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Virgule

La langue de Samantha Barendson est simple, directe, presque factuelle. Elle colle à la réalité clinique de ce livre composé de "tableaux de coma". Chaque jour, la narratrice rend visite à son meilleur ami et se heurte au silence, à l'immobilisme. Les souvenirs remontent à la surface et Samantha Barendson tisse un portrait en creux de cet homme quasi absent. L'évocation de la complicité entre les deux protagonistes est réussie. Il est amitiés plus fortes que les liens du sang et qui sont peu explorées en littérature. À ce titre, ce livre est précieux. Le lecteur revient lui aussi au chevet du patient en espérant que quelque chose ait changé.
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Nuit

Après la lecture de Mer et brouillard et de Déplacer le silence, je reviens vers l’écriture si particulière et attachante d’Etel Adnan avec un de ses autres recueils, intitulé Nuit.



Dans ce court recueil publié en 2017 composé de textes en prose, je retrouve une écriture encore marquée par une recherche poétique et philosophique, une recherche sur le sens que nous entendons à la réalité et sur notre manière dont nous la concrétisons, jusque dans notre quotidien.



Il n’y pas chez Etel Adnan de recherche de grands principes, d’exposition de grandes considérations. Il n’y a pas chez elle de tentation à fixer du sens de manière définitive, comme le serait une sagesse prête à l’emploi. Etel Adnan sort des définitions et revendique un répit qui trouve son origine dans un détachement assumé.





« ma propre disparition suivit un nuage qui m’avait trouvée assise dans un jardin. »





Dans sa poésie, il y a comme quelque chose du désordre du monde qui apparaît, quelque chose qui touche à notre fragilité, une sensation qui ne dit pas son nom. Au travers de son regard, une certaine idée de la réalité apparaît, née de sa mémoire et de son imagination.





« J’ai pénétré une fois dans la mémoire de quelqu’un, je dis bien de quelqu’un, je dis bien à travers son cerveau, le siège de ses illuminations. C’était un lieu planté d’oliviers et d’équations mathématiques. À l’un de ces arbres était suspendue une peinture de Van Gogh. Le sol de cette maison de souvenirs avait jadis été le lit d’une rivière ayant déjà traversé le cerveau de quelqu’un d’autre. Mon cerveau est constitué de tout cela. »





Sans nécessairement verser dans l’émotion, Etel Adnan joue avec la nostalgie pour instiller du sensible dans la réalité. Sa pensée va et vient, entre doute et apaisement, une fatalité qui devient consentement.



« Chère âme, nous sommes en vie pour

un court instant

morts, pour un temps

infini »



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Déplacer le silence

Déplacer le silence (Shifting the silence), un très beau titre pour ce qui restera comme le dernier ouvrage de la grande poétesse Etel Adnan.



Etel Adnan a 95 ans quand elle en commence l'écriture de son livre. Au travers de courts paragraphes, elle s'attache à énumérer des impressions et des souvenirs de sa longue existence, en incluant une réflexion sur le vieillissement et l'approche de la fin de sa vie.



« Lorsque vous réalisez que vous êtes mortel, vous réalisez également l'immensité du futur. Vous tombez amoureux d'un temps que vous ne percevrez jamais »





Au gré des pages du livre, les textes révèlent l'ouverture d'esprit, la lucidité et la sensibilité d'Etel Adnan, qui était aussi une artiste-plasticienne reconnue. Son regard se portait naturellement vers le monde extérieur. La nature et l'amitié étaient pour elle comme les derniers refuges dans une société devenue incompréhensible.





« Je n'ai pas l'habitude de demander de l'aide, mais quelle est la nature du sol sous mes pieds ? Une incantation m'accorde enfin le repos, aux heures indues. Les yeux gonflés nous essayons de voir l'ici et le là-bas, jamais sûrs, toujours insatisfaits. Attendons, même sans savoir quoi ; une ligne pâle à l'horizon vaudra toujours mieux que ce vide. »





Dans ses réflexions, on voit combien sa relation au monde empruntait aux ressorts de l'intime pour atteindre une dimension cosmique. Dans un flux de conscience lumineuse et inquiète à la fois, elle interrogeait notre condition, ce qui donne sens à nos vies mortelles.

Sa pensée s'ouvre par endroits à la méditation, à l'illumination poétique et au souvenir. Si elle déplore la fin des utopies, la mort de Dieu, le dérèglement climatique, les pays en guerre, la radicalisation de la pensée ou encore l'intelligence artificielle capable d'écrire des poèmes… Elle sait se remémorer le génie des récits mythologiques, évoquer souvent la beauté de la Grèce, savourer le mouvement des vagues de la mer et les amitiés précieuses, s'étonner des expéditions scientifiques dans l'espace, etc.





« Je n'ai pas rêvé la nuit dernière, ni la nuit précédente, n'ai même pas dormi. J'ai contemplé les différentes nuances de la nuit, sa richesse infinie. de temps en temps il y avait des sons, la musique même de la nuit, éparse. Il y avait une certaine visibilité mais aucun objet particulier ne venait au premier plan. Je pouvais sentir les vagues, je percevais l'éclat particulier de l'obscurité. Il y avait aussi une épaisseur dans l'air. Des courants doux traversaient cet air, coulant à peine sur mes mains. Je sentais aussi que mon propre corps semblait flotter plus que le reste. Des débuts de visions, plus que d'idées, ont commencé à me traverser l'esprit. Toutes les nuances des ténèbres, au-delà de la couleur noire, occupaient l'espace. La nuit a continué, se répétant. »





Comme un testament à mi-chemin entre poésie et philosophie, Déplacer le silence est aussi le travail d'une vie, une écriture qui porte en elle son sens ultime. À lire ce très beau livre d'Etel Adnan, il semble que le silence se soit déplacé jusqu'à nous. Il nous reste à l'écouter.





« Je n'entends pas grand-chose car mon audition est mauvaise, et je salue cette forme de repos. J'ai besoin de nuits pour renverser mes jours, je veux me promener dans les forêts, courir dans des châteaux abandonnés, je veux voir des rivières cachées dans des vallées inattendues. Je veux que le soleil soit doux. »



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