Tim Flannery - Climate Change & How to Save the Planet
Comment l'Europe s'est-elle formée ? Pourquoi a-t-elle pris une telle importance dans le monde ? Il est heureux que les fossiles soient si nombreux en Europe. Les Européens nous ont aussi laissé une somme exceptionnellement riche d'observations sur la nature, des travaux d'Hérodote et de Pline à ceux des naturalistes anglais. C'est également en Europe que les investigations du passé lointain ont commencé. La première carte géologique, les premières études paléobiologiques et les premières reconstitutions de dinosaures ont toutes été faites en Europe.
Les Européens sont des hybrides apparus il y a environ 38 000 ans, lorsque des humains à peau sombre venant d'Afrique se sont mélangés avec les Néandertaliens à la peau claire et aux yeux bleus. Dès l'instant où ces premiers hybrides apparaissent, une culture dynamique émerge en Europe, qui compte au nombre de ses accomplissements la création des premières représentations picturales et figurines humaines, des premiers instruments de musique et les premières domestications d'animaux.
Quelle pourrait être une autre Europe ? Un nouveau concept de gestion humaine des systèmes naturels est en train d'émerger : le concept de "réensauvagement", c'est à dire la réimplantation de créatures sauvages disparues et la restauration de processus écologiques perdus. L'organisation Rewilding Europe (qui) a lancé d'importants programmes dans ce sens se concentre sur dix espaces, de la péninsule ibérique à la Roumanie, l'Italie et la Laponie.
Aujourd’hui, la vache n’est plus considérée comme un membre de la famille, mais comme une unité de production. Elle est souvent maltraitée, confinée à demeure dans le stand de sa laiterie mécanisée. Les mamelles de son ancêtre l’aurochs étaient si petites qu’elles étaient à peine visibles, même en période de lactation. Au cours de milliers d’années de sélection artificielle, les mamelles de la vache laitière sont devenues si grosses que leur poids fait flancher les pattes du pauvre animal. Ces bovins sont sujets à la mammite, une maladie potentiellement mortelle. Valait-il vraiment la peine de revenir sur l’accord que nous avons conclu pour la première fois il y a des milliers d’années pour un verre de lait à prix cassé ?
La tentative de réensauvagement de Heck met en lumière un fait très important : les Européens sont maintenant les artisans de leur paysage. Leurs désirs modèlent la terre. S’ils sont toxiques et dangereux, la nature en portera la trace. Les Européens façonnent leur environnement, et ils ne peuvent se soustraire à cette responsabilité, car même une absence de gestion a de profondes conséquences.
Peut-être en viendrons-nous, avec le temps, à valoriser de nombreux hybrides et à nous persuader qu’il ne peut y avoir de concept plus dangereux que l’idée de pureté raciale ou génétique
Les populations européennes de carnivores, de grands herbivores et de charognards sont aujourd’hui en meilleure santé qu’elles ne l’ont été depuis au moins 500 ans. Malgré ses 741 millions d’habitants, l’Europe redevient un lieu sauvage et passionnant sur le plan environnemental. Mais alors que certaines des bêtes sauvages de l’Europe ancienne sont en cours de résurrection, l’Europe « sauvage » familière des haies et des champs, célébrée dans les œuvres de Beatrix Potter, est en souffrance
Qu'est-ce donc que l'Europe, et qu'est-ce que cela signifie, être Européen ? D'un point de vue géographique, l'Europe contemporaine n'est pas un continent. C'est un appendice, une péninsule bordée d'îles qui se projette dans l'Atlantique à l'extrémité occidentale de l'Eurasie. Dans une histoire naturelle, la meilleure définition qu'on puisse donner de l'Europe s'appuie sur l'histoire de ses roches. Ainsi conceptualisée, l'Europe s'étend de l'Irlande à l'ouest au Caucase à l'est, du Svalbard au nord à Gibraltar et à la Syrie au sud. Selon cette définition, la Turquie fait partie de l'Europe, mais pas Israël : les roches de la Turquie partagent une histoire commune avec le reste de l'Europe, tandis que les roches israéliennes se rattachent à l'Afrique.
Le plus bizarre de tous est Anisodon, à la fin du Miocène. Il mesure environ 1,5 mètre de haut au garrot et pèse près de 600 kilogrammes. Sa tête chevaline est perchée au sommet d’un long cou qui fait penser à celui d’un okapi. Le corps est porté par des membres antérieurs longs et solides et des membres postérieurs plus courts, ce qui donne à son dos une pente inclinée semblable à celle du gorille. Anisodon a d’ailleurs une démarche similaire à celle d’un grand singe : il marche sur ses articulations, en rabattant ses doigts vers l’intérieur pour protéger ses griffes pointues. Il se nourrit de feuillages et de graines, de fruits et de noix aux coquilles si dures qu’elles usent les dents de l’animal à un degré extraordinaire. D’un point de vue écologique, Anisodon est la réponse européenne aux paresseux terrestres de l’Amérique du Sud et aux gorilles africains.
Certains pensent que l’homme ne devrait pas chercher à guider l’évolution des écosystèmes des nouvelles terres sauvages d’Europe. Peut-être imaginent-ils qu’elles retourneront d’elles-mêmes à un état primitif et désirable. Mais il est déjà clair que tel ne sera pas le cas