Touchant mais pas mièvre. Truculent (les séances de branlettes et la passion des nichons des ados) mais nullement obscène. Drôle souvent. Très sérieux parfois (les djihadistes à 2 balles, les adolescentes voilées et claquemurées de force) mais toujours avec humour. Lu d'une traite (ou presque). Ai fait des progrès en verlan! Cela fait un moment que je n'ai pas lu un portrait aussi juste d'un titi parisien de 13-14 ans. Beaucoup d'empathie pour les habitants de la Goutte d'Or. A la fin du livre j'étais à 2 doigts de proposer à mon épouse et à mes enfants de déménager dans la rue Léon, une rue "avec que des métèques et des visages bruns dedans". Je recommande chaudement!
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Première partie passionnante, la seconde ennuyeuse; dommage.
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Dans le cadre des 68 premières fois, je viens de lire un premier roman qui m’a emballée : Rhapsodie des oubliés !
Publié aux éditions Lamartinière, ce premier roman raconte l’histoire d’Abad dans le quartier de la Goutte d’or, à Barbès à Paris et plus particulièrement dans la rue Léon. A travers le regard d’Abad qui débarque du Liban à l’âge de 10 ans dans ce quartier cosmopolite et misérable de Paris, on découvre la vie ordinaire des gens que Victor Hugo avait mis à l’honneur dans les Misérables, ces oubliés des temps modernes : prostituées, personnes âgées, migrants, etc. A travers un regard lucide et plein d’humour, Abad raconte sa tranche de vie, celle d’un adolescent, encore puceau, amoureux d’une Batman, enchaînant bêtises sur bêtises. Dans sa petite vie, trois femmes vont croiser son chemin, trois femmes, elles aussi marquées par un passé douloureux et un avenir trouble : Gervaise, la prostituée qui se sacrifie pour sa fille laissée au pays, Nana ; Odette, la voisine, la grand-mère qu’Abad retrouve en elle et qui lui donne l’amour des mots et de la musique et Ethel, la psychanalyste. Des rencontres qui libèrent la parole d’Abad, cette parole si juste, si crue et cruelle sur la vie.
Rhapsodie des oubliés, c’est le roman des misères mais aussi de l’espoir, c’est celui qui rappelle que derrière les misérables, ceux qu’on oublie, il y a une humanité, bien plus grande que celle qu’on imagine.
Vous l’aurez compris, c’est un véritable coup de cœur pour ce roman et cette écriture à la fois tellement lucide sur le monde et remplie d’une folle vie ! (et j'ai adoré toutes les références littéraires et les clins d'oeil au cinéma et à la culture populaire !)
En résumé : pour moi c’est mon coup de cœur de la rentrée littéraire !
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Bienvenu à Barbès, Paris 18ème. A deux pas du Sacré-Coeur.
Ah là, on n'est pas dans le Paris chic des Champs Élysées et des boutiques de luxe.
Ici, le luxe c'est Tatiland comme on l'appelle, c'est quand même autre chose...
C'est là qu'Abad, un jeune Libanais de 13 ans a atterri avec sa famille.
Abad, il va vous faire visiter son quartier, sa rue Léon.
Il va vous présenter sa famille, ses voisins, ses putes, ses fantasmes (avec sa bande de potes puceaux), il va vous faire rencontrer Gervaise, Odette, Batman ou encore la dame pour ouvrir dedans (c'est lui qui l'a baptisé comme ça, mais je vous laisse deviner qui elle est, d'ailleurs).
À Barbès vous allez croiser toutes les communautés, toutes les religions, tous les excès. Vous allez fréquenter les bistrots, les mosquées ou les hôtels de passe. Vous allez observer depuis votre fenêtre, votre balcon (plus sûrement votre fauteuil), la vie des autres, de ces gens-là qu'il est plus facile de montrer du doigt que d'essayer de comprendre.
Que savons-nous du déracinement ?
