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Critiques de Sofia Aouine (168)
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Rhapsodie des oubliés

Avant de recevoir ce roman, je l’avais vu passé dans les sorties annoncées. Il faut bien l’avouer, d’un premier coup d’œil, ce roman ne m’avait pas parlé. Tout d’abord, à cause de sa couverture (le marketing a malgré tout une place importante dans la vente de romans, il ne faut pas se leurrer) très sommaire et peu attirante. Et ensuite, le résumé : bien qu’il ne soit pas inintéressant, ce n’est pas le type de résumé qui m’appelle à la lecture. Trop basique, trop banal presque … rien qu’avec ce résumé j’ai eu l’impression que tout cela allait manquer de dynamisme et de consistance. Mais comme le dit le proverbe : l’habit ne fait pas le moine. C’est donc avec curiosité et entrain que je l’ai commencé. Malheureusement, mon entrain s’est vite mué en désespoir.

Il faut reconnaître que le postulat de base n’était pas fait pour me convaincre : utiliser une langue si familière à la limite du grossier, très peu pour moi. J’aime lire pour la beauté des textes et la poésie de la langue française. J’estime que c’est une langue si expressive qu’elle nous permet de tout écrire et de faire passer un grand nombre de sentiments. Malheureusement, ici, je n’ai pas été sensible à cette familiarité donnée à cette langue. Et au-delà de ça, elle a créée une sorte de barrière entre le texte et moi.

Une barrière si grande que j’ai vite abandonné cette lecture. Pendant plusieurs jours, j’ai été incapable de dépasser la page 90. J’ai dû me forcer à le reprendre tellement ce début de roman m’avait ennuyé. Et lorsque je l’ai enfin recommencé, j’avais finalement complètement oublié ce que j’avais lu auparavant … Comme si, à l’image d’Odette, j’étais atteinte d’Alzheimer. La raison première à cette perte de mémoire ? Je dirais que ça manque indéniablement de « sentiments ». Je n’ai rien ressenti lors de cette lecture. Ni colère, ni peine, ni frustration, ni compassion… Juste de l’indifférence. J’ai manqué de vrais rebondissements, de vrais enjeux. C’était, à mes yeux, très plat. Mais, il faut bien reconnaitre qu’il y a une réussite : tout tourne autour de l’oubli … Autant pour l’auteure que pour le lecteur. L’auteure parle des oubliés et le lecteur les oublie. Le titre est donc particulièrement bien choisi.

Autre fait qui m’a lourdement dérangé : l’obsession d’Abad pour la « baguette ». Pourquoi ? Lorsque le résumé disait : « le cœur plein de ronces, l’amour et le sexe », je ne m’attendais pas à ça. On peut être curieux lorsqu’on est jeune, mais il y a des limites. Un roman qui ferait donc « retomber toutes les baguettes ».

Pour en revenir au résumé, il est question de roman noir, de hip-hop et de soul music. J’ai longuement cherché, mais rien ne m’a rapproché de ces genres-là. Pour faire un roman noir, il ne suffit pas de créer des malheurs à n’en plus finir aux protagonistes. Il ne suffit pas de les faire évoluer dans les rues jonchées de prostituées, non plus. Il faut une atmosphère particulière. Et cette atmosphère est inexistante, de bout en large. Où sont ces sensations d’oppression, d’étouffement, de danger imminent, de chute vertigineuse ? Ce roman est à l’image de l’électrocardiogramme d’un mort : lisse. Et, personnellement, lorsqu’on me parle de hip-hop, je m’attends à un sentiment de colère, de rage presque. Quand on me parle de Soul music, je m’attends à de la beauté, de la souffrance et à une certaine douceur. Mais je n’ai rien eu de tout cela.

