En juin 1940, comme des milliers de Français, une famille fuit son village d’Argonne. Quatre-vingts ans plus tard, tandis que l’auteur refait ce voyage jusqu’à un village de l’Aube où sa grand-mère fut tuée par le mitraillage d’un avion allemand, les souvenirs affluent. Son père, paysan et menuisier comme ses ancêtres enracinés au seuil de la grande forêt, sa mère qui divague, les voisins, les maisons, la guerre qui plusieurs fois en un siècle fit passer le fer et les flammes sur cette terre des confins de Champagne et de Lorraine… Stéphane Émond, qui a quitté son pays et fait sa vie ailleurs, loin des outils du père, au milieu des livres, recueille l’histoire universelle des siens, tantôt sévère, tantôt riante, toujours laborieuse, et l’unit dans ce récit aux champs, aux arbres, aux rivières, à la terre où ils reposent.
« Le ciel est d’un bleu intrépide , bravache, il tend son orgueil , drapé dans ses plus beaux atours.
La rosée fait scintiller une myriade de perles d’eau dans les hautes herbes . En y glissant la main on pourrait laver le visage des enfants » .
« L’expérience dans laquelle continuent de s’alimenter nos dispositions les plus déterminantes et qui ne cesse de fournir ses motifs à la conversation qui fait le bruit de l’âme de la nation , c’est la défaite de juin 40.
Nous ne nous en sommes jamais remis » .
PIERRE MANENT , Situation de la France .
Mais il fallait être jeune et innocent pour s'imaginer qu'en gagnant la grande ville et en rompant la lignée des artisans-éleveurs, l'histoire, la toute petite comme la grande, ne me reviendrait pas en plein visage.