Que connaissons-nous des causes qui ont amené là, tant de nationalités, de religions et de cultures différentes, obligées de cohabiter ?
Ici on vend de tout, tissus, fruits et légumes, alcool, drogue, on vend son corps, on vend du rêve et de l'espoir, à chacun son Dieu, même si celui des barbus est omniprésent, à chacun ses croyances, ici, souvent, on baisse la tête. Ici des femmes qui se cachent sous le niqab croisent des femmes qui, elles, dévoilent leurs charmes.
Abad, avec son regard d'ado, ne dément pas. Il ne vous décrit pas le paradis sur terre.
Sous la plume caustique de Sofia Aouine, vous allez vivre le quotidien d'un gosse de Barbès.
Oh, vous n'allez certainement pas l'envier, ni ceux qu'il croise d'ailleurs, mais vous allez vivre au plus près d'un monde que nous autres nantis on se plaît à deviner plus qu'à fréquenter.
À Barbès, des hommes battent femmes ou enfants parce que l'alcoolisme ou le chômage.
À Barbès des femmes subissent et élèvent leurs enfants en silence.
À Barbès des enfants font des conneries alors on sévit.
À Barbès on rit, on chante, on pleure, comme partout, y a juste les langues qui diffèrent.
Sofia Aouine réussit un coup de maître avec ce premier roman. Elle ne cherche pas l'empathie. Elle n'accuse pas. Elle ne culpabilise pas.
Dans son livre, elle ouvre la fenêtre d'Abad et lui dit doucement à l'oreille :
- Regarde petit, respire, écoute, voici ton monde, il n'est ni beau ni laid, il est le monde...
Abad c'est les habitants de Barbès, c'est elle, c'est nous...
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Roman court qui nous raconte le XVIIIeme arrondissement, ses habitants qui se mêlent aux touristes du sacré cœur.
Abad nous raconte son XVIIIeme, ses ami(e)s hétéroclites : les gars de la bande des 4 fantastiques mais aussi Gervaise une prostitue du quartier ou encore Odette sa vieille voisine.
Le roman est rédige dans un langage cru, un langage de la rue, le langage de Abad qui raconte avec ses yeux d’enfants (qui ont déjà vécu beaucoup de choses) son quotidien et le quotidien du quartier.
C’est un beau premier roman, j’ai été très touchée par Abad qui semble indomptable mais qui a un cœur si gros... J’ai même été émue par moment, le voir nous raconter tant de choses si dures et de façon si juste...
Très beau moment, il est beau de voir raconter un enfant qui vit des choses si dure avec un si grand cœur et une volonté pour la vie.
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Lire « Rhapsodie des oubliés » après avoir rencontré Sofia Aouine, c’est multiplier par deux le plaisir de cette découverte. C’est entendre sa voix tonitruer dans une langue oscillant entre Sorbonne et Cambronne, c’est deviner l’émotion qui affleure sous le bon mot qui claque, c’est retrouver l’histoire « plus qu’autobiographique » de l’auteure sous les mots d’Abad, son personnage.
Abad a treize ans, cet âge d’exil par excellence, balloté entre enfance et adulescence, et, si c’est au Liban qu’il a fait ses premiers pas, c’est dans sa rue du XVIIIème arrondissement de Paris qu’il a commencé à rouler sa bosse, à jouer les Quatre Fantastiques avec ses potes et à compter les boutons d’acné de sa sève montante. Abad a un cœur gros comme ça qui ricoche contre les angles de sa vie comme sur les pavés de sa rue, entre ses parents douloureusement taiseux, Gervaise, la pute aux yeux tristes, Odette, sa presque mamie d’ici, et la mystérieuse voisine d’en face dont les yeux, sous son voile, lui ont ravi l’âme. Et puis, il y a la vieille aux pieds bleus, la dame de « l’ouvrir dedans », celle qui glissera sous la pagaille des émotions et des mots du jeune garçon le fameux carnet noir aux pages blanches pour que tout s’y pose et s’y repose, pour qu’enfin sa parole se dise au lieu de se cogner.
