Ce mois de mai 2024, le président chinois Xi Jinping est en visite officielle pour deux jours en France. Lors de la réception organisée à l'Élysée par Emmanuel Macron en compagnie de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, les discussions ont notamment porté sur le commerce et la diplomatie.
Pour comprendre l'économie chinoise et pour décrypter et l'intérêt qu'elle suscite en France et en Europe, Guillaume Erner reçoit deux invités :
David Baverez, investisseur installé depuis 2012 à Hong Kong
Sylvie Bermann, diplomate française et ambassadrice de France en Chine entre 2011 et 2014
#chinese #économie #geopolitique
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Des grandes puissances en totale autarcie sont plus dangereuses que des pays ouverts. Rien ne serait pire qu’une nouvelle grande muraille ou un rideau de fer étanches derrière lesquels bouillonneraient les ressentiments contre l’Occident, favorisant un ultranationalisme mortifère partagé par les jeunes générations.
Années intenses qui ont coïncidé aussi avec l'élargissement aux dix nouveaux membres de l'est de l'Europe , qui a marqué entre autre la fin de toute ouverture ou stratégie vis-à-vis de la Russie.
(p.13)
Une fois le procès terminé, la Révolution culturelle soldée, l'héritage de Mao tranché - bon à 70% mauvais à 30% - sur le modèle du jugement de Krouchtchev sur Staline - les Chinois ses sont désinteressés de la politique et se sont lancés dans une entreprise d'enrichissement individuel et collectif selon le mot d'ordre de Guizot.(...) La période était au pragmatisme et à l'empirisme, concepts traduits en une formule imagée : "Peu importe qu'un chat soit noir ou blanc, pourvu qu'il attrape la souris."
(p.67)
Le KGB était omniprésent. Il suivait les faits et gestes de chacun. Les internalistes, les spécialistes de la politique intérieure dans les chancelleries diplomatiques , qui entretenaient des liens avec les dissidents ou des personnalités critiques du régime, étaient les cibles de manoeuvres de harcèlement, mesquines mais signées: pneus crevés en hiver, petits vols d'objets favoris sans valeur marchande . Juste pour dire "Nous sommes là, nous sommes passés et nous pouvons revenir quand bon nous semblera."
(p.97)
La courtoisie et la capacité à se mettre à la place de l'autre pour comprendre ce qui est acceptable pour lui sont un élément-clé de la réussite.
(pp.126-127)
Le président Chirac commencait généralement par dire à ses interlocuteurs
qu'il adorait leur pays et que les femmes y étaient très belles...Son énergie et son appétit étaient proverbiaux. Il exprimait le souhait, à chaque séjour à New York, de déjeuner dans un excellent steak house qui sert des pièces de boeuf de pas moins de huit cents grammes. Moins de deux heures plus tard, dans son avion en partance pour Paris, il dévorait un plat de charcuteries.
(p.142)
J'aimais cette ville pour sa démesure et sa vitalité . Vivre à Manhattan est un privilège envié au Quai d'Orsay en dépit d'un travail chronophage. J'étais grisée par le sentiment d'appartenance à New York, où je me sentais de plus en plus ancrée et où je vivais intensément le retour des saisons. Je fredonnais souvent la chanson culte de Barbara Streisand: "I am in a New York state of mind". J'ai toujours trouvé exaltant d'être pleinement chez moi , dans deux maisons sur des continents différents. C'est la compensation du déracinement et de l'éloignement qui sont l'essence de notre métier.
(P.151)
En quelques mois, le nouveau secrétaire général (Xi), qui détient plus de pouvoirs que ses prédecesseurs; a cessé d'être le primus inter pares d'un système collégial pour devenir le seul empereur de Chine, le troisième dans la dynastie communiste, après Mao et Denxiaoping. (...) Reviendront les pratiques oubliées comme l'autocritique forcée et le culte de la personnalité avec l'inscription de la pensée de Xi, tel le rêve chinois dans la constitution et l'étude de ses discours. S'ajoute une intolérance, même pas à la contestation, mais à la dissonance.
(P.225)
Xi Jinping, comme bien des dirigeants chinois de sa génération, a été traumatisé par la chute de l'Union Soviétique.
(P.227)
Les Chinois nous considèrent comme des romantiques. Ils sont pragmatiques.
(pp.230-231)
J'avoue qu'échaudée par le résultat du référendum sur le Brexit, j'ai été moins surprise de la victoire de Donald Trump. C'était un autre domino qui témoignait de la crise profonde des démocraties représentatives, l'entrée dans l'ère du populisme et du mensonge.
(P.261)
Vladimir Poutine entend restaurer la grandeur de la Russie, mais il n'aime pas la révolution et déteste Lénine (...) On prête à Poutine la volonté de retirer le mausolée de Lénine de l'enceinte du Kremlin.
p.273)
Vladimir Poutine entend s'inscrire aujourd'hui dans la lignée des grands tsars, depuis Ivan le Terrible jusqu'au tsar rouge, Staline, en passant par Pierre le Grand et Catherine II. Il a en ligne de mire la restauration de l'Empire russe et non celui de l'Union Soviétique.
