Sang Young Park

Je prends conscience alors que notre époque, celle de Jaehee et moi, que je croyais voir durer éternellement, est définitivement révolue. Jaehee qui renouvelait toujours à temps la provision de myrtilles. Jaehee ma sauvegarde, mon disque dur, celle qui connaissait toutes mes histoires d'amour, la trombine et le patronyme de tous les hommes avec qui j'étais sorti. Jaehee qui fumait n'importe où et qui sortait avec les types les moins recommandables. Jaehee qui m'a appris que les plus beaux moments ne durent jamais éternellement - Jaehee n'est plus là.

Pendant longtemps, j'ai détesté entendre les gens parler d'amour. Et pire encore, ceux qui parlaient d'amours homosexuelles — ceux-là j'aurais carrément voulu leur taper dessus, quels que soient leurs propos. C'est le même amour, un bel amour, juste un humain qui aime un autre humain... Mais l'amour est-il vraiment beau ? Pour moi, ce n'était rien d'autre qu'un état éphémère de passion incontrôlable qui, une fois que son objet s'était échappé, dégénérait en quelque chose de moche.

Une nuit, plus tard, alors que nous étions couchés l'un près de l'autre, j'ai posé la question à Gyuho. Pourquoi avoir voulu sortir avec moi en dépit de Kylie ?
- Qu'il y ait ci, qu'il y ait ça, c'est toi.
Pas "parce que" ni "toutefois" ni "malgré", mais "qu'il y ait ci, qu'il y ait ça". Ces mots me plaisaient et je les ai fait rouler dans ma bouche en gargarisme.
- Qu'il y ait ci, qu'il y ait ça.

Mais l’amour est-il vraiment beau ?

Pour moi, ce n’était rien d’autre qu’un état éphémère de passion incontrôlable qui, une fois que son objet s’était échappé, dégénérait en quelque chose de moche. Cette vérité désagréable, je ne l’avais comprise qu’à force d’allers-retours entre une chambre de soins intensifs et une chambre ordinaire ‘hôpital.

Mais rien de tout cela n'était mon vœu véritable et je les avais barrés les uns après les autres. C'est sans doute à ce moment-là que j'avais fait un trou dans la lanterne. Au bout du compte, je n'avais laissé que deux syllabes. Gyu Ho. Mon vœu.

Rêver, c'est beau. Mais rappelez-vous d'une chose, une opportunité c'est comme un train, une fois parti, ça ne repasse pas. Qu'est-ce qu'il me chante là ? Un train, ça passe toutes les heures, tous les jours.

Lorsque au matin, les cheveux en bataille, je quittais les motels du quartier de Jongno, c'était avec la conscience renouvelé d'une vérité absolue : le monde était peuplé de gens solitaires.

Parfois il est pour moi le synonyme de l'amour. Alors prouver l'existence de Gyuho, parler de lui et de sa réalité, est pour moi comme prouver la réalité et l'existence de l'amour.

J’avais swipé frénétiquement à la recherche de quelqu’un qui me sortirait de mon lit-cercueil, du quotidien encalminé où je moisissais petit à petit.

Parce que je savais que ce frémissement serait éphémère. Parce qu'à la fin, la nuit et le jour se touchent exactement.