"L'ennemi est parmi nous ! Il brûle nos maisons et tue nos enfants ! PAR LE SANG ! PAR LE FEU ! PAR LE FER ! ET PAR LE FEU ! PAR LE SANG ! PAR LE FER ! ET PAR LE FEU ! "
Bellorum regardait la forme qui lui faisait face avec un mélange de dégoût, de mépris et de rage. C'était là l'incarnation de tout ce qu'il détestait en Haute-Froidurie et dans sa région. Des abominations de la nature, de la superstition, de la sorcellerie et des monstres qui faisaient chavirer l'équilibre d'un univers rationnel.
Il avait l'intention de s'amuser, mais il avait appris à ne pas sous-estimer ce qu'il avait en face de lui comme il l'avait fait dans sa précédente campagne contre la Haute-Froidurie. Et, cette fois, la reine barbare se tenait prête à l'affronter, avec l'ensemble de ses abominations de la nature ralliées à son Alliance.
Elle devait défendre sa terre et son peuple ! C'était son rôle et le sens de sa vie. Trahir leur confiance, même confrontée à des défis impossibles, serait la plus terribles des félonies. Et surtout, elle était la fille de son père, elle devait tenir bon avec ses gardes royaux pour donner à la colonne de réfugiés au moins une chance de s'échapper. Ou elle devrait mourir en essayant. Malgré tout, la terrible responsabilité que tout cela représentait la faisait trembler. Pour la première fois dans sa jeune vie comblée, elle se surprit soudain à envier les autres jeunes filles de son age ; jeunes paysannes, ou filles de riches marchands , ou d'artisans. Tout ce dont elles avaient à s'occuper, c'était d'elles-mêmes et de leur famille proche. Est-ce que leur jeunes épaules, à elles, seraient assez fortes pour porter le poids de tout un pays ?
Son nom à rallonge ne gênait en rien Thirrin Laffranchi Brasdefer Bouclier-du-Tilleul. A treize ans, plutôt grande pour son age, elle montait à cheval aussi bien que le meilleur soldat de son père. Elle était, accessoirement, la princesse héritière du Royaume de Haute-Froidurie. Son précepteur aurait ajouté qu'elle sait être attentive quand elle le voulait bien, intelligente quand elle s'en donnait la peine et qu'elle avait le même caractère. Il n'y avait pas grand monde pour la comparer à sa mère, morte en la mettant au monde. Mais ceux qui se rappelaient cette fière jeune femme d'origine hypolitaine disaient que Thirrin était sa copie conforme.
(...) deux silhouettes siégeaient à présent sur les trônes cramoisis. Elles étaient toutes deux pales et minces et, bien qu'elles fussent assise, Thirrin pouvait voir qu'elles étaient de hautes taille. Elles avaient été autrefois celles d'un homme et d'une femme, mais avaient maintenant cette beauté terrible, artificielle, qui les privait de toute apparence humaine. Toutes deux avaient une peau blanche comme neige et leur lèvres rouges sombres étaient humides, comme du foie cru.
Le bruit était terrifiant. Des soldats blessés hurlaient, tandis que des sorcières devaient crier pour communiquer entres elles. Mais le pire, c'était encore l'odeur : celle du sang et des chairs dénudés et puis, par-dessus tout, celles de l'urine et des excréments de soldats à qui une douleur et une peur inimaginables faisaient perdre tout contrôle de leur corps.
Tarquinus fit alors avancer son cheval de quelques pas et, debout, dans ses étriers, il cria "Veni, vidi, vici", la phrase traditionnelle proclamée au début de chacune des nombreuses invasions menées par l'Empire.
Theowin eut un sourire farouche.
-Je suis venu, j'ai, j'ai vaincu, hein? dit-elle en traduisant les mots pour elle-même.
Alors retiens cette leçon, mon cher garçon : le gouvernement civil montre peu d'enthousiasme pour les actions militaires coûteuses, et ces gens s'en prennent aux stratèges et tacticiens avec beaucoup de verve tant que la victoire n'es pas assurée, après quoi, ils deviennent vos plus ardents supporters et alliés.
-Hé, toi, Mekhmet, espèce de cul velu, ça va comme tu veux ?