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Citations de Solange Bied-Charreton (36)


Ensemble ils avaient eu des désirs d’ailleurs, mais ce n’était jamais un ailleurs misérable. Le dénuement pour vivre mieux, pas pour mourir. La vie dans des huttes, si l’on voulait, mais dans une ambiance détente, où ne se trouverait aucun clochard. Ils auraient eu peur de rencontrer de vrais pauvres. Enseignante en banlieue nord, Noémie en fréquentait pourtant tous les jours, mais c’étaient des pauvres accessibles, qu’on aimait instruire, issus de la diversité, et qui l’enrichissaient de leurs différences. Avec les autres, on ne savait pas, c’était trop loin, ils avaient sans doute des maladies, des bras en moins. Ce loin pourtant qu’ils chérissaient se devait de comporter des dangers, des surprises. Ils s’y préparaient pour quand ils se décideraient à franchir le pas, aller là-bas, à l’autre bout de la Terre, sans savoir où.
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 A l'emmurement de l'histoire dans l'agitation du présent des villes, à ma propre sève handicapée dans des préoccupations logistiques, empêchée dans des activités professionnelles, aux chômages et aux trains de vie qui oeuvraient pour ma désertion. L'alcool du vide puis la recherche du plein, sans l'atteindre, m'ont fait tourner de l'oeil. C'était n'être que somnambule, narcoleptique peut-être. Ce n'était pas être vivant. Je n'ai rien cru ou personne, j'ai simplement aimé ma demeure hors la vie et la souffrance que ça faisait, cette joie souffrante malgré tout de s'en rendre compte. 
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out s'éclairait soudain, sans que je n'y puisse rien changer. Le loisir se mêlait au travail, le loisir exigeait du travail, tandis que le travail était un nouveau loisir. Le travail était aussi divertissant que le loisir exigeant. Travail et loisir étaient, au fond, la même chose. Nous passions notre temps à nous amuser à gagner de l'argent.Nous nous amusions, nous cherchions à nous amuser toujours plus.
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Si elle m'avait confié son nom de famille, j'aurais pu la retrouver sur ShowYou, avoir accès à ses photos de profil et surtout lui envoyer une demande de mise en relation. Nous aurions pu converser sur le chat, connaître déjà nos passions, nos couleurs favorites, [...]. Elle aurait pu savoir, bien avant notre rendez-vous, que je ne fumais pas et que je ne me droguais pas. [...] que je pensais qu'il fallait tout se dire, dans un couple ; que j'avais lu Les Mille et Une Nuits en version abrégée ; que je voulais trois enfants, mais pas tout de suite.
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Anne-Laure Bagnolet, vingt-deux ans, parisienne, n'était pas inscrite sur ShowYou ? [...] Pourquoi ne pas vouloir exister sur internet ? Comment assumait-elle au quotidien les railleries ou la mise à l'écart dans sa vie sociale, à la fac, au sein de son groupe de musique ?
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A peine arrivé chez moi, j'allumais l'ordinateur, je dînais devant, j'y restais jusqu'à tomber de sommeil.
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L’âge adulte leur avait ouvert de nouvelles perspectives. Ils se targuaient d’avoir su intégrer autant d’automatismes en si peu de temps, de ne plus se griser du moindre jour de chance. Chaque année, Ivan et Noémie prenaient du galon, ce qui avait été exceptionnellement accordé hier était devenu un acquis. L’émotion gravitait, brûlante puis anodine. À présent ils évitaient de s’émerveiller pour rien. Car tout était normal, ils devenaient sérieux. Une manière d’accepter qu’ils ne compteraient pas, aussi bien qu’ils mourraient oubliés. Ils acquiesçaient difficilement, ils n’étaient pas armés pour sortir de l’histoire. Ils n’y étaient pas entrés mais c’était la même chose.
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« Ce tas de cendres, c’était eux-mêmes, et ils se regardaient bien en face dans le miroir, et longuement chacun, Hortense, Lucile, Alex, avec l’effroi de vivre, l’effroi d’être finis, décombres parmi les décombres. » (p. 269)
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« Sur le pas de la porte, […] je me rapprochai de lui et l’embrassai. Il accepta ce baiser sans tout à fait me le rendre, comme il accepta cette relation, sa nudité, son inutilité. Il accepta de compter pour moi, il accepta d’entrer dans ma vie. Il accepta de ne pas être l’acteur de cette configuration, et d’en être le spectateur. Il le fut jusqu’au bout, à la naissance de notre fils, et jusqu’à la rupture, qu’il accepta aussi de très bonne grâce. Jusqu’à l’étrange accord qui nous lie à présent, l’entente autour d’Erling. Il accepte mon pardon, accepte cette affection, cette amitié particulière. Il aura, très longtemps, assisté à sa vie. »
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Trois années ont passé, cela paraît à la fois une éternité, une vie entière - vie du couple achevée, aux corps éparpillés, aux promesses spectrales - et un instant seulement, tant nous sommes les mêmes. Aucune exaltation n'étreint plus nos échanges, tous nos mots sont vidés. Nous sommes emmurés malgré nous dans cet instant et en ces quatre murs.
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J'aurais voulu savoir si je comptais pour lui, si la fascination qu'il exerçait sur moi était réciproque. J'aurais aimé déceler ce qu'il avait en tête, mais j'ignorais encore que je n'y aurais jamais accès.
