« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. »
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Sa rue, la rue Léon.
Son quartier, Barbes, Goutte-d ’Or, Paris XVIII.
Une ville dans la ville. Un monde à part. Une autre planète.
Un quartier à dimension universelle pour mieux contraster avec l’individualité qui y règne. Ici, les générations se succèdent sans se rencontrer, on y entasse les êtres, on additionne les vies. « Les âmes sont suspendues les unes aux autres mais ne semblent jamais se croiser. »
Des habitants isolés les uns des autres quand le quartier est isolé du reste du monde ; aux frontières hermétiques, quant à l’intérieur, tout y est poreux :
La rue Léon, c’est l’animation, le brouhaha, qui se communique d’un foyer à l’autre, contraste saisissant avec le silence, religion dans le foyer. Quand le père s’exprime uniquement par les coups, quand la mère se tait, le bruit de la rue lui confère une dimension parentale. Elle gouverne, elle materne.
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Alors Abad comble le silence extérieur et éteint les hurlements intérieurs.
Il chante la rhapsodie des oubliés; ceux ignorés par⠀leur père, par la société, par leur mère, par l’amour, par la vie. Ceux qui n’ont plus que la rue comme foyer.
Il psalmodie des incantations contre l’oubli, convoquant les souvenirs, ceux qui vous hantent et vous consument, ceux que l’on veut oublier, ceux que l’on ne peut oublier, tatouant à jamais les mémoires qui « traversent silencieusement la peau des familles ».
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Abad est la voix de ceux qui n’ont en pas. La mémoire de ceux qui n’en ont plus.
Sofia Aouine s’en fait l’écho, par une écriture puissante, rythmée et vivante. Ses mots crus, acides, contemporains sont le symbole de la richesse d’une langue en constante évolution. Une langue qui appartient à peuple ; un peuple auquel il appartient de la faire vivre.
L’argot qu’elle emploie, vocabulaire propre à un milieu fermé emprunte le même voyage vers l’universalité de la langue commune que le récit dont la construction narrative interroge les personnages et leur milieu par une dialectique intérieur / extérieur.
Ainsi Abad, narrateur et personnage principal, entame une odyssée introspective à mesure que son quartier et ses habitants prennent une dimension universelle.
Sofia Aouine atteint elle l’exposition d’une grande autrice.
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