De la croyance
Dire que croire, c’est vouloir, ce n’est pas dire qu’on croit ce qu’on veut. Personne, en effet, ne soutient que la croyance soit un acte de volonté arbitraire, et ne soit qu’un acte de volonté. Il faut des raisons à la croyance, comme il faut des motifs à la volonté. Croire pourtant, c’est vouloir, c’est-àdire s’arrêter à une idée, se décider à l’affirmer, la choisir entre plusieurs, la fixer comme définitive, non seulement pour notre pensée actuelle, mais pour toujours et pour toute pensée. C’est assurément faire autre chose que de se la représenter.
Il n’est pas aisé, de savoir exactement pourquoi le sens commun et les philosophes ont creusé un fossé entre la certitude et la croyance. Est-ce, comme on le dit quelquefois, parce que la croyance comporte une foule de degrés, tandis que la certitude est absolue ? Mais la croyance, au sens usuel comme au sens philosophique du mot, n’est-elle pas, en bien des cas, cette adhésion pleine, entière, absolue, sans aucun doute possible, qu’on appelle la certitude ?
La vérité réelle est l’accord, non de nos idées entre elles, mais de nos idées avec les choses. Or, il y a une nécessité analogue à la précédente, mais empirique, qui nous empêche de lier nos sensations autrement que d’une certaine manière. Si dissemblables qu’elles puissent être aux causes qui les provoquent, nos sensations, en tant que distinctes des images, en tant que données, se succèdent suivant un ordre qu’il ne nous appartient pas de modifier : nous le subissons sans le faire.
À première vue, l’évidence apparaît comme une propriété intrinsèque des choses ou des idées auxquelles on l’attribue. Quand on dit qu’une chose ou qu’une idée est évidente, on entend qu’elle l’est par elle-même, indépendamment de tout rapport avec notre esprit, et qu’elle ne cesserait pas de l’être alors même que nous cesserions de la connaître ou d’exister.
La certitude, dit-on encore, est fondée sur l’évidence, au lieu que la croyance ne repose que sur des probabilités. C’est une explication claire en apparence et dont beaucoup de personnes se contentent.
La vérité réelle est l’accord, non de nos idées entre elles, mais de nos idées avec les choses.