(P.280)
La conviction de beaucoup dans ce pays-continent, le plus vaste du monde, s'étendant sur onze fuseaux horaires, était la nécessité d'un leader fort, un Vojd, un guide.
(p.284)
Homo Sovieticus et guébiste, Vladimir Poutine ne croit qu'à la puissance militaire. (Guébiste : membre du GPU (?), successeur de le Tcheka et du NKVD, prédecesseurs du KGB puis du FSB actuel)
(p.289)
Le sourire de Marylin et les yeux de Caligula.
(p.250)
Il racontait aussi souvent comment, alors qu'il était ambassadeur de France au Cambodge, des dames du palais avaient débarqué un beau jour à l'ambassade de France pour lui poser une série de questions sur son mode de vie et sa famille avant de l'informer que le prince Norodom Shihanouk et la princesse Monique avaient décidé que deux de leurs fils lui seraient confiés pour une période de deux ans. Et le prince de plaisanter des années après sur l'éducation dispensée, l'un des fils étant devenu Khmer rouge.
(p.65)
À cette occasion, un des responsables de Mémorial à Saint-Pétersbourg m’avait expliqué le fonctionnement de la désinformation : une fausse nouvelle, même démentie par les faits, restera toujours dans l’air comme une alternative possible et continuera de créer la confusion.
Pendant mon séjour, j’ai interrogé inlassablement mes interlocuteurs pour comprendre ce qu’il s’était passé depuis mon départ d’Union soviétique en 1989, lorsqu’Eltsine suscitait les espoirs d’un changement. Je comparais avec la Chine, rappelant l’état de délabrement à la fin de la Révolution culturelle et surtout la fermeture des écoles et des universités pendant presque dix ans alors qu’aujourd’hui, la Chine est en avance sur le plan technologique, avec Huawei et la 5G. La Russie avait les meilleurs ingénieurs, des génies mathématiques dont Eugène Kaspersky, expert mondialement reconnu de cybersécurité qui a étudié à l’université (d’excellence) des Mathématiques du KGB, et une recherche spatiale de haut niveau. Je n’ai jamais obtenu de réponse convaincante à cette énigme.
Nous avons également organisé à Paris en février 2007, avec l’Unicef, une conférence sur les enfants soldats visant à interdire leur recrutement dans des conflits armés. Les « principes de Paris » ont été adoptés par cinquante-huit pays. Je me souviens du témoignage déchirant d’Ishmael Beah, ancien enfant soldat libérien, qui racontait comment il avait été enlevé à l’âge de treize ans, conditionné à haïr et à renier ses parents. Il a expliqué que pour lui, à l’époque, « tuer était comme boire un verre d’eau ». Il s’était depuis engagé dans une campagne de dénonciation et de prévention du phénomène.
Vladimir Poutine entend s’inscrire aujourd’hui dans la lignée des grands tsars, depuis Ivan le Terrible jusqu’au tsar rouge, Staline, en passant par Pierre le Grand et Catherine II. Il a en ligne de mire la restauration de l’Empire russe et non celle de l’Union soviétique. L’une de ses formules est très révélatrice à cet égard : « Quiconque ne regrette pas la disparition de l’Union soviétique n’a pas de cœur, quiconque veut la restaurer n’a pas de cervelle. »
C’est là que se situe la problématique ukrainienne.
La dichotomie était forte entre l’administration, composée pour beaucoup d’apparatchiks, et la société civile. Et si l’homme rouge est mort, selon la formule de Svetlana Alexievitch1, prix Nobel résidant à Minsk et opposante au pouvoir de Loukachenko, l’Homo sovieticus est bien vivant. Il l’est dans les strates du pouvoir, chez les oligarques mais aussi chez beaucoup de gens simples, dans cette génération qui a grandi et été éduquée en URSS, des trentenaires au moment de la dislocation. J’ai beaucoup entendu cette remarque : en réalité, je suis un Soviétique. Et cela n’a rien à voir avec l’idéologie communiste mais plutôt avec une certaine fierté liée à la puissance du pays. Vladimir Poutine est le premier d’entre eux.
La conviction de beaucoup dans ce pays-continent, le plus vaste du monde, s’étendant sur onze fuseaux horaires, était la nécessité d’un leader fort, un Vojd, un guide. C’est ce que m’avait dit le talentueux réalisateur des Yeux noirs et du Barbier de Sibérie, Nikita Mikhalkov, devenu dans une seconde vie influenceur et propagandiste de Poutine. Il fallait un « vrai homme » (nastaichi tchelaviek) qui s’était confronté à la nature. Les mises en scène viriles de Poutine campant au fin fond de la Sibérie avec son ami Sergueï Choïgou, ministre de la Défense, la chevauchée torse nu, la main sur le cou d’un tigre, la pêche miraculeuse aux amphores dans le lac Baïkal participaient de ce mythe.