La liberté d'expression si chère à l'auteur est ici au coeur d'un court roman au rythme très alerte sur la période communiste en Roumanie et sur l'immédiat « après 1989 » (révolution ou coup d'État ?).
Si le rôle de l'intellectuel (ici le protagoniste est professeur à la faculté de journalisme) est précisément de dénoncer un régime totalitaire et répressif, la question est « à quel prix » ?
Magistrale concision d'un auteur qui est aussi poète et éditeur.
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Aussi petits que des allumettes, les gens foisonnaient, sur la place et dans les rues, comme dans une fourmilière mal construite. Ils semblaient être un troupeau sans maître, à la dérive. « Tout le pays est ainsi : un iceberg mis en isolement et qui se dégrade progressivement, lentement mais sûrement. Le temps s’est déréglé et n’a plus l’odeur de l’Histoire ». Il secoua la tête comme pris de convulsions : « Heureusement que j’ai fait ce qu’il fallait… » . Il avait l’impression de retourner directement d’un mariage royal à l’enterrement collectif d’une tribu médiévale suicidaire ».
(p. 14)
Il était revenu avec le désir de lutter contre tous ceux qui violaient de manière flagrante les droits de l’homme, le même désir qu’à son départ, mais à présent raffermi, renforcé. Était-ce le succès qui lui donnait cette immense confiance ou était-ce simplement le regard autour de lui qui suffisait à le motiver ?
Pour ce roman, je n’ai guère eu besoin de faire des recherches. J’ai tissé l’ombre du personnage principal durant un quart de siècle. Il était aussi réel que cette lune qui semble emballer les nuits blanches pour les offrir comme cadeaux le jour de la libération. Seules les jeunes fées et la peur des papillons disposent d’une totale liberté. L’arbre vit la tête dans les nuages et apporte la pluie. L’eau des puits s’agite par peur de la sécheresse, l’homme compte les trahisons sur un échiquier et rit : Que Dieu nous préserve de pire encore !
à propos d’une coupure de courant, pendant le régime de Ceaușescu :
– […] J’en ai marre ! On dirait que ce pays est maudit. Même en Russie cela n’arrive pas. C’est inadmissible.
(p. 29)
Je vivais dans un somnambulisme où le cauchemar était le bonheur suprême.