Citations sur Tout peut s'oublier (94)
On rêve d'une vie entière en bord de mer, en pleine campagne, dans un pays étranger et bien sûr ça en reste là. On reprend sa vie là où on l'a laissée. Et on tente de se convaincre qu'elle ne nous va pas si mal.
C'étaient des rêveries sans conséquence, comme en échaffaudent tous les touristes en vacances dans les lieux qui les éblouissent. On rêve d'une vie entière en bord de mer, en pleine campagne, dans un pays étranger et bien sûr ça en reste là. On reprend sa vie là où on l'a laissée. Et on tente de se convaincre qu'elle ne nous va pas si mal.
Elle était comme tout le monde. Face à la douleur, au désarroi et à l'échec, il lui fallait désigner des coupables. Et s'arranger avec sa propre conscience pour ne pas trop se haïr quand elle croisait son reflet dans un miroir.
Il se tourna vers Lise. Ça faisait déjà des mois qu’elle avait perdu son fils. Est-ce que la blessure se refermait ? Est-ce qu’on passait un jour à autre chose. Est-ce qu’on guérissait comme on guérit d’un chagrin d’amour ? Parce qu’il s’agissait bien de cela dans le fond. De perdre un être aimé alors qu’il était encore en vie. De le savoir quelque part, peut-être heureux, mais sans nous. D’être sorti de sa vie sans l’avoir désiré et de devoir en prendre acte.
De là-haut, la vue sur la mer intérieure et sa litanie d’îles intactes, totalement sauvages pour la plupart, était totalement démente. C’était presque trop. D’une beauté difficile à assimiler. Qui pouvait vous faire croire en Dieu si vous n’y preniez pas garde.
'Après tout la vie était comme ça. Les grandes joies se mêlaient aux chagrins les plus profonds. Les espoirs les plus fous à l'incertitude la plus absolue. On n'y pouvait rien. C'était le grand manège. Un foutu bordel. du grand n'importe quoi.
Chaque fois qu’il rentrait chez ses parents, Nathan guettait ce qui remontait à la surface. Faisait le compte de ce qui s’enfuyait. Dressait l’inventaire. L’odeur de la maison, celle de la rue et du jardin, la configuration inchangée des pièces, l’agencement des meubles. Chaque fois que ses parents procédaient à un réaménagement mineur, une réfection, un remplacement, il lui semblait que quelque chose s’envolait pour toujours, devenait définitivement inaccessible, perdu, oublié.
Elle était comme tout le monde. Face à la douleur, au désarroi et à l'échec, il lui fallait désigner des coupables. Et s'arranger avec sa propre conscience pour ne pas trop se haïr quand elle croisait son reflet dans un miroir.
Des jeunes femmes en kimono trottinaient le long du canal, se photographiaient sous les cerisiers, tandis que les touristes les mitraillaient avec leurs iPhones. Des mères se baladaient avec leurs enfants, qui s'arrêtaient tous les trois mètres pour regarder de plus près une fleur, un insecte, s'amuser de l'ours en peluche qui faisait mine de pêcher dans le canal. La vie passait. La vie continuait. Elle n'en avait rien à foutre de ses petits ou de ses grands malheurs. Rien à foutre de ses espoirs. Rien à foutre de ses angoisses.
Chez les Forsberg on ne parlait jamais de ce qui touchait de ce qui ébranlait vraiment. Ne pas évoquer un sujet brûlant, ou seulement par allusion, suffisait à en indiquer la gravité et la place qu'il occupait dans les pensées. Combien il pouvait bouleverser, indigner, attrister, inquiéter, blesser ou meurtrir.