Comme elle est agréable au cœur et à l’oreille cette rhapsodie dont les mélodies et les voix se mêlent sur tous les tons et tous les rythmes. Comme elle touche, avec son ton juste et ses mots spontanés qui arrivent des quatre coins du dico et de la langue riche, noble, foisonnante, imagée de leur auteure…et comme on aura plaisir, désormais, à guetter parmi les autres la pas si petite musique de Sofia Aouine.
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"Je me demande où tu as appris des horreurs pareilles, mais il y a beaucoup de vérité dans ce que tu dis." - Romain Gary, La Vie devant soi
"Ma rue a la gueule d'une ville bombardée, une gueule de décharge à ciel ouvert, une rue qui ne dort jamais, où les murs ressemblent à des visages qui pleurent. Des murs qui n'ont jamais été blancs et qui semblent hurler sur toi quand tu passes devant. Je suis arrivé dans ce bordel il y a à peine trois ans et j'ai déjà l'impression d'avoir vieilli de dix piges, rien qu'en me posant sur le banc du square Léon. Juste à regarder les gens. Les enfants ont l'air de centenaires. Des yeux de vieux sur des gueules d'anges."
Rhapsodie, du grec ancien ῥάπτω (coudre) et ᾠδή (chant).
Rhapsodie, ces chants que l'on coud les uns aux autres.
Rhapsodie, la voix d'Abad, 13 ans, que Sofia Aouine, reporter et à présent écrivaine, fait s'élever pour coudre le patchwork des vies de ceux qui habitent rue Léon, Paris, 18e.
"Ma rue raconte l'histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s'appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans."
Autant le confesser tout de suite, je me suis fait peur pendant les trente premières pages. Cette logorrhée mêlant argot des rues, grossièretés, mots inventés, régurgitée par Abad à la première personne, m'a asphyxiée. Comme une envie de lui plaquer la main sur la bouche pour le faire taire ! Il y a à l'évidence un travail sincère sur l'oralité, mais qui passe mal à l'écrit alors qu'on n'est pas encore installés dans la lecture. Cela aura peut-être raison de certains lecteurs venus chercher la mesure, la clarté et qui en seront pour leurs frais. J'ai donc eu beaucoup de mal à entrer dans ce récit dont les phrases s'enchaînent à un rythme sans mesure ni retenue, où les alinéas sont trop rares pour ménager une pause, une respiration. Essayez de le lire à voix haute, vous verrez, c'est un sacré défi qui vous fera apprécier/évaluer la musicalité insolite de ce texte, son vertige aussi.
À la Goutte d'Or, ce quartier que la République semble avoir oublié
"Une planète de martiens, un refuge d'éclopés, de cassos, d'âmes fragiles, de ceux qui ont réussi à dépasser Lampedusa....de gens honnêtes qui ont toujours l'air de voleurs et qui rasent les murs pour pas qu'on les voie."
vivent Abad et ses parents qui ont fui le Liban trois ans plus tôt.
Abad, ce presque adolescent, gouailleur, sensible, effronté, titillé par ses hormones (c'est le moins que je puisse dire !), apporte au texte sa fraîcheur en réinventant une langue et sa petite musique. Parce qu'au-delà de la valeur quasi-documentaire du récit, mi-autobiographique, mi-fictionnel, la musique de la langue est l'une des grandes affaires de ce premier roman. Sofia Aouine ose (prend le risque d' ?) une langue métissée, crue, aux images osées, mais justes pour donner à voir ces existences qui s'effilochent et qu'il faudrait ravauder.
"Je suis triste et en colère, le matin quand je regarde par la fenêtre de ma chambre. Ma rue a des airs de Kaboul avant la tempête. Les sons et les odeurs d'avant ont été remplacés par un genre de silence à rendre fou [...]. Je me dis qu'il faut faire quelque chose pour sauver ce qui peut encore l'être dans cette putain de rue [...]"