Au niveau des personnages, j’ai eu bien du mal à m’attacher à Abad. Je ne l’appréciais, ni ne le détestais … en vérité, je me moquais un peu de son histoire. Je n’avais qu’une hâte : retrouver Ida. Ce qui est fort dommage puisqu’il est le personnage principal. À l’image du roman lui-même, j’ai trouvé Abad très « fade ». L’auteure avait tous les moyens de nous le rendre sympathique (sans qu’il soit obligatoirement un merveilleux et sage jeune homme) et pourtant elle l’a dénué de tout charisme (même nos anti-héros préférés en ont). J’ai adoré Ida. J’ai adoré son personnage, son histoire, sa force, son courage… C’était LE personnage qui, à mon sens, aurait dû être central. Elle avait quelque chose à raconter (autre qu’une histoire de « baguette » …), quelque chose d’intéressant, de prenant.

Seules les histoires d’Ida, du père d’Abad et d’Odette parvenaient à me maintenir en alerte. Elles étaient si prenantes que j’arrivais à oublier ce style d’écriture qui ne me convenait pas. C’était de vraies histoires. Des histoires qui créaient un sentiment chez le lecteur, et même une certaine addiction. Quelle déception de voir qu’elles ont été survolées au profit de celle d’Abad qui ne méritait pas tant de pages. En résumé, je ne pense pas être bon public pour ce roman. De ce fait, je n’ai pas réussi à réellement l’apprécier. Et je dois bien l’avouer, si je n’avais pas pris de notes lors de ma lecture, j’aurais été incapable (à peine trois jours plus tard) de me souvenir de l’histoire d’Abad. Rhapsodie des oubliés sera donc pour moi, un grand oublié de ma bibliothèque.
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Rhapsodie des oubliés

Mieux la Goutte d’or que le Triangle d’or ! J’en ai soupé des histoires de femmes névrosées dont l’unique problème est de confier leur 4X4 au voiturier de la rue Montaigne ! Là, on a de l’authentique, du sincère, du spontané, de l’inventif, du vivant ! Naturaliste comme du Zola, émouvant comme du Gary (on pense à la Madame Rosa de « La vie devant soi »), décomplexé comme du Rajaa Alsanea (Les filles de Riyad), le roman de Sofia Aouine est non seulement divertissant, il est nécessaire. Le rôle d’un écrivain est de donner à voir. À voir des mondes où le lecteur n’ira jamais. L’auteur les rend familiers, attachants, accessibles. Mission accomplie. J’ai été sensible à la langue de la rue, imagée, créative, irrésistible. Les salafistes sont des barbapapas, les femmes en niqab des batmans. On ne s’adonne pas à l’onanisme, on pratique la bagnette et la psychologue, c’est la dame de « l’ouvrir dedans ». Sofia Aouine aime viscéralement ce quartier du XVIIIe (descriptions magnifiques dans les premières pages) et ses habitants. Sous sa plume, les balafres ont du charme, les blessures sont toujours près du cœur. Les délinquants, les égarés, les putes, les mécréants, les apprentis jihadistes, les dealers, les clodos, les maquereaux, les petits vieux, les travailleurs immigrés… Chacun a sa place sur cette planète qui résiste à tous les envahisseurs, à la gentrification, à l’islamisation, à la drogue et aux descentes de police. Sofia Aouine leur donne une voix. J’ai été particulièrement touchée par le journal de la jeune musulmane déchirée entre son désir d’émancipation et le respect qu’elle doit à sa communauté (pages 111-118). Émue aussi par les confessions de la vieille dame qui voit sa vie lui échapper. Bouleversée par le tragique destin de Gervaise, la prostituée venue d’Afrique. Un livre beau et fort, une célébration d’un quartier haut en couleurs et en douleurs.
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Rhapsodie des oubliés

Barbès nous est raconté, Barbès est pourri, Barbès est une ville dans la ville. Sofia Aouine, grâce à une écriture tantôt littéraire, tantôt acerbe et crue, tantôt alimentée de langage de rue, nous fait découvrir le quotidien d'Abad, un autre monde. Le lecteur peut le sentir, le toucher, presque l'apprivoiser. C'est un contraste étonnant entre Abad, ce jeune homme désinvolte, vif et malicieux et ce quartier où se côtoient malheur et déchéance. Et puis, il y a ceux qui ont changé la vie d'Abad et son regard sur le monde. Gervaise, qui vend son corps (qui a une fille qui s'appelle Nana restée au pays, joli clin d'oeil à Zola), sa voisine Odette et une poignée d'autres. Une lueur dans la noirceur... (...)



