[...] M. Hoghart est d'Irlande, est l'Irlande est un pays français, que le bon Dieu, par mégarde, a fait tomber dans la mer. C'est un point de géographie que je soutiendrai envers et contre tous.
Le souvenir de cette aventure resta dans la mémoire de Jacques. Le temps put en affaiblir les détails, mais l’ensemble demeura comme un point lumineux au fond de son cœur. Depuis le jour de sa rencontre avec l’étranger, il prit un goût plus vif aux choses de la guerre. Lorsqu’un escadron passait sur la route, bannière au vent et trompette en tête, il courait à sa suite aussi loin que ses jambes le pouvaient porter et fredonnait les fanfares pendant toute une semaine. Parfois aussi il lui arrivait d’enrégimenter les enfants du faubourg et de se livrer avec eux à un grand simulacre de bataille ou à quelque imitation de siège, qui finissait toujours par de furieuses mêlées où ses bras faisaient merveille ; tout enfant qu’il était, il se montrait déjà d’une adresse surprenante dans le maniement des armes, épée, sabre, hache, pique, dague, pistolet ou mousqueton. Les mots du marchand d’Arras : Si jamais tu t’enrôles, tu feras ton chemin, bourdonnaient toujours à ses oreilles ; mais nous devons ajouter qu’il n’y avait pas d’exercice, de revue, de combat et d’assaut que Jacques n’abandonnât volontiers pour suivre Mlle de Malzonvilliers, quand elle allait avec Claudine chercher des fraises dans les bois. Dans ces occasions, qui se renouvelaient tous les jours, le petit général soupirait de tout son cœur et demeurait tout interdit lorsque la main de Suzanne rencontrait sa main. La petite fille le faisait aller et venir à son gré, mais avec tant de grâce naturelle et d’un air si charmant, que Jacques serait parti pour le bout du monde sans délibérer, sur un signe de ses yeux bleus.
C'est une vilaine coutume que de courir au-devant du chagrin, qui se donne de son côté assez de peine pour venir jusqu'à nous.
- C'est une faute qu'a rachetée la victoire.
- Il ne s'agit pas de vaincre, il s'agit d'obéir. Si la voix des généraux est méconnue, que devient la discipline ? Et sans discipline, il n'y a pas d'armée.
- C'est la première fois que M. de Nancrais a vaincu sans ordre.
M. de Charny doit avoir, à l'heure qu'il est, se dit-il, rendu compte à mon magnifique cousin du résultat de notre poursuite. C'est un récit qui m'aura montré sous un point de vue tellement héroïque, que je ne saurais trop me hâter d'échapper à la reconnaissance de monseigneur le ministre. J'ai bien un tout petit prétexte à alléguer pour ma justification, mais avec un ministre de ce caractère, il faut avoir quatorze fois raison pour ne pas avoir tort : mon prétexte est insuffisant.
Déjà, à cette époque, Paris était la ville magique, le centre radieux qui sollicitait toutes les intelligences actives, les esprits audacieux, les imaginations inquiètes.