Au travers des artifices langagiers du turbulent Abad, c'est la langue qui régit ce roman d'apprentissage, instantané d'une société et d'une époque. Une langue frondeuse, poétique, provocatrice, émouvante, choquante, un slam qui "malmène la prosodie française" ainsi que le dirait Petite Feuille dans Les quatre cents coups. Écoutez :
"Sur le boulevard des rêves brisés, la chair des femmes est un trésor car avec Clarisse, la dette augmente chaque jour comme les kilos sur son gros cul que tous ont envie de botter. Sur le boulevard des rêves brisés, les putes ne sont pas blanchisseuses et finissent noyées dans la crasse. Sur le boulevard des rêves brisés, les putes, même les plus belles, meurent comme des mouches noyées dans le pot de miel. Sur le boulevard des rêves brisés, j'ai appris que les hommes ne pleurent pas et que la vie est une sacrée pute. Sur le boulevard des rêves brisés, l'amour c'est pour les autres et surtout pas pour nous. Ici la mort infeste le bitume."
Récit-mosaïque : journal intime, texte publié sur Wattpad, lettre, chanson... L'écrit protéiforme est, surtout dans les premières pages, l'espace d'une langue parlée, d'une voix elle aussi protéiforme qui n'aura de cesse d'évoluer.
Abad, fin observateur, est une voix tout à fait crédible pour nous raconter son histoire, ce quartier. Contrairement à d'autres romans où les propos de l'enfant trahissent l'adulte qui écrit, Abad, charismatique, est confondant de naturel. Il brosse des portraits terriblement émouvants de ces femmes que le destin a abimées et que l'on retrouve sur son chemin. Ces femmes, qui sont autant de figures maternelles, en rappellent d'autres.
Car les liens que Sofia Aouine tissent avec des romans qui ont fait date sont l'autre grande affaire de cette Rhapsodie des oubliés. Je regrette que ce tissage soit brut, qu'ici ou là le fil soit un peu grossier. La parenté est affichée, revendiquée même à la fin du roman, et certains personnages n'échappent pas aux stéréotypes.
Dans la Rhapsodie des oubliés, ce sont les femmes qu'on n'oublie pas, alors que les hommes passent ou s'en vont. Gervaise, la pute au grand coeur et sa fille, Nana, restée en Afrique (Émile Zola, L'Assommoir), Odette, vieille voisine et mémé Jémayel de substitution, Ethel Futterman/Madame Rosa, rescapée d'Auschwitz (Romain Gary/Émile Ajar, La Vie devant soi).
La Vie devant soi, justement, avec Momo, jeune Arabe aux savoureux impairs langagiers, est l'une des références les plus voyantes, bien sûr. Dans les dernières pages, il est tout autant difficile de ne pas voir passer le fantôme d'Antoine Doinel, l'adolescent rebelle des Quatre cents coups de François Truffaut. Ceux qui connaissent le film se souviendront de la dernière séquence où Antoine s'échappe du centre pour délinquants, court à perdre haleine pour se retrouver sur la plage, au bord de la Manche. Même mouvement de caméra ici.
Un premier roman sans filtre, très largement autobiographique, audacieux et décomplexé.
Lu dans le cadre de la session automne 2019 des #68premieresfois
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Paris, XVIIIe arrondissement, Abad, jeune adolescent, regarde son quartier, celui de la Goutte d'Or. Un quartier où se côtoie prostitution, pauvreté, précarité, fanatique, violence, paumé... À treize ans, le sexe, l'amour, les nichons sont les principaux sujets d divertissements.
Abad partage son Paris, celui de son quartier à travers de splendides descriptions comme d'histoires glauques. Au fil des pages, succession de péripéties, on traverse une tranche de vie, avec des personnages hauts en couleurs tous reliés par la pauvreté et le malheur de la vie, la face cachée d'un Paris rêvé.