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Rhapsodie des oubliés

Les oubliés, ceux de la rue Léon, quartier de la Goutte d’or, Paris, un monde sans rondeur ni souplesse, abrupt, vif et brutal. On y crève. Les mômes, les putes, la drogue et la secte qui t’embrouille les neurones pour mieux t’embrigader, c’est le quotidien ; faut survivre. Abad raconte.



Lui est lucide. Ce n’est pas là qu’il pourra s’en sortir, même avec les services sociaux sur le dos, la psy du mardi soir ou les voisines qui le guident. Il a mal aux hormones, imagine l’amour, s’y cogne. Il rêve et promet, quand il sera grand, ce sera différent, il agira. Mais le quartier l’enferme. L’enferre. L’enfer.



Les mots sont les siens. Bruts. La langue du quartier, la vie sans mensonge, une survie.



Il y aura le Liban, la grand-mère, lui, ses parents, la trop belle Gervaise, Odette ou celles que l’on voile, d’autres aussi, des existences sans importance, là où on remplace, là où personne ne vient. On étouffe, on suffoque, on s’évade sur les toits ou dans l’Arak ; on s’écrase parce qu’on calanche.



Ce roman est celui des silences d’un quartier qui se gangrène, une parole violente et directe donnée à ces oubliés d’un Paris faussé, d’une France laissée à l’agonie, auto-nécrosée. L’auteure, reporter radio, maîtrise l’art du mot, de la phrase choc, fougueuse et impatiente, poétique dans la crudité. Elle nous happe et nous retourne, nous sensibilise et nous informe.



Un premier roman intense. Indispensable.
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Rhapsodie des oubliés

Je viens de lire le premier roman de Sofia Aouine mais je sais qu'il ne sortira que le 29 août. Je viens de lire cette "Rhapsodie des oubliés" et j'ai envie, besoin, d'en parler là maintenant tout de suite. En parler du mieux que je peux pour que d'autres lecteurs l'ouvrent, le découvrent et soient happés à l'intérieur des mots comme je l'ai été.

Voilà donc Abad, 13 ans, arrivé du Liban avec sa famille et installé rue Léon, Paris, XVIIIe arrondissement, qui raconte et qui nous fait pénétrer dans son quartier, dans cette rue qui "raconte l'histoire du monde avec une odeur de poubelles". Oui, les images sont crues, osées, aussi violentes que la réalité quotidienne que ce gamin doit affronter en essayant de ne perdre ni son âme, ni sa liberté. Son âme, c'est avec Gervaise la belle tapineuse camerounaise qu'elle parvient à s'envoler ; c'est avec Odette, la vieille dame aux milliers de chansons et de livres, qu'elle se nourrit ; c'est avec Mme Futterman, la psy avec "une valise qui hurle dans un coin", qu'elle "s'ouvre du dedans". Et c'est avec Batman, la jeune fille voilée de l'appartement d'en face, avec Colette, avec toutes ces filles et ces femmes rencontrées, croisées, observées, qu'elle apprend à se rebeller.

Comme la rue Léon, le roman de Sofia Aouine contient l'histoire du monde, d'un monde étroit et mal foutu qui, comme un ogre, dévore l'enfance avant qu'elle ne s'épanouisse et avilit le corps des femmes pour mieux dissoudre leur souffle. Avec ses mots de gamin malicieux et lucide, dans une langue colorée de multiples influences, Abad nous emmène au coeur de la misère, là où justement il n'y a guère de coeur. Et le roman se construit comme une tapisserie où se cousent l'une à l'autre différentes voix, des temporalités éclatées, des histoires déchirées que le récit raccorde entre elles et à celles de cet Antoine Doinel du XXIe siècle. Pas de dolorisme, pas de lamento ! Une énergie incroyable émane du personnage et de l'écriture, une volonté prête à bouffer tous ceux qui seraient susceptibles de l'empêcher d'avancer, de grandir, d'être l'homme qu'il veut être.

