Après un dédale de vallées et de crêtes, nous atteignons Kamba-Soundo, le confluent des deux branches supérieures du Raga-tsangpo. Au loin, dans l’Ouest se dresse le puissant massif neigeux de Tchomo-Outchong.
Une nouvelle journée de marche puis nous arrivons à Raga-tasam, station [à 4.948 mètres] de la grande route de Lhasa à Leh. A peine installé, les deux représentants du gouvernement tibétain dans ce village demandent à me parler. Ils se montrent très courtois et fort prévenants ; en revanche ils manifestent le dessein arrêté de ne pas me laisser désormais m’écarter de la route qui m’a été fixée.
Pas facile, le col de Marsimik que nous escaladons ensuite.
Au début de l’ascension, toutes les cinq minutes, les chevaux s’arrêtent essoufflés ; plus haut à grand’ peine ils peuvent avancer ; toutes les minutes ils sont obligés de se reposer. Avec cela 30 centimètres de neige !
Lorsque le soleil perce les nuages, il brûle, mais vient-il à se voiler, c’est un froid cuisant.
De tous les côtés, de la surface ondulée du désert émergent des vestiges d’habitations admirablement conservés. Nous avançons, et d’autres ruines apparaissent encore. Les mythes légendaires des indigènes deviennent une réalité ; un passé vieux de dix siècles renaît devant nous. (p. 112-113, Chapitre 5, “Seconde traversée du Taklamakan. (…)”).
Pour l’Européen, chaque point cardinal possède un tropisme propre. L’ouest a valeur de rupture et de recommencements, c’est « l’ouest au-delà des mers » qui dicte leurs conquêtes aux Vikings, conquistadors et autres cow-boys. Le nord a pour figure le Grand Nord, l’Hyperborée des Anciens, Age d’Or en état d’hibernation quand le sud exprime, comme un printemps sacré, la vitalité toujours recommencée du monde. L’est demeure l’Orient, une origine : le levant des peuples déferlant à travers les steppes et les plaines, la source d’un fleuve d’hommes et de langues qui a l’Europe pour delta. (p. 3-4, Préface de François Graveline).
Du sommet d’une dune, encore une fois nous examinons avec attention l’horizon. Pas la moindre tache sombre dans cette immensité jaune ! Pas un tamaris en vue ! Toujours la mer de sable infinie, gonflée de hautes ondulations rigides. (p. 58, Chapitre 2, “A travers le Taklamakan. (…)”).
Une fois les bêtes chargées, le convoi s’achemine vers l’est, tandis que j’essaie sur le lac mon canot démontable. En présence du succès de cette première navigation, le lendemain, je résolus de continuer l’expérience et de pousser jusqu’à l’extrémité orientale du lac où je donne rendez-vous à la caravane. Comme rameur, j’emmène Rehim-Ali. Le temps est magnifique ; dans ces conditions, au moment de pousser de terre, je décide de traverser d’abord le Lighten du nord au sud, afin de mesurer sa largeur et sa profondeur ; après cela seulement, je ferai route dans l’est. Pas un nuage, pas un souffle de vent ; l’eau est immobile, blanche et lourde ; on dirait un bain de mercure.