Envers et contre tous

Chemin faisant, Carquefou, qui avait l’oeil à tout, fit passer dans sa poche une bourse d’une assez belle taille, et ronde à plaisir, qu’il avait vue sur une table.
– C’était une orpheline, offrons-lui un asile, dit-il.

- Monsieur, dit l’honnête valet en s’approchant de M. de Chaufontaine, j’ai les oreilles longues, ce qui fait que j’entends même quand je n’écoute pas…

- Eh ! l’ami, cria M. de la Guerche à un lansquenet, enfonce-t-on les portes de la ville ?
- Les coups pleuvent, répondit le soldat, mais elles tiennent bon ! Ces maudits bourgeois font un feu d’enfer du haut de leurs remparts !
- En avant ! dit Renaud.
- Comme c’est récréatif ! murmura Carquefou : les balles de nos amis dans le nez, et les balles de nos ennemis dans le dos !

Jean de Werth enveloppa le moine d’un regard perçant.
– Un pâté de venaison, flanqué de quatre bouteilles dérobées aux renégats de Magdebourg, vous ferait-il peur, mon Père ? reprit-il.
– Bien que mon habit m’ait fait rompre tout commerce avec les sensualités de ce monde, pour le service de la cause que nous défendons, vous par l’épée, moi par la parole, je me soumettrai à l’épreuve du pâté.
– Et à la tentation des bouteilles ?
– Oui, monseigneur.

Il n’y avait pas en ce moment dans toute l’Allemagne d’homme plus heureux que le seigneur Mathéus Orlscopp. Il avait tout à profusion, bonne table et cave abondante, lit bien chaud et bière fraîche, serviteurs nombreux empressés autour de lui, et gibier gras dans la forêt voisine, de l’or dans ses poches, des potences sur ses tours, et la protection d’un puissant seigneur qui avait besoin de lui. Et pour couronner cette existence fortunée, le plaisir délectable de tourmenter lentement et voluptueusement deux braves gentilshommes qu’il haïssait du plus profond de son âme ténébreuse.

J'ai acheté ce livre d'occasion, dans la collection Verso des éditions Poebus. Le premier tome, dans la même édition, avec préface de Michel Lebris, a pour titre Les coups d'épée de Monsieur de la Guerche. Les deux sont en vrai bon papier un peu jauni, et pages cousues. La couverture du deuxième tome reproduit un tableau de la collection Thyssen Bornemisza, "Falconers passing un farmhouse", de Philips Wouvermans. Il est difficile à trouver sous cette forme, et si on le trouve, c'est à des prix "usuriers". Mais en cherchant bien, on finit par y arriver ...
Je précise tout cela car je découvre avec horreur les nouvelles "éditions" sur le net, vite faites, mal faites, par qui veut, des pauvres livres qui, tombés dans le domaine public, sont devenus rares, et donc éventuellement recherchés.
Pour moi, et pour beaucoup d'autres, j'en suis sûre, le plaisir de lire tient aussi de l'objet livre que l'on a en main.

Voici la quatrième de couverture :
Où l'on retrouve le bouillant La Guerche (qui fut au temps d'Alexandre Dumas le rival de d'Artagnan), et la suite de ses tumultueuses aventures... Le voici, pour l'heure, aux côtés de son fidèle adversaire et ami, le huguenot Renaud de Chaufontaine, au siège de Magdebourg, pressé de se battre sous les couleurs du roi de Suède - et de s'affronter à ses ennemis de toujours, l'abominable Jean de Werth et son séide Matheus Orlscopp.
Nos deux amis réussiront-ils à franchir les remparts de la place forte ? Parviendront-ils à arracher leurs belles aux griffes des infâmes ? Mieux que jamais le chemin de l'aventure, où l'on défend son honneur et sa vie la rapière à la main, se trouve semé d'embûches : aubergistes fourbes, reîtres déguisés en capucins, geôles aux murs inviolables... Bref, la quintessence de la fiction aventureuse.
Une occasion de découvrir (ou de redécouvrir) le talentueux Amédée Achard, inventeur au siècle dernier de la formule "de cape et d'épée", et dont les romans menés tambour battant empêchaient Alexandre Dumas de dormir.
Une petite présentation de la collection Verso suit :
La littérature a aussi sa face cachée. Les livres qui nous importent appartiennent souvent à cet "autre côté" que notre prudence ignore. Il suffit pourtant d'y aller voir : l'émerveillement commence toujours de l'autre côté du miroir.

Il ne s'agit certainement pas de "grande littérature", mais du plaisir de lire, et il y a des moments dans la vie où il est bon de s'y réfugier.

À présent vous me verrez éternellement où vous serez, et si quelque jour, en punition de mes péchés, – hélas ! ils sont nombreux, – vous me chassiez de votre présence, j’irais je ne sais où, au pays des Indiens, je déclarerais la guerre aux Incas d’Amérique et je me ferais tuer dans quelque île barbare en criant votre nom aux sauvages de l’endroit.