"Rhapsodie des oubliés" est une réussite, c'est clair. Une plume à la fois tendre, remplie de poésie mais aussi acide, hilarant, sans pathos. Le style de Sofia Aouine est percutant avec une liste de personnages tout aussi attachant les uns des autres. Aucun des personnages de ce premier roman est épargné, et c'est là le grand succès de ce roman qui malgré un style littéraire, montre, démontre, décrit, peint, un monde bien réel, juste a porté de main.
Un roman d'apprentissage avec une vue kaléidoscopique de la société française à travers une jeunesse laissée a l'abandon. Un roman qui sent le vécu et la réalité de ce véritable quartier de Paris que l'auteure a connue. À travers les yeux d’Abad, Sofia dépeint une réalité sociale faite de misère avec beaucoup de sincérité et sans misérabilisme.
Bref, un premier roman qui vous happe par son intensité, par ce Paris des oubliés, et qui démontre que le langage familier, celui de la rue, peut aussi être littéraire et poétique. Bravo ma chère Sofia pour cet envoutement !
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L'histoire d'un ado dans le quartier de Barbès...
Je n'affectionne pas du tout ce style qui reprend par écrit le langage de quartier, l'argot, et beaucoup de vulgarité.
Mais au bout de quelques pages, le personnage s'installe et effectivement, cet aspect colle parfaitement à sa personnalité, son environnement et sa construction. Ai-je aimé??? Je suis partagée.
Le "héros" est malgré tout très attachant et ses relations avec "les femmes de sa vie" (sa voisine âgée, la prostituée du coin de la rue, sa psy) sont vraiment touchantes mais le roman laisse une sensation d'histoire non finie. Il est court, on ne rentre à mon goût pas assez dans le vif du sujet, et chaque histoire dans l'histoire reste en suspens... je termine ma lecture un peu frustrée.
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Ce roman nous plonge d'emblée dans l'atmosphère du XVIIIème , le quartier , pas le siècle des Lumières . Splendide description de ce quartier , Barbès , la Goutte d'Or , on sent l'amour de l'auteure pour l'endroit où (je suppose ) elle a vécu . Abad est un jeune de 13 ans qui vient du Liban , avec un lourd passé du côté de sa mère , il s'adapte comme il peut à cet environnement chamarré et pauvre .
Il me fait penser parfois à Antoine Doinel dans les Quatre cent coups , il est obsédé par les nichons , surtout quand ses voisines sont des Femen , il ne commet pas que de bonnes actions . Quand ses parents limitent son champ d'action , il devient mutique , on l'envoie chez une psychologue , Ethel Futterman , une rescapée de la Shoah et la seule survivante de sa famille .
En définitive , c'est l'influence des femmes qui l'empêche de plonger dans la petite délinquance et lui permet de trouver sa place dans ce monde cruel : Odette , une femme âgée qui lui donne le goût de la lecture et de la musique ; Gervaise , une prostituée noire , dont la fille , Nana , est restée en Afrique (Zola , bien sûr !) ; et puis , surtout , celle qu'il appelle Batman , à cause des vêtements sombres qu'on lui impose , dont il est réellement amoureux , surtout en raison de quelques baisers volés (Truffaut encore) .
Au-delà de l'intrigue , très riche , et des personnages hauts en couleur(s) , la langue de l'autrice est un pur ravissement . C'est la langue des quartiers dit "sensibles" , le langage est cru et inventif , les dialogues dignes de Prévert , les mots ne sont pas tous dans le dictionnaire , bien sûr , mais ils donnent une belle musicalité à cette écriture (il y a d'ailleurs une magnifique playlist à la fin du roman , dont je retiens surtout Ya Rayah , allez savoir pourquoi ) .