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Le manchot, l'unijambiste ne sont pas des réguliers, mais j'ai bien le souvenir de cet homme-tronc parcourant le train en rampant sur la ligne 14. Il passait dans l'allée à la hauteur des genoux. Levant les yeux de nos Smartphones, nous le toisions d'un air gêné. Le sentiment du voyageur oscillait entre compassion et nervosité accusatoire. Le scandale semblait tenir à sa présence et non à son état. Nous ne supportons ni la laideur, ni l'infirmité. A la vision de l'homme sans jambes, la peur qui nous étreint est celle de notre propre mutilation.
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On se contentera donc d’imaginer la jalousie de ces esclaves d’eux-mêmes restés en France dans leur tout petit monde devenu un musée géant, en cravate et veste de costume, avec leur souris d’ordinateur, leurs épouses Weight Watchers et leurs enfants sous Théralène.
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Là-bas, il n’y a personne. Vous pouvez crier, pleurer, appeler les vôtres ou même les maudire, personne ne vous entend. Vous êtes enfermés dehors, jetés hors du monde des hommes.
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Officiellement, les musiciens du métro utilisent le réseau souterrain pour se faire connaître, comme des artistes en promotion. Dans les faits, ils adhèrent au label pour survivre. Vagabondage et misère artistique sont étiquetés, fléchés, les autochtones deviennent les pièces d'un musée de l'actuel, ce Paris touristique aux devantures humaines. Le joueur d'oud de Belleville, qui charme de son sourire mélancolique les travailleurs chaque matin sur les quais de la 11 en direction de Châtelet, est il officiellement "musicien de métro" ? Et le tout petit guitariste d'Amérique centrale qui entonne Guantanamera, avec son visage carré, à l'Hôtel de Ville ? Le son des cordes de l'instrument nous parvient aux oreilles sur ce quai de métro sans que l'on puisse savoir d'où il joue, la mélodie s'enroule aux sinuosités de la station, l'écho disperse ensuite les accords comme un liquide, la foule s'enduit d'un air portoricain, cubain, argentin, pour le temps qu'elle traverse cet espace souterrain.
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Ici, tout est déplacé. Mais n'est-ce pas exactement ce qui définit le mieux Châtelet-Les Halles, cet état de sabotage permanent des mémoires, ce mélange sans dessein, un vertige anarchique au ventre de Paris, ses viscères tourmentés?
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Elle stationnait dans cet aéroport avec ses camarades de promo. Certains auraient besoin de prendre l'avion du trop, qui coûtait cher. Même onéreux, ce voyage apparaissait plus facile. Très peu étaient comme elle, à vouloir l'eau froide, le sel dans la gorge et l'insularité monastique, frappante, des après-midi pour entendre la mer, attendre l'amour, comprendre la gloire.
Quelques années avant Dubaï, certains auraient encore déclaré que les nuits étaient faites pour écrire ou s'amuser, l'après-midi pour faire l'amour. Lorsqu'ils le soutenaient, ce n'était pas du dandysme, c'était assumé, ressenti, véritable. Ils n'avaient pas encore embarqué dans l'avion. Ensuite, ils auraient perdu leurs rêves. On regarderait et on visiterait Al [ndlr : Anne-Laure] comme un cimetière. Ils auraient eu peur de leur propre réalisation. Leur désir émoussé d'une réussite franche les auraient conduits jusqu'au rêve de rater leur but. Ils aspireraient à s'échapper du rêve véritable, se réjouiraient de s'en exclure, attacheraient une attention toute particulière à la sécurité financière ou au tactique. Le peur de vivre les auraient éconduits. Dubaï la rayonnante sentait la mort à plein nez. Et, à vrai dire, Al pensait qu'elle serait la seule à parvenir jusqu'à Ouessant.
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La culture serait un loisir, accolée à la rubrique "art de vivre", dans les hebdomadaires. Ils posteraient leurs photos du break sur ShowYou. Ils reliraient les moralistes du XVIIème aux toilettes et les interpréteraient à leur avantage. Ils auraient réussi. Mais regretteraient de ne pas être les autres, qui ne touchaient que peu d'argent pour beaucoup de désir. Ils envieraient leur désir, qu'ils avaient perdu, sans penser à leur manque d'argent. Tout cela formerait des nébuleuses parallèles de frustration et de tristesse. Ils n'en finiraient pas de, tous, désirer.
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Bientôt le voyage à Istanbul cessa d'être un coup de foudre ; dans leur souvenir, la chaleur n'accrocha plus les pupilles ; le soleil s'en dégagea comme une femme des mains d'un homme empressant. Ils avaient top désiré l'ailleurs, négligé sa religiosité nécessaire. Ce voyage subit une dépigmentation indolore comme ils en avaient observé sur les mosaïques en visitant les églises les plus anciennes. Le rouge ternit et l'or partit en écailles. Sans histoire, mais l'écaillage portait son poids. Ils recueillirent ces fractions de bravoure qui leur avait un temps prouvé qu'ils voulaient vivre. L'amertume leur en fit constituer un amas de romantisme fragmentaire. Leur espérance fut un patchwork d'impressions et de choses anciennes qu'on travaille au corps pour les voir réapparaître dans l'insomnie comme antalgiques au vide.
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Autrement, quand elle ne dansait pas le twist, elle pensait à son fils à Paris, et parfois à sa fille en Egypte ("J'aimerais bien qu'ils se marient, avec Brian"), mais jamais à son époux à l'asile. Ses affaires prospéraient sans qu'elle évoque directement l'internement de Papa. Elle me priait toutefois d'aller le visiter, comme on donne des instructions pour l'arrosage d'une plante verte. Je m'étais demandé ce que cela lui aurait fait s'il était mort. J'étais prêt à parier que la conversation eût alors été d'ordre matériel ou logistique. Choix du bois de cercueil, un vin d'honneur ou non après la cérémonie, à qui léguer sa paire de richelieus aubergine, etc.
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