidera à guérir de sa maladresse à l'égard des jeunes dont il a été éloigné.
La présence fragile, silencieuse et presque évanescente de la grand-mère symbolise le temps qui altère la vue, l'ouïe, la reconnaissance des siens. La rareté des paroles, les lenteurs, sont autant de signes des années qui se sont écoulées et filent, toujours.
La lecture comme accompagnement sur la plage, comme refuge, comme occupation les jours de pluie est une évidence pour chacun. Je trouve cela beau et rassurant.

Le roman alterne entre souvenirs d'enfance et évènements du quotidien, impressions de ces nouvelles journées d'août, journées simples qui ne différent pas les unes des autres, ou si imperceptiblement. Plage, lecture, siestes, discussions futiles ou plus sérieuses sur le sable ou au café du bourg occupent les heures insouciantes.

Une douceur mélancolique émane de ce texte parsemé de très belles réflexions poétiques sur le décor « le ciel explosait d'étoiles qu'on aurait voulu moissonner à l'épuisette.» « La mer shampouinait les récifs.»
Les souvenirs de tous ces étés qui affluent sont pour notre narrateur une révélation, ils le portent à saisir son appartenance à cette région.
L'angoisse de la fuite du temps est omniprésente. le plaisir d'un bon moment est systématiquement entaché à l'idée qu'il aura une fin. La nostalgie de ces étés perdus loin de l'aber le pousse cependant à tenter de savourer chaque minute de ce mois d'août. On sent que le narrateur a du mal à faire son deuil de tout ce qui ne reviendra pas.
Une analyse très mature résonne dans l'évocation de nombreux sujets dont la paternité, la religion, la famille, l'insouciance et la cruauté des enfants…

Une vie d'été racontée pour ne pas laisser disparaître tous ces moments forts passés en famille. Hélas, on ne revit pas à l'âge adulte un été d'enfance.
Merci à Babelio, aux éditions Gallimard pour ce Masse Critique bouleversant. Je partage beaucoup des points de vue éclairés du narrateur (de l'auteur ?). Pour être honnête je me suis retrouvée dans les angoisses de ce personnage à l'idée de toutes ces choses qui se terminent un jour et qui ne reviendront plus.
Commenter  J’apprécie          412





Lecteurs (1342) Voir plus



Quiz Voir plus

Que reviennent ceux qui sont loin

Pendant quel mois le narrateur retourne-t-il dans la grande maison familiale ?

Juillet
Août

12 questions
4 lecteurs ont répondu
Thème : Que reviennent ceux qui sont loin de Pierre AdrianCréer un quiz sur ce livre

{* *}