Le personnage d'Abad est plus complexe qu'il n'y paraît , il m'a fait penser au Momo de Romain Gary dans la Vie devant soi (référence ultime pour ma pomme ) . A la fin du roman , comme Antoine Doinel , Abad court pour voir la mer , ce livre est truffé d'images cinématographiques qui ne m'ont pas laissé indifférent .
Surtout , l'autrice a un infini respect pour tous ces oubliés , ceux que notre société ignore ou n'a pas envie de voir , son regard est empreint d'humanité et de tendresse . Pour un premier roman , c'est une franche réussite .
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Il y a chez Abad, un peu du "Momo" décrit par Romain Gary dans "La vie devant soi", mais il y a aussi l'instantané d'un quartier parisien, la Goutte d'Or où cohabitent toutes les immigrations, légales ou non, tous les désespoirs d'une société ni française ni étrangère.
Au travers de ce gamin des rues, franchement porté sur la branlette (il y a des passages savoureux, d'une réalité et d'une fraîcheur..), se dessine le portrait d'un quartier de "recalés", d'Ida la gamine juive sauvée de la Shoah, à Gervaise (-Hello ZOLA -) la pute africaine, des "Barbapapas" (intégristes islamistes auxquels l'auteur via la narration n'accorde aucune circonstance atténuante - le chapitre en mode texto sur les candidats au voyage vers la Syrie est décapant !) à Madame Odette, retraitée-virée de Radio France et qui fait découvrir musique et littérature à ce gosse "de rien"...
C'est Paris, dans ses replis pas bobos, dans sa cruelle réalité, c'est aussi un témoignage émouvant, souvent drôle, parfois sinistrement réaliste qu'offre Sofia Alouine !
Une belle plume, un auteur à suivre !
Presque coup de cœur !!
(Il nous en faut de ces auteurs qui racontent les autres, les musulmans pas rigoristes pas terroristes, qui narrent "l'ensemble" et pas la détestation, qui donnent à voir des êtres humains exactement identiques à nous dans toutes leurs faiblesses, dans tous leurs espoirs..)
(....) faire semblant que tout va bien, éviter la honte, y revenir un jour, fermer sa gueule même si la rage gronde. Pas chez nous, pas chez toi, homme englouti ici et refusé là-bas."
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Une rhapsodie, d’après Wikipédia, est une « pièce musicale instrumentale de composition très libre et d’inspiration populaire ».
Alors oui, c’est bien une rhapsodie que Sofia Aouine nous fait entendre. Les chapitres se succèdent sans souci de chronologie, l’écriture est riche et pleine de mots d’un argot de banlieue, une langue orale, bien loin de ce qu’on lit habituellement dans les livres.
Par-dessus l’entrainante musique de fond, le brouhaha de la vie quotidienne et extraordinaire des habitants du quartier de Barbès, la voix d’Abad s’élève peu à peu. Petit garçon arrivé du Liban avec sa famille, cherchant les clés pour s’intégrer, le monde est à ses yeux bien étrange et incohérent.
Vu de l’extérieur, sous l’œil des touristes ou des lecteurs, Barbès, c’est coloré, pittoresque, mais pour ceux qui y vivent, c’est surtout difficile, c’est « cassoceland », comme dirait Abad dans sa langue d’adoption et d’invention. Aussi violent que le pays en guerre qu’il a quitté, y survivre y est aussi difficile. La morale de la rue est élastique, c’est surtout la loi du plus fort qui a cours.
Mais qui sont ces oubliés ? Ce sont les voisins d’Abad, les habitants de la rue Léon. Ce sont les oubliés de la République Française, les sans-familles, ceux à qui personne ne s’intéresse. Prostituée, vieille dame, jeune musulmane voilée, gamin moldave, le roman est une galerie de portraits vivants.
