Un incroyable hommage analytique et caustique pour dessiner un cinéma du corps mobile et du visage figé – qui éclaire notre époque d’un jour révélateur et paradoxal.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/05/07/note-de-lecture-poetique-de-tom-cruise-olivier-maillart/
Depuis le si décisif, essentiel même, « Pour Louis de Funès » de Valère Novarina, écrit en 1986 pour être incorporé en 1989 à son « Théâtre des paroles », il me semble que personne ne s’était attaqué avec un tel brio au sens intime et politique d’une figure majeure – et pourtant éventuellement joliment inattendue – de la pop culture. Non pas en tant que personne, acteur à ses heures, mais bien en tant que somme incarnée par l’ensemble (ou presque) de ses rôles au cinéma, par ce qu’ils projettent de variété, de convergence et de permanent travail en cours : c’est ce que me semble avoir tenté et réussi ici, en à peine 100 pages (mais « Pour Louis de Funès » en comptait tout juste 70), Olivier Maillart (dont le sainement et ludiquement investigatif « Énigmes, cinéma » de 2018 nous avait déjà tant réjouis) avec ce « Poétique de Tom Cruise » publié chez Marest en mars 2024.
Là où Valère Novarina consacrait son effort d’interprétation, en toute logique, au souffle et à la langue, et à ce que le corps de l’acteur en relaie et en intensifie (et que la lecture qu’en donnait par exemple un Dominique Pinon nous faisait réellement saisir), Olivier Maillart s’est – là aussi, fort logiquement – concentré sur le corps mobile et le visage figé (à d’infimes variations près) de l’acteur, pour nous entraîner du côté d’une machine burlesque paradoxale qui s’ancre en grande partie dans cette vallée de l’étrange, confrontation digne de Lautréamont entre le pas tout à fait humain et le presque mécanique, vallée chère à Sigmund Freud (« L’inquiétante étrangeté », 1919) et à Masahiro Mori (« La vallée de l’étrange », 1970). C’est peut-être de fait du côté du Pierre Senges de « Projectiles au sens propre » et de son élucidation de l’étonnant pouvoir comique (mais pas seulement, justement) de la tarte à la crème cinématographique que l’on trouvera un cousinage étonnamment pertinent pour cette enquête-ci : maniant à la perfection les degrés d’ambiguïté dans le ton caustique qu’il utilise, déroulant un fabuleux humour tongue in cheek, Olivier Maillart, reconstruisant sous nos yeux érudition et cinéphilie sous une forme différente, résout pour nous une sérieuse énigme qui s’étend bien au-delà du seul corps burlesque de Tom Cruise.
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