Il faut se taire
pour écouter le temps qui passe
Pour comprendre le mouvement des nuages
compter les herbes dans le pré
Pour sentir monter la nuit
le long de nos jambes
et soupirer la mer.
Lorsque ta main m'effleure
tu me traverses de part en part
plaine offerte
Tu me prolonges et me dis.
Je suis vivante
Blonde moiteur hissée jusqu'à l'aube,
cette enfance du jour à l'ourlet des nuages,
je la porte à tes yeux telle un pollen
et ne garde sur mes doigts que son ombre rose.
Déjà l'horizon s'étale comme un songe,
écume aux confins des vagues cramoisies,
Dans la conque de tes gestes je me mets en boule,
le ventre paisible, coquillage échoué.
Pétrie d'algues brunes et de laitance,
je cède à l'heureuse lourdeur du sommeil,
mon corps à ton corps pesamment lié,
en ce lieu de clameur où les mots se sont tus.
Je te donnerai ma vie quand je n'en aurai plus besoin
et tu la porteras au-delà de moi.
Sein gonflé, tendu vers l'échancrure frémissante de la mer.
Sein nu de déesse ou de femme transparente.
Traversé de nuages et de ciel indécis.
Sein tranquille, de tulle,
imperceptiblement.
Ligne rêche de la pierre saline qui sépare la plage de l'eau
la quiétude de la tempête,
le corps livré du corps menacé.
Sein de femme offert à la cambrure des vagues.
Sein de femme douce, par quelques fils retenu.
Abandonné aux gestes du vent,
à la salive iodée du large,
à la caresse muette des voiles,
aux brusqueries de l'orage.
Contre l'horizon luisent les carènes.
A l'aube,
une main d'homme détruira l'équilibre.
Silence attentif
Ne pas voir au-delà de toi
Ne jamais perdre de vue cet amour
qui ouvre sur l'univers entier
Je connais tant d'absences
qui sont des rencontres ratées.
A quelle distance se tenir
pour se protéger mais être ?
La vie est une passante silencieuse
et je la nomme
pour la retenir,
Elle se retourne,
étonnée.
Femme je m'offre à toi
telle que je suis
fragile et forte
avec ma peau douce
ma parole aimante
mes seins petits
la galbe de mon ventre qui a donné la vie
Femme dans la complicité de toi
attentive et tranquille
Et que viennent les mots
après le silence
tout chargé d'univers
des années pour arriver jusqu'à toi
ton insondable présence
Toi recroquevillé
feuille à naître.
Par l'écriture je te rejoins,
chemin de traverse entre les herbes froissées,
Sur cette route j'avance,
Je mets mon pas dans le tien.
Le soleil vient frapper nos ombres jumelles
de sa chaleur piquante.
Ton visage à moi tout offert
à qui sait le lire
quand il n'y a plus d'eau entre nos mains
Ne pas gaspiller la vie
Longer le corps de nos mains avides
comme un aveugle palpe un beau livre.