Enfant surdoué et sensible, Abad promène sur eux un regard neuf et curieux, et leur redonne la dignité d’exister. Aucune commisération, le ton est incisif et distancié, les relations d’égal à égal, quel que soit l’âge, la personnalité, le statut social. Mais Abad ne se contente pas d’observer, il prend soin de tous ces oubliés de la société et tente, à sa manière, de leur rendre justice, sans crainte de prendre des risques.
A travers toutes ces rencontres, et grâce à « la dame d’ouvrir dedans », la personnalité d’Abad éclot peu à peu et l’enfant silencieux se métamorphosera en conteur.
Drôle, touchant, dramatique, cruel, un roman plein de vie, d’espérance autant que de désespoir.
Une bien belle lecture !
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J’ai débuté la lecture de ce premier roman avec un doute immense : la prestation de la jeune auteure dans l’émission de La Grande Librairie, sur France 5, m’avait séduite, mais je craignais ne pas apprécier du tout le langage utilisé, celui des banlieues du XVIIIe. En effet, les phrases de type de celles utilisées par les jeunes des quartiers sensibles ne sont pas du genre à me rappeler de bonnes périodes de ma carrière d’enseignante : "Oh la victime, il a une tête de chelou!", "Obligé, c'est un cassos de la Ddass!", "Regarde ses pompes, abusé!", "La honte wallah… Moldavie wesh, sa daronne fait la manche au marché de Barbès… Attention, cache ton iPhone, ah c'bâtard, il va nous dépouiller…" Mais ici, l’utilisation de ce type de langage est un passage obligé (et momentané) puisque l’auteure laisse son petit héros maghrébin prendre la parole en tant que principal narrateur de ce bout de vie, ce morceau d’une année, celle d’un gamin de treize ans, né au Liban, atterri en banlieue parisienne du jour au lendemain, loin de sa mémé adorée.
C’est là, qu’à ses heures perdues, depuis l’arrière des stores de l’appartement familial qu’il joue l’observateur d’un microcosme polychrome en constante mouvance (« Certaines familles […] préféraient voir leur fils faire le jihadiste de pacotille au quartier plutôt que la victime au mitard »), plutôt vers le bas, dans la crasse, le malheur et la violence, d’un petit coin de la capitale française où l’imaginaire collectif se nourrit habituellement de récits élaborés au cœur des quartiers bobos où tout va bien, tout est beau, estampillé Vuitton, Chanel ou Dior et où tout rutile dans l’éblouissement de la ville Lumière…
Abad, de haut de ses treize ans, lui, n’est pas dupe. Tout juste adolescent, il nourrit une passion : il adore les « nichons » ! Toute fissure dans un mur est propice à des heures passées en espérant voir des filles se déshabiller et à pratiquer la « bagnette ». Quelle chance quand il a, pour un laps de temps, une « Femen » en guise de voisine ! Son obsession va mettre sur sa route Gervaise (comme dans Zola, oui…), jeune Africaine mise sur le trottoir, parce qu’elle « avait grandi mal et trop vite en passant des nattes et chaussettes blanches aux strings ficelle en l'espace de quelques années », de rêves perdus en désillusions douloureuses, elle n’en possède pas moins un cœur immense…
Deux autres figures féminines vont aider Abad à ouvrir les yeux ; sa voisine, Odette, mamie fan de musique et de littérature, et Mme Futterman, psychologue survivante de la Shoah. Au final, trois portraits de femmes aux secrets lourds et à la vie partiellement brisée. Trois survivantes.
Et je pense que c’est grâce à ces trois personnages féminins que ce roman est devenu pour moi, au fil des pages, un véritable coup de cœur. J’ai senti mon émotion grandir au fur et à mesure des évènements qui se sont succédés dans la vie de ce petit bonhomme, mais aussi dans celles des personnages corollaires. Aucun n’est épargné. Et on se rend bien compte que même si nous sommes dans un roman, ce texte colle tellement à la réalité de milliers de personnes vivant en France actuellement qu’il ne peut laisser indifférent. Il me marquera pendant un moment, je pense.
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