Les Grands Feux sont devenus la toile de fond de ce roman presque à mon insu. Il en est toujours ainsi. Je plonge dans un roman avec un petit rien qui me laisse deviner que derrière il y a un univers à découvrir. Dans le cas de Il pleuvait des oiseaux, c`est en interrogeant les motivations de ces hommes qui se retirent dans les bois que les Grands Feux se sont glissés dans le roman. L`un d`eux devenait incapable de vivre sa vie parce qu`il avait absorbé toute la souffrance des Grands Feux en errant dans les décombres fumants. J`ignorais alors que cette tragédie hanterait tout le roman. Étonnamment, à l`exception du nord de l`Ontario où ils ont valeur mythique, les Grands Feux ne sont pas connus au Canada. J`ai découvert leur existence il y a quelques années en menant une recherche pour un roman que j`écrirai peut-être un jour, peut-être jamais, qui sait.
Je ne souhaite pas voir les bois s`emplir de gens en quête d`épanouissement personnel. La vie d`ermite des bois n`est pas donnée à tout le monde. Il faut la santé, une grande force morale et une bonne connaissance de la forêt. Il faut surtout avoir un grand besoin de solitude et de liberté et un grand amour de la forêt. de mes trois ermites des bois, Charlie est le seul qui choisit cette vie pour les bonnes raisons. Les deux autres fuient, la perspective d`une maison de retraite pour l`un et les fantômes de sa vie pour l`autre. Mon espace de liberté se trouve dans l`écriture romanesque, une autre forme de solitude, qui reste cependant bien ancrée dans le réel. Je ne suis pas une femme des bois.
Je ne m`intéresse pas tant à la nature qu`aux gens qui y vivent, ces gens qui ontune connaissance intime de la forêt, qui connaissent les plantes sans pouvoir les nommer, savent que celle-ci réagit de telle ou telle façon, annonçant une pluie ou un automne hâtif, toutes choses qu`ils ont besoin de savoir. Vous remarquerez d`ailleurs qu`il n`y a aucun passage magnifiant la nature dans le roman. C`est simplement le cadre de vie de mes personnages. Je n`ai aucune opinion sur le « nature writing », mais je suis étonnée de l`expression anglaise, inconnue au Québec, pourtant très empreint d`anglicismes, que nous combattons cependant.
Écrire un roman est une aventure aussi imprévisible que la vie elle-même. On ne sait pas où elle va nous mener. Dans le cas de Il pleuvait des oiseaux, je suis partie simplement de l`idée de la disparition. Mes romans précédents parlent tous de disparition. Un personnage disparaissait, laissait derrière lui une blessure, le romanse bâtissait sur cette cassure. Cette fois-ci, j`ai voulu aller du côté des disparus. le roman a d`ailleurs failli s`intituler Les grands disparus. Comme j`habite une régionenvironnée de forêt, il m`était naturel d`imaginer que ces gens qui tournent le dos à leur vie et au monde s`enfoncent dans la forêt et deviennent des ermites des bois. Ces gens étant âgés, inévitablement, j`en suis venue à m`intéresser à la vieillesse et à la mort qui est la compagne de vie de la vieillesse. Je ne savais pas que viendrait aussi l`amour. Mais il est vrai que j`ai une tendresse particulière pour les personnes âgées. Elles ont toute leur vie dans leur regard, des pensées libres d`elles-mêmes, plus rien à prouver aux autres non plus qu`à eux-mêmes. Ils n`ont que la vie, qui peut leur être enlevée à tout moment. La proximité de la mort les rend plus vibrants de vie dans leur fragilité. Je parle évidemment du grand âge.
Il y a longtemps que je voulais écrire un roman qui ait le ton d`un conte. Je pouvais ainsi allier gravité et légèreté, aborder des sujets graves sans lourdeur. Dans le cas de Il pleuvait des oiseaux, le ton du conte vient de ces passages en italique entre les chapitres qui introduisent dans un présent intemporel un narrateur omniscient, le maître véritable du récit. Ce supra-narrateur promène son œil dans le récit et vientraconter au lecteur ce que la photographe ne saura jamais. Ces passages permettent des ellipses qui font appel à l`imaginaire du lecteur. Tout n`est pas dit, tout n`est pas écrit dans ce roman. Je laisse de larges pans narratifs à imaginer entre les voix narratives, entre les chapitres.
Le Québec s`est bâti sa propre identité au confluent de l`influence anglo-saxonne et française dans un contexte nord-américain. de sorte qu`on a le goût des histoires et qu`on écrit dans une langue qu`on fait valser sur notre propre musique. Il en résulte une littérature qui a une texture et un souffle particuliers. Il faut voir les jeunes romanciers québécois, ce qu`ils se permettent. À suivre, vraiment.
Je suis encore étonnée de l`accueil qui lui est fait. Ce roman, je l`ai écrit comme un autre en me souciant uniquement de le mener là où il devait aller. C`est uniquement à la toute fin que j`ai craint pour lui. Une histoire de petits vieux au fond des bois, me suis-je dit, personne ne va lire ça. Il semble que ce que j`avais cru un handicap est devenu la force résonnante de ce roman. Comme quoi, il faut écrire ce qui demande à être écrit.
Je ne me souviens pas, mon désir d`écrire est trop ancien.
L`histoire de l`amour de Nicole Krauss, une écriture qui allie intelligence, sensibilité et poésie sans négliger la substance romanesque.
Les nourritures terrestres d`André Gide pour des phrases comme «Jette mon livre et quitte-moi.». J`avais 14-15 ans.
Les Heures de Michael Cunningham, dont on a fait un film qui, fait rare, est aussi un chef-d`œuvre.
Au dessous du volcan de Malcolm Lowry, un gouffre sur les bords duquel je me suisendue par trois fois jusqu`à la page 180, c`est là que le livre s`ouvre de lui-même, comme une invite.
Voyage en Inde avec un grand détour, la trilogie voyageuse de Louis Gauthier, pour l`écriture au plus près de cette chose indicible, impalpable, l`angoisse.
J`allais dire Notre Dame de Paris en raison de la lourdeur de ce que j`avais vu au cinéma et à la télévision. Mais je ne me souviens pas avoir lu Victor Hugo. Alors je suis allée voir et j`ai été impressionnée par l`ampleur du propos.
Désolée, pas de mémoire, pas fétichiste.
La flûte de Rafi d`André Vanasse, mon directeur littéraire depuis mon tout premierroman. C`est troublant de plonger dans l`univers littéraire d`un homme qui connaît si bien le mien.
Découvrez Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier aux éditions Denoël :L'écrivaine Jocelyne Saucier vous fait découvrir des extraits de son roman Il pleuvait des oiseaux (XYZ, 2011). L'année de sa publication, cette oeuvre a remporté le Prix des cinq continents de la Francophonie, une récompense littéraire créée par l'Organisation internationale de la Francophonie. Jocelyne Saucier lit également, en primeur, des extraits de son tout nouveau roman qui sorti cet automne : À train perdu (XYZ, 2020). // Emprunter les romans de Jocelyne Saucier en version numérique http://bit.ly/JSaucier *** Découvrez tout ce que BAnQ a à vous offrir! https://www.banq.qc.ca/
Je suis une créature hybride, mi-homme mi-cheval.