Cette langue ravageuse, rebelle, se fait souple pour s'adapter aux histoires qui influent sur celle d'Abad. D'une ironie mordante quand il s'agit d'évoquer l'influence des intégristes, elle se fait poétique pour raconter le passé de Madame Futterman, rageuse pour retracer la vie de Gervaise, désespérément hilarante pour décrire l'arrivée en Picardie. C'est une langue protéiforme qui vit et qui change au gré des situations, des descriptions, des personnages... et du point de vue du narrateur. Une langue d'aujourd'hui qui ne craint pas de se frotter aux classiques (les noms des personnages et les différents exergues y incitent aussi), Zola, Ajar-Gary, Proust, Hugo, Truffaut..., pour s'en repaître, de la même manière qu'Abad se nourrit et s'élève en lisant et en écrivant dans son carnet noir. Emportée par l'urgence d'une vie à vivre loin de la rue Léon, l'écriture parvient à ramasser tous ces lambeaux d'existence pour donner son unité et sa solidité au roman.

Histoire, construction, personnages, écriture, rythme, sujet... tout, absolument tout, m'a épatée dans ce premier roman ! Et, malgré la violence qui en émane, malgré la tristesse et la colère désespérée, je garde de cette lecture une impression d'optimisme revigorant. Cette "Rhapsodie des oubliés" à l'énergie prodigieuse va chanter longtemps dans ma mémoire !



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Rhapsodie des oubliés



Barbès- Rochechouart, fragments de la vie d’Abad dans le quartier de la Goutte d’or. Un quartier où même les gens honnêtes ont l’air de voleurs, alors Abad jeune poulbot de treize ans vit son âge et sa pauvreté et fait donc pas mal de conneries. En chemin il croise, Gervaise une belle de nuit qui a laissé Nana sa fille au pays. Nana, Gervaise, finalement le XVIII éme arrondissement de Paris n’a pas beaucoup changé depuis « L’assommoir » de notre cher Émile.



Rhapsodie Rap, approche poétique et documentaire d’un quartier et d’une époque, Sofia Aouine à la langue bien écrite et son petit héros, turbulent et tendre pose un regard sans concession sur le monde qui l’entoure. Abad c’est le petit frère de Momo de « La vie devant soi » et le petit cousin d’Antoine Doinel.



Impossible dans l’épilogue de « Rhapsodie des oubliés », ne pas imaginer le long travelling de la course d’Antoine pour voir la mer, il ne manque que le regard caméra. Fort et poignant.



Sofia Aouine aime Jean Cocteau, François Truffaut et Romain Gary, ça tombe bien, nous aussi.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Rhapsodie des oubliés

C'est un livre écrit en noir et blanc, une rhapsodie littéraire naturaliste où se mêlent plusieurs écritures. Un mélange de slam, de hip hop, de langage cru, langage de rue, et puis parfois des parties plus littéraires.

On connait ce quartier parce qu'on nous conseille de ne pas y traîner...

Mais Abad, nous prend par la main, et nous fait ressentir, rencontrer, cette rue où il vit, ces personnes qu'il côtoie, qu'il craint, qu'il aime.

Il y a plein de misère, de drogues, d'odeurs, de peurs, mais il y a surtout des gens, l'enfance, l'amour, la souffrance et l'envie d'un ailleurs.

Évidemment j'ai pensé à Zola en le lisant, à sa Gervaise...

Évidemment j'ai pensé à Dolto, à son écoute des enfants, à son désir de leur donner des outils.

Et bien sur, j'ai pensé à Truffaut et ses 400 coups.

Un livre qui ne passera, selon moi, pas inaperçu dans cette rentrée littéraire.
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Rhapsodie des oubliés

Un livre avec un regard acerbe, des odeurs, des émotions. On est happé par l'ambiance, l'univers.
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