La masse actuelle de chômeurs a fait de chaque entreprise un Google. Des sociétés peu douées pour la séduction se trouvent maintenant en face d’une multiplicité de candidats bien qualifiés pour chaque poste vacant. C’est une très bonne chose pour les entreprises qui peuvent embaucher. Comme Google, elles peuvent choisir ceux qui sont les meilleurs dans leur spécialité. Ce n’est pas si agréable pour les postulants. Ils affrontent des procédures de sélection plus dures, plus discourtoises et plus invasives que jamais.
Selon Martin Shubik (1970), "le paradoxe du dilemme du prisonnier ne sera jamais résolu, s'il ne l'est déjà, car il n'existe pas". Il veut dire par là qu'un joueur rationnel opte nécessairement pour la défection dans un dilemme à un seul tour, et que le jeu démontre purement et simplement ce qu'il devait démontrer, à savoir que l'intérêt individuel peut mettre en péril l'intérêt collectif. Shubik comparait l'étonnement que suscitent les dilemmes sociaux à l'effarement qui saisit le commun des mortels lorsqu'ils apprennent qu'une plume et un morceau de plomb tombent à la même vitesse dans le vide. Le bon sens est mauvais conseiller : telle est la seule explication au fait que notre intuition ne nous prépare pas à ces phénomènes.
Pendant la guerre, von Neumann fut consultant auprès du service du matériel de la Marine. Souvent d'astreinte, il devait se tenir prêt à partir pour l'Angleterre sans délai. La stricte limite autorisée pour les bagages était d'autant plus réduite qu'il devait s'encombrer d'un encombrant casque anti-éclats. Préférant emporter à la place un des volumes de la Cambridge Medieval History, il retirait le casque de son sac déjà préparé et le remplaçait par le livre. Klara, de son côté, procédait consciencieusement à l'échange inverse. Ce petit jeu dura plusieurs mois, mais von Neumann finit par gagner la partie, et le moment venu, il embarqua avec l'histoire médiévale.
Selon une plaisanterie qui circulait à Princeton, von Neumann n'était pas un être humain mais un demi-dieu qui avait longtemps étudié les hommes et pouvait les imiter à la perfection. Pour bien prendre la mesure de cette plaisanterie, il faut se souvenir que von Neumann n'était pas le seul génie à fréquenter Princeton ; il y côtoyait notamment Einstein et Gödel.