"On aime le livre" de Sylvie GRANOTIER - "Personne n'en saura rien"
"Le chagrin, c'est grelotter de froid quand le soleil remplit les terrasses."
- Tout le monde parle de lui comme d'un blagueur.
- Ça n'empêche. Les blagueurs ne sont pas forcément des joyeux.
(p. 210)
C'est l'angoisse de la solitude sans recours qui étreint le petit enfant dans le noir, le malade dans sa souffrance, le fou dans l'incompréhension, celle qui nous surprend aux détours de la vie, petit mouchoir agité au nez des hommes pour leur rappeler qu'ils sont seuls et mortels et qu'ils devront se rendre un jour ou l'autre. (p. 91)
L'enfance de Myriam [au Gabon] se résume à la proximité des corps, sensations plutôt que souvenirs. Le rythme du pas de sa mère décolle son ventre de bébé du dos protecteur, puis l'y recolle en ventouse. Le corps n'est jamais enfermé dans le froid de la solitude, il est posé sous le bras, écrasé contre la poitrine, manié par les grandes mains, contact permanent de la chair tiède, souffle de la respiration, un coeur marquant le tempo de l'autre, palpitation grouillante des organes, ronronnement du ventre, éclats des voix, des rires. Jamais séparée, la petite fille est toujours reliée à une autre vie. (p. 113)
- Où est la voiture de Paul ?
Il avait complètement oublié. Le conflit avec Dufour était passé en phase active.
Elle reprit aussitôt :
-C’est pas grave, mon chéri, avec tout le travail que tu as. De toute façon, ils vont encore être trop gâtés.
Dans cette époque paranoïaque où chacun se croit l'objet d'une surveillance machinale et systématique, il suffit d'être démuni pour rester invisible. Sans portable, ni carte de crédit ou de transport, les pauvres sont intraçables. (p. 214)
Je fais comme si [ce viol] était arrivé à quelqu'un d'autre tout en sachant que c'est à moi que c'est arrivé. Mais une chose est sûre : ce type-là ne détruira pas ma vie. Même, il ne l'affectera pas. La seule idée qu'un type comme lui puisse déterminer mon destin m'est insupportable. Je dois rester à distance ! Sinon je replongerai dans son monde dégueulasse où je n'ai rien à faire. (p. 27)
Il obéit , s'installe à la grande table en acier poli , sursaute , comme une chochotte , au contact du métal .
Ne me croyez pas cynique . Je suis pris dans un étau impossible à desserrer.
Irène détestait les églises qui lui rappelaient les bonnes soeurs du pensionnat de son enfance.
"Comment peut-on contraindre les gens à vivre avec l'image d'un supplicié ? On était des petites filles, et on devait dormir sous la représentation d'un homme cloué à deux poteaux de bois, des épines enfoncées dans le crâne, dégoulinant de sang."
(p. 150)