Trudi la naine reçoit le Prix des lecteurs 2010 - Discours d'Emmanuelle Collas
Le Prix des lecteurs du Livre de Poche a été attribué le 20 septembre à
Trudi la naine d'
Ursula Hegi (Galaade, 2007). Discours d'Emmanuelle Collas au Palais ...
oui, si elle avait le choix, elle préférait être une persécutée plutôt que d’être une persécutrice. Dans les deux cas, le prix à payer était terrible ; mais elle préférait encore subir l’humiliation et la peur plutôt que de devenir totalement insensible à ce qui faisait l’humain. (Chapitre 11, “1938”, p. 369).
Non, on ne peut pas faire ça, on ne peut pas comparer les souffrances. Ca ne fait que minimiser et déformer ce qui nous arrive. Il faut pouvoir dire : "Oui voilà ce qui m'est arrivé, et voilà comment je vais vivre avec."
Un matin d’hiver de 1934. Imaginez le givre sur les vitres de cette école de village sur le Rhin, des fleurs laiteuses de givre. Imaginez le froid glacé sur les nuques des garçons dans la salle de classe de Fraülein Jansen. Ressentez leur effroi parce que c’est aujourd’hui le premier anniversaire de l’incendie qui a détruit le siège du parlement de Berlin, un incendie qui a roussi leurs rêves dans un whouch de jaune et de rouge, déchiqueté et rapide, si rapide qu’on dirait un fouet, comme un vent chaud, qui s’agrippe aux poutres jusqu’à ce qu’elles s’affaissent.
Refuser son aide à quelqu'un qui vous la demande, découvrit M. Blau, était une chose bien plus terrible que de craindre pour sa propre vie
Ils étaient tombés d'accord pour dire que la pauvreté corrompent l'esprit des plus jeunes, qui grandissaient sans idéal.
Un mauvais poète, se dit Thekla. Il a échoué en tant que peintre. Il a essayé d’écrire un opéra car il voulait être un autre Wagner. Et maintenant ces rimes bourratives qui n’auraient jamais trouvé place dans l’anthologie d’Echtermeyer. En art, le sentimentalisme n’est pas seulement insincère mais impardonnable.
il fallait bien du courage aux rares personnes soucieuses de préserver le tissu de la vérité pour empêcher ses fibres de moisir sous la chape du silence et de la complicité que les gens, souvent avec les meilleures intentions du monde, posaient pour se protéger les uns des autres. (Chapitre 1, “1915-1918”, p. 36).
Vieille dame, elle verrait un jour, dans une revue, un article sur une grotte, avec des photos et un schéma montrant les nombreuses veines qui débouchaient dans cette grotte. Les unes menaient à d'autres veines, les autres se terminaient en cul-de-sac, d'autres enfin donnaient naissance à un nouveau réseau de chemins. Il en allait de même avec les histoires des personnes qu'elle avait connues depuis l'enfance : si tel ou tel incident de leur vie ne menait peut-être nulle part, d'autres en revanche menaient à de nouvelles veines, et le plus fascinant consistait à avoir une vue d'ensemble, à discerner la structure, la manière d'être, qui avait donné forme à tous les passages.
«Enfant, Trudi Montag croyait que chaque être humain savait ce qui se passait dans la tête des autres. C’était avant qu’elle comprenne en quoi sa différence faisait sa force. Et son angoisse.
Mais comment faire la différence entre une sainte enfermée et une folle enfermée?